"Mais que veut l’Europe ?"
Le 29 novembre dernier, l'Institut Français organisait un débat centré autour du livre Pour une Europe européenne - Une avant-garde pour sortir de l'impasse, écrit sous la direction de Henri de Grossouvre. Animé par Péter Balázs, ancien commissaire européen, ce débat réunissait François Loos (député), János Perenyi (ancien ambassadeur de Hongrie auprès du Conseil de L'Europe), Eric Maulin (directeur de l'Institut des Hautes Etudes Européennes de Strasbourg) et Henri de Grossouvre (directeur du Forum Carolus). Le JFB a eu le plaisir de rencontrer ces deux derniers quelques heures avant qu'ils ne s'envolent pour Strasbourg.
Spécialiste des pays d’Europe centrale et de l’ex-URSS, Henri de Grossouvre est l’auteur d'un premier ouvrage Paris-Berlin-Moscou, la voie de l’indépendance et de la paix (2002, éditions Xénia) qui apparaît comme le premier volet d'une réflexion qui se poursuit au sein du forum Carolus et dans les pages de l’ouvrage qui a donné son titre au débat qui s'est déroulé à Budapest. Il est en outre l’actuel directeur du Forum Carolus, un « think tank » européen créé en 2005 à Strasbourg et initié par François Loos, alors ministre délégué à l’industrie.
Qu’est-ce que le Forum Carolus ?
« C’est un laboratoire d’idées européen implanté à Strasbourg et qui a l’ambition de faire de Strasbourg et de l’Espace Rhénan un lieu privilégié de discussion des questions stratégiques européennes », explique Henri de Grossouvre. Les débats et travaux du Forum Carolus s’organisent autour de deux grandes thématiques. Il se veut, d'une part, le lieu d’un débat interdisciplinaire et transpolitique sur l'Europe vue et pensée « de » et « à » Strasbourg ;d’autre part, il vise une stratégie économique interrégionale, un thème pour lequel l'Alsace et l'Espace Rhénan constituent des laboratoires d'expérimentations et d'initiatives prometteurs de l'Europe de demain.
Le nom du Forum Carolus fait référence à deux personnages de l’Histoire de l’Europe : Carolus Magnus, pionnier de l’Europe, plus connu sous le nom de Charlemagne, et Johann Carolus, rédacteur du premier journal européen en 1605.
Une avant-garde pour sortir de l'impasse
« Après l’échec du Traité constitutionnel européen, l’élargissement à 27 et l’adoption du traité simplifié, il est désormais impossible d’aller plus loin politiquement », remarque Henri de Grossouvre, qui souligne combien la mise en place d’une avant-garde de pays s’impose pour prendre des initiatives sur les questions vitales de l’Europe comme la défense, l’énergie et la recherche scientifique. «Actuellement, six pays semblent prêts à partager cette vision: la France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, l’Autriche et la Hongrie dont la politique étrangère a connu un véritable tournant en août dernier. La Hongrie manifeste désormais son souhait de participer à toutes les formes de coopération renforcée ». «C'est pourquoi cette notion d’avant-garde est au coeur même de nos débats, souligne Eric Maulin. Celle-ci anticiperait ce qui serait par la suite étendu au reste de l'Europe ».
Après l’élargissement, l’approfondissement.
Le projet proposé dans ce livre représente une alternative au développement exclusif du marché européen. L’une des clefs de cette réflexion repose ainsi sur la recherche d'un caractère commun européen, base de la relance de la construction européenne. Cette relance, expliquent-ils, pourrait s’appuyer sur la création d’une avant-garde, elle-même basée sur un « noyau dur » franco-allemand, et dont le ciment serait cette référence à un espace carolingien.
Dans son précédent livre, Henri de Grossouvre développait déjà cette thématique de l’Europe politique et de la coopération stratégique avec des pays tiers. « Deux alternatives se présentent à nous: l’Europe marché ou bien l’Europe politique. Si l’on opte pour la deuxième il n’y a qu’une solution: se donner les moyens de construire une Europe à part entière et dont on connaît les frontières avec les pays qui en sont capables ».
Frédérique Lemerre