Mais que fait la police?
Ces dernières semaines, les crimes impliquant la police hongroise ont été relatés à de nombreuses reprises dans la presse nationale et internationale. Certains journaux vont même jusqu’à évoquer une crise morale de la police, garant de l’Etat de droit et de la démocratie. A l’origine de cette avalanche médiatique, la révélation d’un scandale : cinq policiers étaient récemment impliqués dans le viol d’une jeune fille de 21 ans, en plein centre de Budapest. Selon la victime, les policiers l’ont violée dans une rue adjacente au Múzeum krt. après un banal contrôle de papiers sur le boulevard.
Bien qu’aucune procédure d’investigation n’ait encore été entamée par la justice, les journaux se sont saisis de l’affaire pour annoncer tout de go qu’il s’agissait à n’en pas douter d’un crime commis par la police. Le caractère sexuel et proprement scandaleux de ce crime ont contribué à cet effet boule de neige et les enquêtes journalistiques n’ont pas manqué de voir le jour dans la presse entière.
Il faut dire que ces derniers temps, les journalistes avaient de quoi se mettre sous la dent en ce qui concerne les méfaits commis par la police. En mai dernier, l’un des policiers dépêchés place Széna, sur les lieux d’un hold-up, profitait de la confusion et des fumigènes pour dérober quelque 500 000 forints dans la caisse, alors même que des otages étaient encore séquestrés, avant que le malfaiteur ne soit finalement abattu par les forces de l’ordre. Le policier en question a ensuite déclaré avoir regretté son geste et a restitué la somme. A moins que ce ne soit la preuve de son méfait, filmé par les caméras de surveillance de la banque, qui l’ait finalement rendu plus conciliant...
Mais outre ces deux affaires, la presse en a également profité pour détailler une longue série de crimes et délits ayant impliqué la police hongroise ces derniers mois. Ainsi, sur les autoroutes du département de Borsod, treize policiers ont reconnu avoir „coopéré” avec une société de dépanneuses puisqu’ils étaient en effet rétribués pour contacter toujours cette même et unique entreprise en cas d’accident ou de panne. Plus grave, deux policiers à la tête d’une affaire de contrebande, dans le département de Szabolcs, sont récemment passés au degré supérieur en devenant les auteurs d’un kidnapping à Kisvárda. Par ailleurs, en 2002, à Mór, un braquage de banque où neuf personnes avaient trouvé la mort était commis par plusieurs malfaiteurs dont un ancien policier. Les autres auteurs de ce sinistre méfait n’ont toujours pas été retrouvés.
La presse hongroise s’est donc tour à tour relayer pour évoquer l’actuelle crise morale de la police et il était plus que temps que la classe politique se saisisse de l’affaire et réagisse enfin.
Le premier ministre, Ferenc Gyurcsány, a finalement pris la décision de révoquer László Bene et Péter Gergényi, respectivement directeurs de la police nationale et de la police de Budapest, ainsi que Jószef Dobozi, directeur du Rebisz (les forces anti émeutes). Le ministre de l’intérieur et de la justice, József Petrétei, a par ailleurs donné sa démission, remplacé depuis par Albert Takács.
La situation est «catastrophique», a affirmé le premier ministre au Parlement.
Pourtant, selon les déclarations de la police, il n’y a pas plus de crimes commis par les forces de l’ordre à l’heure actuelle qu’auparavant. En 2006, sur les 3234 procès mettant en cause des policiers, quarante six personnes étaient licenciées à la suite du verdict. La police souhaite désormais réétablir un contrôle interne de son fonctionnement et de ses agents, contrôle qui avait été abandonné depuis 2004.
Certains journaux, comme le Népszabadság, suggèrent cependant que ce scandale arrive à point nommé. La police hongroise essuyait, en effet, depuis les émeutes de septembre et octobre derniers, de sérieuses critiques quant à la violence et l’agressivité dont elle avait alors fait preuve lors des événements. Le rapport annuel d’Amnesty International pointe par ailleurs sévèrement la Hongrie à la suite de la répression policière particulièrement musclée de l’automne dernier. Cette succession de scandales, agités par le feu médiatique, était ainsi l’occasion rêvée pour effectuer une passation de pouvoir „en douceur” entre une vieille garde discréditée et une nouvelle.
Car sous les scandales, il reste opportun de se demander à qui profite le crime...?
Anna Balázs