Marché des quotas de CO2

Marché des quotas de CO2

L’après 2012 en discussion

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Pour minimiser le contrecoup économique des engagements pris dans le cadre du Protocole de Kyoto sur la lutte contre le changement climatique, l’Union européenne (UE) a créé un marché intérieur permettant aux entreprises d’échanger des quotas d’émissions de gaz carbonique. Depuis 2005, le système SCEQE (système communautaire d’échange de quotas d’émissions) permet à près de 12 000 entreprises européennes à forte consommation d’énergie d’acheter et vendre des crédits d’émissions pour émettre des gaz à effet de serre, représentant environ 40% du volume total des émissions de CO2 au niveau européen. D’après un projet de directive devant être présenté par la Commission européenne le 23 janvier, dans le cadre de son «paquet législatif» environnemental, le système actuel d’échange de quotas d’émissions serait considérablement renforcé après 2012 : l’industrie pourrait être soumise à un système d’échange de carbone bien plus strict que le système actuel.

Le système communautaire d’échange de quotas d’émissions, connu aussi sous ses initiales anglaises, EU-ETS (European Union Emissions Trading Scheme) est en place depuis 2005 pour lutter contre le réchauffement climatique (en mars 2007, les dirigeants européens sont parvenus à un accord sur un objectif contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici 2020, comparé aux niveaux de 1990. Ils ont également convenu que cet objectif devrait être élevé à 30 % si les pays industrialisés, notamment les Etats-Unis, prenaient des mesures similaires). C’est un marché de négociation et d’échange de crédit d’émissions de gaz à effet de serre. Les quotas d’émissions de dioxyde de carbone ou CO2 sont accordés aux entreprises par les gouvernements dans le cadre d’un mécanisme réglementaire. Un plafond d’émissions de gaz à effet de serre est fixé pour chaque installation dans le cadre d'un plan national d'allocation (PNA) présenté par les Etats membres et approuvé par la Commission européenne. Les entreprises dépassant leurs quotas d’émissions peuvent acheter des crédits inutilisés auprès d’établissements plus performants sur le plan environnemental.

Ces entreprises doivent néanmoins payer une amende de 40 euros par tonne de CO2 émise au-delà des quotas autorisés. En guise de comparaison, le prix d’un crédit d’émissions se situait dans une fourchette de 8 à 10 euros par tonne de CO2 en 2005-06 (une tonne = une allocation). En rendant l’achat de crédits d’émissions beaucoup moins coûteux que le paiement d’amendes, le système vise à stimuler l’innovation technologique et la modernisation des installations et à inciter les entreprises à réduire d’elles-mêmes leurs émissions de gaz carbonique.

Le calendrier de mise en œuvre du système communautaire de quotas d’émissions s’étend sur deux périodes. L’UE a prévu une période d’apprentissage entre 2005 et 2008 (première série de plans nationaux d’allocation). En 2005, pas moins de 250 millions de droits d’émissions ont été échangés, créant ainsi le plus grand marché de carbone du monde et correspondant à une valeur marchande d’environ 9 milliards d’euros. La deuxième période d’échange, 2008 - 2012, coïncide avec la période au cours de laquelle les engagements de Kyoto doivent être remplis. Enfin, l’après 2012 est en train d’être discuté au niveau européen.

Mini-krach sur la bourse du carbone

Un peu plus d’un an après sa mise en place, au printemps 2006, un «mini-krach» sur le marché du carbone, pour reprendre l’expression de Stéphane Boucher, chercheur à Notre Europe, révéla certaines faiblesses du système et remit en cause sa crédibilité. Pour le chercheur, l’effondrement du prix des droits d’émissions s’expliquait par une règle économique simple : « les quotas accordés par les Etats membres à l’industrie avaient excédé leurs objectifs de réduction d’émissions de CO2. En réalité, 20 Etats membres sur 25 avaient accordé trop de droits, du fait d’estimations des émissions exagérément prudentes et d’attributions de quotas généreuses. » Selon des chiffres officiels publiés en mai 2006, plusieurs pays, dont les plus polluants comme l'Allemagne, ont eu un surplus de quotas représentant 44,1 millions de tonnes de CO2 en 2005. Parmi les plus grands pollueurs dans l'UE, seul le Royaume-Uni a émis plus que ses quotas, l'obligeant à en acheter pour plus de 30 millions de tonnes de CO2 sur le marché européen du carbone. Le krach a donc prouvé que le marché fonctionne, explique le chercheur : « le nombre de droits dépassant la demande, les prix ont naturellement chuté. Les entreprises se sont donc comportées rationnellement en s’adaptant à ce nouveau marché». Pour améliorer le système, le chercheur recommande aux Etats, dans son article «le marché de quotas de CO2 : un succès européen à approfondir», d’attribuer les droits avec plus de rigueur et à la Commission européenne de rester ferme et de rejeter les plans d’allocation nationaux trop laxistes.

Deuxième période du SCEQE : on se serre la ceinture

Après avoir évalué successivement tous les plans nationaux d’allocation présentés par les Etats membres pour la deuxième période du SCEQE, la Commission est allée dans ce sens en annonçant, le 26 octobre 2007, l’établissement du nouveau plafond européen de CO2 à 2,08 milliards de tonnes pour la période 2008-2012. Ce chiffre représente une réduction générale de 10 % par rapport à ce que les Etats membres avaient demandé. Cette décision est largement interprétée comme un effort de la Commission destiné à éviter un autre effondrement du marché du carbone.

Ainsi, des réductions drastiques de l’allocation annuelle d’émissions ont été exigées par la Commission européenne pour la Bulgarie (67,6 millions de tonnes proposées, 42,3 millions de tonnes acceptées) et la Roumanie (95,7 millions de tonnes proposées, 75,9 millions de tonnes acceptées), ainsi que le Luxembourg, la Suède et la Lettonie. Mais la Hongrie n’est pas épargnée non plus avec une allocation annuelle autorisée de 26,9 millions de tonnes d’émission, soit 12% en moins que sa proposition initiale.

Seuls le Danemark, la France (132,8 millions de tonnes proposées et acceptées), la Slovénie et le Royaume-Uni ont vu leurs allocations annuelles acceptées. L’Allemagne s’est vue elle, obligée de réduire son évaluation de 2,5%, ce qui représente néanmoins environ 30 millions de tonnes de CO2 (de 482 millions à 453,1 millions de tonnes).

Le marché des quotas de CO2 subit des pressions divergentes. L’industrie se plaint qu’il nuit à la compétitivité de l’Europe. Les ONG environnementales, elles, estiment au contraire que les quotas imposés devraient être plus strictes.

Entre temps, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein ont rejoint le SCEQE.

Selon l’agence de presse européenne, EurActiv, dans le projet de directive que devrait présenter la Commission européenne le 23 janvier, dans le cadre de son «paquet législatif» environnemental, le système actuel d’échange de quotas d’émissions serait considérablement renforcé après 2013 : l’industrie pourrait être soumise à un système d’échange de carbone bien plus strict que le système actuel. On peut s’attendre à de vifs débats au sein de l’UE dans les semaines qui viennent. La présidence slovène a pourtant comme objectif de faire adopter au plus vite cette série de mesures, ce qui permettrait à l’UE de donner le ton lors des négociations internationales sur le climat qui auront lieu à Copenhague en 2009.

Carine Palacci

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