Mendelssohn à l’honneur à Budapest: une heureuse initiative...
Depuis quelque temps, Mendelssohn est particulièrement présent à l’affiche des concerts donnés à Budapest. Anniversaire ou pur hasard ? Peu importe et voilà qui est tant mieux, car, s’il est un compositeur qui mérite meilleure reconnaissance, c’est bien lui.
Au-delà des tubes du hit parade que constituent sa symphonie italienne, son concerto de violon, et la Marche nuptiale du Songe d’une Nuit d’été (1), que connaît-on vraiment de lui ? Pas grand chose, à vrai dire. Et pourtant, sa musique de chambre et surtout sa musique religieuse nous offrent des sommets du répertoire classique.
Un grand merci donc, aux organisateurs de concerts de l’avoir programmé ici, à Budapest; notamment avec ces trois concerts donnés en moins d’un mois au Palais des Arts: Paulus, le Songe d’une Nuit d’été et Six pièces religieuses dont le merveilleux psaume Laudate Sion. Et quels concerts!
Un prétexte bienvenu pour évoquer non seulement le grand compositeur et musicien qu’il fut, mais aussi sa personnalité si attachante. En notre époque où l’on parle d’oecuménisme, voilà un bel exemple! Né de parents juifs, converti - encore enfant - au protestantisme, Mendelssohn nous offrit parmi les plus belles pièces du rite catholique. Quand on pense qu’il fut mis à l’index par le régime nazi (et violemment critiqué par Wagner...), quelle honte ... et quelle stupidité!
Au-delà des innombrables psaumes et pièces d’inspiration religieuse que Mendelssohn nous a laissées (dont ses oratorios Paulus et Elias), nous lui devons la redécouverte de la musique sacrée de Bach, alors totalement tombée dans l’oubli. Chef d’orchestre renommé, il eut le courage de mettre les oeuvres religieuses du Maître de Leipzig au programme de ses concerts et contribua ainsi à leur popularité. (Dont la Passion selon Saint Mathieu dirigée à Berlin, alors qu’il avait tout juste 20 ans!) Oeuvres qui, avec les grands oratorios de Haendel - qu’il révéla également au grand public - inspirèrent profondément sa musique sacrée, sans pour autant rien compromettre de son originalité.
S’il fallait résumer en deux trois mots le style de Mendelssohn, nous retiendrions sa finesse, son raffinement, son élégance. Finesse qui se retrouve également dans son physique et dans son comportement. Finesse ... et grande générosité. Ami de Schumann, il tenta de l’épauler en lui confiant la direction de son orchestre, le prestigieux Gewandhaus de Leipzig. Fondateur du Conservatoire de Leipzig (dont il confia également une chaire à Schumann ), il lança de nombreux artistes.
Moins connus sont ses dons d’aquarelliste et de dessinateur. Et pourtant, ici aussi, quel talent et quelle finesse!
Enfin, père de cinq enfants Félix Mendelssohn fut, dit on, un mari aimant, pour une épouse d’origine française. Fille d’un pasteur alsacien établi à Francfort, elle-même douée de talents de peintre. Très fort fut également le lien d’affection qui le liait à sa soeur Fanny, son aînée de cinq ans, qui nous laissa elle-même de brillantes compositions. Il ne survécut que six mois à la disparition de Fanny, une perte qui l’avait profondément affligé. Félix mourut en pleine jeunesse, à 38 ans. Mort précoce, mais talent précoce également, qui nous produisit dès l’adolescence des oeuvres d’une rare perfection.
Musicien qui, aux côtés de son ami et admirateur Schumann, figura sans conteste parmi les plus grands de son époque, Mendelssohn nous laissa une oeuvre impressionnante, le tout composé en à peine 20 ans. D’une grande élégance et soignée, sa musique, toujours vive et enlevée est empreinte d’un grand lyrisme; elle est également caractérisée par une orchestration très colorée aux sonorités raffinées. Il demeure entre autres le maître incontesté du scherzo.
Egalement chef réputé, invité à maintes reprises à diriger en Angleterre, Mendelssohn révéla au public de nombreuses oeuvres majeures, telles, outre les grandes oeuvres chorales de Bach (Passions) ou de Haendel (Le Messie), la IVème de Beethoven ou la IXème de Schubert, qu’il créa à Berlin en 1839.
L’hommage qui lui est rendu aujourd’hui dans les salles de Budapest est donc plus que largement justifié. Un hommage d’autant bienvenu que les interprétations qui nous sont offertes ici se révèlent être d’un niveau remarquable. Parmi lesquelles je citerai Paulus sous la baguette inspirée de Philippe Herreweghe et un Songe d’une Nuit d’été fabuleux dirigé par un Iván Fischer survolté. Une initiative particulièrement bienvenue, en attendant la suite avec les concerts qui nous sont déjà annoncés pour le printemps (2).
Pierre Waline
(1): c’est en Angleterre que naquit la mode consistant à jouer la Marche lors des cérémonies de mariage, notamment à l’occasion d’un mariage princier célébré en 1858.
(2): dont, en mai à l’Académie de musique, une soirée qui fera judicieusement alterner ses concertos pour piano et deux pianos avec ceux de Bach.
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