Médicaments sur ordonnance

Médicaments sur ordonnance

 La prise de médicaments évolue au gré des réformes de santé Le Neocitran, qui sert à atténuer les symptômes de rhume, caracole en tête des ventes. Or, le fabricant n’a pas établi de stratégie marketing particulière pour la Hongrie. Le secret du succès de ce mélange soluble dans l’eau chaude réside peut-être dans son goût de citron, qui ressemble au thé au citron fortement associé dans les coutumes hongroises à la guérison. Et, ce qui n’est pas négligeable, on peut l’obtenir en pharmacie sans ordonnance. C’est déjà suffisant pour qu’un produit s’écoule plus que la moyenne, et cela montre aussi que nous ne prenons pas toujours en compte des arguments rationnels en ce qui concerne le traitement des maladies. Les décisions gouvernementales introduites en 2007, influant de manière significative sur les comportements médicamentaires, ont justement oublié de prendre en compte ce dernier fait.  Médication irrationnelle  Les réformes changeront sûrement les habitudes médicamentaires, mais pour aller dans quelle direction ? Les spécialistes eux-mêmes n’en sont qu’aux hypothèses. Et ce n’est pas un hasard, puisque les institutions nationales chargées des examens préliminaires, des autorisations ou de la promotion des médicaments, - comme l’Institut National du Médicament (sigle hongrois : OGYI -NDT), la Caisse Nationale d’assurance santé (OEP), le ministère de la santé ou l’institut de recherches de stratégies de la santé - n’ont pu nous renseigner sur la manière dont les Hongrois prennent leurs médicaments. Et sans cette information, pourtant, il serait presque immoral de mettre en application justement les changements qui pourraient influencer la prise médicamentaire : on ne connaît pas leur influence sur la consommation.  A la lumière de ces informations, il est intéressant de voir que l’OGYI, pour soumettre l’Algopyrin (ainsi que 18 autres médicaments) à l’ordonnance médicale, s’est reporté à l’argument selon lequel les Hongrois l’utiliseraient à mauvais escient. Le directeur de cet institut, Paál Tamás, a expliqué, dans une allocution télévisée, que beaucoup prennent quotidiennement ce médicament populaire contre le mal de tête, sans savoir qu’il est aussi le facteur d’une diminution du nombre de globules blancs dans le sang. C’est pour cela qu’il faut enlever au malade la responsabilité de décision, et la placer entre les mains du médecin, qui décidera si, oui ou non, il faut donner au patient souffrant de maux de tête le médicament voulu. En fait, le fabricant lui-même aimerait se libérer de son produit, cela fait cinq ans qu’il a demandé son retrait du marché, mais l’OGYI - selon les mots du directeur en personne - l’aurait dissuadé d’interdire l’élément le plus populaire des pharmacies domestiques hongroises. Et aujourd’hui, après cinq ans, ils reconnaissent que le comprimé peut éventuellement causer des dommages dans l’hématopoïèse (formation du sang - NDT) et qu’il a par conséquent besoin d’une « surveillance médicale ». Pendant ce temps, à la nouvelle de la mise sous ordonnance, une fièvre acheteuse a démarré dans les pharmacies. Fin janvier, le triple du chiffre habituel a été écoulé, et l’on peut s’attendre, jusqu’à la mi-février, si tant est qu’on arrive à réapprovisionner les étagères des pharmacies, à un nouvel assaut, puisque c’est à partir de cette date que la vente sans ordonnance de l’Algopyrin sera interdite. Mais les Hongrois seront encore assis sur leurs stocks (et sur les conséquences qui en découlent pour la santé) pendant longtemps. Lorsqu’ils en seront venus à bout, ils pourront aller chez le médecin se faire établir une ordonnance, mais, comme l’explique Aurél Kertai de la Chambre hongroise des médecins, le docteur ne fera probablement pas d’examen sanguin pour un «simple Algopyrin». «Si nous respections toutes les règles, cela fait longtemps que l’assurance maladie aurait fait banqueroute», souligne Kertai, qui est lui-même médecin praticien. Le ministère de la santé affirme que ce n’est pas la mauvaise utilisation du médicament qui a justifié les changements sur les préparations désormais soumises à ordonnance. C’est tout simplement en effectuant un contrôle sur les médicaments qui pouvaient être autorisés à la vente hors des pharmacies (stations essence, supermarchés - NDT), que les produits cités ont attiré l’attention. Le ministère a également pris en compte l’exemple international dans sa décision. Selon un communiqué, les produits au metamizol, comme l’Algopyrin, sont vendus uniquement sur ordonnance dans l’Union européenne, plus précisément en Autriche, Belgique, Estonie, Pologne, Lituanie, Allemagne, Italie, Espagne. En France et dans les pays scandinaves, ils ont déjà été retirés de la vente. Les produits contenant de l’amidoacétone, comme le Delmagon et le Germicid, sont interdits partout en Europe, sauf en Bulgarie. Nous n’avons pas pu savoir non plus si, sans ces réformes profondes du système de santé, il y aurait eu des inspections, et auquel cas, faites par qui et quand, pour enfin savoir si, oui ou non, nous pouvons ingérer les médicaments que nous prenons.  