L'Union européenne et les services de santé
Une intervention limitée de l’Union européenne dans le domaine de la santé
L'action de l'Union demeure limitée et qu'elle n'a vocation à intervenir, en vertu du principe de subsidiarité, que si ses actions sont plus efficaces que celles menées au niveau national. De fait, l'intervention de l'Union se borne pour l'essentiel à encourager et faciliter la coopération des États membres en matière de santé publique.
Une mobilité encore relativement marginale
Pour autant, si l'Union européenne n'intervient qu'à la marge en matière de santé, elle n'en reste pas moins un espace intégré au sein duquel, sous certaines conditions, le principe de libre circulation des patients, des professionnels de santé et des services de santé doit pouvoir trouver à s'appliquer.
C'est ainsi que, pour les personnes, ont été mis en oeuvre des règlements de coordination des régimes de sécurité sociale. Ces règlements permettent à une personne séjournant sur le territoire d'un autre État membre et nécessitant un traitement médical de se voir rembourser, sur présentation de la carte européenne d'assurance maladie, les soins engagés sur la base du régime de l'État où sont réalisés ceux-ci, sous réserve d'une autorisation préalable pour les soins programmés.
La Carte européenne d’assurance maladie
Seuls les soins médicalement nécessaires sont couverts. Il s'agit des traitements qui évitent à un assuré de rentrer dans son pays pour se faire soigner et lui permettent de terminer son séjour dans des conditions médicales sûres. La carte n'est pas valable pour les soins programmés, pour lesquels le formulaire E 112 est encore nécessaire. Ces derniers nécessitent donc toujours l'autorisation préalable de la Caisse de résidence.
Une situation désormais insatisfaisante compte tenu de lourdes incertitudes juridiques
Des incertitudes sur le remboursement des soins pour les patients
Les premières incertitudes tiennent à la portée de la jurisprudence de la Cour de justice sur le remboursement des soins pour les patients.
En effet, en se fondant sur les principes de libre circulation reconnus par les traités, la Cour de justice a construit à partir de 1998, au travers d'une série d'arrêts importants, une nouvelle jurisprudence susceptible de télescoper directement le cadre juridique antérieur d'une double manière.
- D'une part, en reconnaissant les services de santé comme des services au sens du traité, la jurisprudence les soumet à la libre circulation et n'autorise alors d'entrave à celle-ci que si elle est justifiée par d'impérieuses raisons d'intérêt général.
- D'autre part, elle reconnaît la possibilité du remboursement des soins de santé réalisés à l'étranger suivant les modalités applicables dans le pays d'assurance du patient. Elle propose de la sorte une solution inverse à celle dégagée par les règlements de coordination des régimes de sécurité sociale. Elle limite par ailleurs la possibilité d'exiger une autorisation préalable aux seuls soins hospitaliers, cette autorisation devant être obligatoirement accordée si des soins appropriés ne peuvent être délivrés dans le pays d'origine dans un délai raisonnable.
La Cour de justice
Au total, la Cour considère que des limitations au principe de libre circulation des services de santé ne sont compatibles avec le traité que si elles sont motivées par une raison impérieuse d'intérêt général susceptible de justifier une entrave à la libre prestation de service.
Cette jurisprudence est de portée considérable car elle ouvre une autre voie de remboursement, distincte de celle prévue par les règlements européens.
Elle offre ainsi de nouvelles possibilités pour les patients, qui peuvent alors choisir la législation qui leur est applicable, au vu notamment des conditions de prise en charge des soins. Il reste que cette liberté de choix semble encore, en France du moins, peu appliquée : on estime ainsi que la dépense supplémentaire au titre de cette jurisprudence serait de l'ordre de 15 millions d'euros pour la France, dépense modeste mais en croissance de 10 à 15 % chaque année depuis 2003.
Ces nouvelles possibilités avaient fait à l'époque l'objet de vives inquiétudes de la part des États membres, qui y voyaient une remise en cause du subtil équilibre élaboré pour concilier possibilité de recevoir des soins à l'étranger et maîtrise des remboursements par les États membres. Un certain nombre d'États - en particulier ceux disposant d'un système hospitalier nationalisé et centralisé dispensant des soins gratuits - y restent très opposés et souhaiteraient probablement revenir sur cette jurisprudence à l'occasion d'une initiative communautaire éventuelle sur les services de santé.
Extrait du Rapport d'information No 186 de M. Roland RIES, Sénateur, fait au nom de la Délégation pour l'Union européenne.
Pour plus d’informations : www.senat.fr