MBA cent pourcent en français

MBA cent pourcent en français

Spécialisé en management interculturel et droit social, M. Raynal enseigne à l’Université Jean Moulin Lyon III, l’une des grandes universités françaises spécialisées en Droit/Gestion/Sciences Humaines. Après une longue période de conseil auprès d’entreprises et de collectivités territoriales, il a participé à l’essor de l’internationalisation de Lyon III en implantant un certain nombre de formations dans les pays du Bloc de l’Est après la chute du communisme : Pologne, puis Hongrie (1995), République tchèque et Arménie.

 

 

JFB : Lorsque vous avez décidé de venir dans les ex-pays du Pacte de Varsovie quel était votre but ?

Alain Raynal : Lorsque nous sommes venus en Europe de l’Est entre 1990 et 1995 l’idée était de renouer les fils européens. L’Europe avait été divisée pendant 45 ans pour les raisons politiques que l’on sait. Pour l’anecdote d’ailleurs je me suis intéressé à la Hongrie depuis mon premier souvenir historique en 1956 lorsqu’à neuf ans j’avais assisté avec émotion à la télévision à l’arrivée des chars russes dans Budapest. A partir de 1995 nous avons voulu participer au développement des relations économiques entre la France et ces pays. En formant les cadres de ces relations économiques. C’est à ce moment-là que sont arrivées toutes les multinationales : grande distribution, entreprises du bâtiment, L’Oréal, Michelin… Nous avons formé au départ des étudiants hongrois francophones de 45/50 ans puis progressivement des étudiants de plus en plus jeunes. Depuis 1 an, nous avons souhaité élargir l’offre avec un MBA cent pourcent en français et nous avons donc une proportion de non-hongrois beaucoup plus importante.

JFB : Comment la Hongrie a -t-elle évolué depuis que vous venez à Budapest ?

A.R. : Depuis 1994, j’ai dû y séjour-ner une cinquantaine de fois et j’ai pu constater une évolution évidente. C’est la modernisation du pays : commerces, équipements (autoroutes notamment), la ville qui change… Cela dit, j’ai peu connu les premières années de sortie du communisme comme j’ai pu l’observer ailleurs en Pologne et en Tchéquie. J’ai par exemple connu Prague sans aucun éclairage public… L’entrée dans l’Union européenne a eu un rôle important dans le changement des mentalités. Même si nous avons eu des contacts essentiellement avec des interlocuteurs multiculturels, j’ai pu constater des différences entres les pays. Par exemple, les Hongrois, à l’inverse des Slaves, ont une planification du temps très poussée. Ainsi avec les Polonais, par exemple, il est difficile d’organiser un emploi du temps 3 mois en avance. En Hongrie, nous planifions 17 mois à l’avance (septembre 2009 déjà organisé). Le revers de la médaille c’est qu’il est bien difficile de modifier le moindre rendez-vous une fois qu’il est fixé…

JFB : Pourriez-vous me décrire le fonctionnement du MBA franco-hongrois ?

A.R. : Nous avons 2 filières de formation en Hongrie, un MBA de gestion et une formation de droit européen à Szeged. Nous avons 8 universités partenaires : 5 à Budapest, la tête de réseau, et 3 en province avec Pécs, Szeged et Debrecen. Je ne m’occupe pas du diplôme de droit directement. Le diplôme de gestion est une formation franco-hongroise avec un diplôme français très connu depuis longtemps qui est l’ancien Certificat d’Aptitude à l’Administration des Entreprises (CAAE) créé il y a plus de 50 ans et qui avait pour but de former des ingénieurs à la gestion. A l’époque, c’était une idée révolutionnaire ! En 1993, quand nous avons décidé de développer nos formations nous avons pensé que c’était un diplôme idéal car généraliste et qui pouvait donc s’adresser à un large public : ingénieurs, littéraires, économistes, juristes… Aujourd’hui, avec la «masterisation», il s’appelle Master en Management et Administration des Entreprises (MAE). La grande nouveauté depuis un an c’est d’avoir ouvert des options pour être moins généraliste : une option orientée commerce avec du marketing, vente et achat et une autre orientée vers la finance avec de la comptabilité et du contrôle de gestion. Les «hungarophones» font la formation hongroise plus la formation française avec une option. Depuis peu, on propose la formation française avec les deux options ce qui permet de toucher une population qui ne maîtrise pas le hongrois et cela nous a permis d’augmenter le brassage culturel.

JFB : Combien de personnes avez-vous formées en Hongrie depuis 1995 ?

A.R. : Nous sommes maintenant à la 13ème promotion. Je pense que nous avons eu près de 500 étudiants jusqu’à maintenant.

JFB : Quels sont les projets de développement pour l’avenir ?

A.R. : A court terme ce sont d’abord nos partenaires hongrois qui devront passer des diplômes de formation continue à de vrais “masters”. Peut-être, si nos effectifs se développent, pourrons-nous encore créer d’autres options qui correspondent à l’âge économique du pays : logistique/gestion industrielle ou GRH/communication.

 

JFB : Qu’appréciez-vous parti-culièrement dans cette formation ?

A.R. : Ce qui est intéressant dans cette formation, c’est le brassage des cultures avec des Français, des Hongrois, des Transylvaniens, des Maghrébins… Brassage également des âges qui est une vieille tradition du CAAE. C’est une grande source de richesse entre les jeunes étudiants pleins de vitalité et des professionnels qui ont beaucoup de pratique, mais qui ont oublié la théorie. Brassage enfin des sexes avec un partage relativement équitable. Tout ce petit monde arrive à bien travailler ensemble malgré toutes ces différences.

JFB : Que sont devenues les personnes ayant suivi le MBA ?

A.R. : En fait, beaucoup de nos étu-diants travaillent déjà pendant le MBA. Pour la majorité d’entre eux, ce cours n’est pas prévu pour les faire démarrer, mais plus pour les accompagner dans leur progression professionnelle. Il y a également des jeunes qui démarrent dans la vie professionnelle, mais ils sont minoritaires. Enfin, certains créent leur entreprise suite à la formation. Par exemple, récemment, quelqu’un a créé une entreprise de décoration de boutiques.

Il est à noter enfin qu’à l’inverse de la Pologne, l’Association des Anciens fonctionne très bien en Hongrie proposant régulièrement à ses membres des sorties, des activités, mais aussi des offres d’emploi. Le MBA a été pour la plupart des personnes un tremplin pour leur avenir professionnel.

Propos recueillis par

Frédéric Humbert

 

Catégorie