Derrière l’affaire de l’Algopyrin se profile une compétition entre deux produits : le metamizol et le paracétamol. Depuis le début de l’année, plusieurs préparations à base de paracétamol se sont glissées parmi les médicaments que l’on peut obtenir sans ordonnance et hors des pharmacies ; ils pourraient remplacer les médicaments contre les douleurs et la fièvre soumis à l’ordonnance médicale. Mais pour Aurél Kertai le doute subsiste: bien que le malade ait déjà compris que, même si le mal de tête ne passe pas, il ne peut pas prendre plusieurs comprimés d’Algopryn à la suite, il aura des problèmes avec le paracétamol, parce qu’il n’est pas encore évident pour lui que, sous un nom et un prix totalement différents, c’est exactement le même produit qu’il ingère (quoique doté d’un pouvoir sédatif moindre), et peut-être plusieurs fois de suite, ce qui peut le conduire à l’empoisonnement.  Faire des économies Il faut tout de même dire au crédit du ministère de la santé qu’il tend à alléger les dépenses des malades. Ceux-ci espèrent qu’avec la concurrence qui naîtra de la vente de médicaments hors des pharmacies, et qu’avec le choix entre plusieurs produits contenant les mêmes principes actifs, ils pourront, grâce à l’outil informatique, sélectionner les meilleurs prix pour préserver leur porte-monnaie. Le médecin de famille devra informer le patient, à l’aide de l’ordinateur, des préparations les moins chères disponibles, et le laisser choisir celle qui lui sera prescrite ; si le patient ne choisit pas la moins chère, il devra le justifier par écrit. Plusieurs personnes pensent que cela ne va que compliquer la tâche, et du médecin, et du patient, sans faire baisser la dépense. «Il est possible que le malade paye ses médicaments moins cher, mais il n’est pas sûr qu’il en guérisse, parce qu’il pourrait être allergique à l’un des principes actifs, par exemple, ou tout simplement parce qu’il n’y croirait pas», estime Katalin Hávelné Szathmári, directrice générale de la Chambre Hongroise des Pharmaciens. Sans parler du fait que, les patients ayant déjà essayé les médicaments dans différentes combinaisons, leurs médecins connaissent ceux qu’ils supportent bien, et ils ne vont donc pas en changer simplement parce qu’un autre coûterait moins cher. On peut donc supposer que les réformes ne toucheront que les nouveaux patients, ceux qui entament aujourd’hui une cure quelconque.  Automédication  «On ne peut réduire la relation médecin - patient à un prix ou à un composant du médicament. La relation personnelle et l’expérience ont aussi un rôle important à jouer», déclare Zoltán Lantos, le chef de la division santé de l’Institut de recherche de marché GfK Hungaria. Selon lui, le plus grand problème avec les changements actuels, c’est que les réformateurs n’ont pas compté avec la préférence donnée par les Hongrois à la croyance plus qu’à la réflexion rationnelle dans la prise de médicaments. Par exemple, en cas de maladie, plus de la moitié des personnes interrogées prend seule l’initiative de commencer un traitement, 7,4 % choisissent des formes dérivées du soin médical (bains thermaux, massages, plantes médicinales), et seuls 38,8% des personnes se tournent vers un médecin dès l’apparition des symptômes. 70% avouent ne consulter un spécialiste qu’en cas de longue maladie ou en cas de douleur d’origine inconnue.  Du reste, on peut diviser la pharmacie domestique hongroise en trois parties principales : à côté des préparations pour les maladies effectives, la plus grande place est accordée aux médicaments constituant la base permanente d’une pharmacie (c’est-à-dire, en majorité écrasante, les médicaments sans ordonnance, ceux contre les maux de tête, la fièvre, la toux, le rhume, les compléments vitaminiques ou autres anti-allergiques et désinfectants). La dernière partie est constituée des médicaments que l’on garde sans justification, parce qu’ils proviennent d’une ancienne cure, ou parce qu’un jour on les a achetés sans jamais les utiliser. La mise en application du paiement de la consultation pèsera également dans la balance, à terme, pour nos habitudes médicamentaires. Le temps de l’assistance téléphonique, le temps où l’on passait juste pour prendre l’ordonnance, je ne vous dérange pas plus d’une seconde, docteur», est définitivement révolu. Désormais, on se fera probablement prescrire d’un coup plus de médicaments, mais si la validité de l’ordonnance reste de 30 jours, il nous faudra faire le pied de grue plus souvent dans la salle d’attente pour une simple prescription. Le flux des patients (ainsi que les dépenses de l’assurance maladie) ne pourrait diminuer que si l’on pouvait prescrire les médicaments pour deux mois. Irén Hermann Traduit par Csilla Deák

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