Mesrine en questions
Vincent Cassel, Jean François Richet et Jean Cottin, respectivement acteur, réalisateur et producteur du diptyque Mesrine, étaient présents à Budapest le 22 novembre pour présenter ce film qui est déjà un succès en France. La première partie, Mesrine : l’instinct de mort sera sur les écrans hongrois dès le 26 novembre et il faudra attendre janvier 2009 pour la deuxième partie.
A Vincent Cassel : Que pensez-vous du personnage de Mesrine ? En aviez-vous entendu parler jeune ?
Comme pour tous les gens de ma génération, le jour de la mort de Mesrine en France a été marquant puisque son corps a été littéralement exposé à la télévision. Mais je n’ai pas participé à ce film pour réhabiliter son nom ou au contraire pour l’enfoncer et dire que c’était un type abominable. Je l’ai attaqué comme on attaque un personnage en tant qu’acteur, c’est à dire avec une certaine distance en essayant plus de comprendre les mécanismes qui étaient les siens que pour le juger.
A Jean François-Richet : Êtes vous attaché au film de genre : le Polar, le film de gangster ?
Le film de gangster permet de parler assez facilement de notre société. Il faut dire aussi sur Mesrine qu’il est également un symbole de lutte contre l’Etat, ce que l’on peut voir surtout dans le deuxième film. Il ne s’agit pas de l’apologie d’un criminel, il représente plus que cela en France. Dans le deuxième film, il côtoie des mouvements révolutionnaires. C’est sans doute pour cela qu’il est une icône chez nous
A Jean François-Richet : En France le film a-t-il provoqué des débats ?
Ce personnage fait débat parce qu’il a été exécuté Place de Clignancourt à Paris sans aucune sommation. Ça c’est hors-la-loi. Il y a eu un vrai débat de société sur le fait de savoir si une démocratie pouvait se permettre d’être à la fois accusateur, juge et bourreau. En France cela fait trente ans que le débat est soulevé.
A Jean Cottin: En France il est peut-être plus facile de faire des films que dans d’autres pays, grâce aux possibilités d’aides financières. Mais pour ce film avez-vous rencontré des difficultés ?
Ce film a eu très peu de fonds publics. Nous voulions faire un film français mais dirigé vers l’international. La principale difficulté c’est que Mesrine est atypique car il comporte deux parties, ce qui impliquait beaucoup de risques, puisque si la première partie ne marchait pas, cela aurait entraîné l’échec de la deuxième.
A Vincent Cassel: Ce personnage vous est il devenu plus sympathique au cours du tournage ?
En fait il ne m’est jamais vraiment apparu comme quelqu’un d’antipathique. Tel que j’analysais ce personnage, il s’agissait d’un rebelle sans cause qui a essayé de se donner une contenance en s’accrochant à diverses causes politiques mais sans réellement en avoir une qui lui était propre. En même temps, en France (je ne sais pas comment c’est ici) on a une certaine sympathie pour les personnages qui ont le courage de dire non. Et le personnage de Mesrine est vraiment un personnage qui se construit dans la négation (surtout dans le deuxième film).
A Jean-François Trichet : Pourquoi avez-vous pensé à Vincent Cassel pour ce rôle ?
C’était tellement une évidence que ce serait Vincent qu’avant d’accepter le film je savais que si Vincent ne le faisait pas je ne le faisais pas. Il y a plein de bons acteurs en France mais je pense que c’était le seul qui pouvait l’incarner. Ils ont un point commun. Mesrine fonctionne à l’adrénaline, c’est quelqu’un qui a plein d’énergie et je me suis servi de l’énergie de Vincent pour cela, car il est comme ça aussi.
A Vincent Cassel : Comment vous êtes-vous préparé physiquement et psychologiquement pour le rôle ?
A la fin des années 70 Mesrine était un homme assez corpulent, avec une barbe, très chevelu, il était très différent de ce que je suis aujourd’hui. Et donc il a toujours été question de se rapprocher de l’image que connaissaient les gens. J’ai effectivement pris vingt kilos pour le film. Comme je savais que je ne pourrais pas grossir pendant le film, on s’est mis d’accord avec Jean-François Richet pour commencer par la fin et on a tourné les deux films en ordre déchronologique jusqu’à ce que je revienne à ses 25 ans et à ma ligne actuelle. Pour la préparation, à côté des régimes surprotéinés, gras et sucrés, j’ai lu tout ce qui avait été écrit par lui ou par les gens qui l’on connu. Comme ce film a eu 7 ans de genèse, j’ai tout lu.
A Jean François-Richet : La vie de Mesrine représente une grande masse d’événements et d’informations. Qu’est-ce qui vous a guidé dans vos choix pour tirer un scénario de tout cela avec le scénariste Abdel Raouf Dafri ?
La vie de Mesrine est très riche. Pour résumer vingt ans de sa vie en 4 heures, il y avait des choix à faire. Nous avons sélectionné tous les moments où il changeait, où il passait d’un état psychologique à un autre. On a décidé de ne garder que ces faits-là. On a mis de côté, par exemple, beaucoup de scènes spectaculaires d’actions. On a privilégié aussi bien les scènes intimes que les scènes d’action.
Alexis Courtial
Mesrine, l’instinct de mort
Un film de gangsters français
Mesrine, l’instinct de mort est un film de genre français réussi, ce qui peut ressembler à une gageure au vu des productions récentes (pour les tentatives dans le polar, voir le pathétique 36 Quai des Orfèvres). Dans la veine des grands personnages noirs hollywoodiens issus du fondateur Scarface (Hawks, De Palma), vous trouverez ici un film sanguin à l’image de son inspirateur et de son interprète. Aucun aspect n’est gommé de ce personnage complexe qui fait ses classes en Algérie, bourreau d’Etat, puis s’intègre au Milieu parisien, où il commence à braquer et assassiner pour son compte. « On a armé ma main au son de la Marseillaise et cette main a pris le goût de l’arme » disait le bandit. Faisant cohabiter à l’écran les méfaits ignobles et les côtés humains de Mesrine, nous montrant que par certains aspects le gangster est comme nous, Richet nous plonge dans un état d’empathie vis-à-vis d’un personnage qui ne peut obtenir notre sympathie. Encore faudrait-il nuancer cela en rappelant que Mesrine, durant les années Giscard, a clairement emporté la sympathie de beaucoup de Français, à voir le nombre et le contenu de chansons, films et livres qui lui ont été consacrés. Le film n’est lui, au moins dans sa première partie, ni hagiographique ni à charge.
Assez audacieux sur le plan formel, l’instinct de mort démarre sur un split screen nerveux et paranoïaque décuplant le sentiment d’être épié. Nous avons droit ensuite à des figures assez classiques pour ce genre de film, mais qui restent efficaces. Musique haletante, caméra portée de temps en temps, scènes d’action dans les grands espaces canadiens qui donnent de l’ampleur au personnage qui prend goût à la gloriole médiatique: tout cela sert un métrage qui ne faiblit pas sur la durée. Mention spéciale pour la scène de prison, qui est d’un suspense excellent, et peut dignement rivaliser avec de grands classiques du genre. En bref, cette première partie mérite le détour !
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