Livre: János Székely
Cet article, dédié à deux romans d’un écrivain hongrois, János Székely (1901-1958), s’adresse tout particulièrement à ceux qui souhaitent découvrir la littérature hongroise. Car János Székely, bien qu’il écrive en anglais sous le pseudonyme de John Pen et que les autorités hongroises ont un temps voulu l’interdire du fait de son exil, fait bel et bien partie du paysage littéraire hongrois.
Pour ma part, j’ai eu un vrai coup de cœur pour son « grand » roman, L’Enfant du Danube, aux accents dickensiens. Il constitue d’ailleurs pour certains l’un des plus prodigieux romans européens depuis Les Misérables de Hugo.
Dès le début du roman, la tonalité est donnée par Béla, l’« enfant du Danube », qui parle à la première personne pour nous dépeindre son enfance misérable chez la tante Rozika. La vie y est très dure chez la tante Rozika, qui vit dans un petit village perdu dans la campagne hongroise; Béla crève de faim et de froid mais démontre un courage et une volonté extraordinaire pour survivre. Lorsqu’il raconte ainsi sa vie, avec indifférence et détachement, il a à peine six ans. Ce roman très sombre nous laisse aussi, heureusement, plein d’espoirs. Car Béla est pétri d’illusions hardies et c’est ce qui lui permet de rebondir à chaque fois. A 14 ans, il part pour Budapest rejoindre sa mère. Commence alors la véritable saga de cet enfant et de sa mère pour survivre dans la Hongrie des années 20 et 30. Pour tenter de gagner sa vie, Béla réussit à se faire engager comme « liftier » dans un grand hôtel de Budapest, temple de l'argent, de la corruption et de la luxure. En partie autobiographique, L’enfant du Danube est à la fois un roman d'initiation, un roman de mœurs dénonçant la cruauté et les injustices sociales, un roman historique et aussi une véritable saga familiale, bref, un livre tout en couleurs qui nous parle de la vie.
Mais le talent de János Székely ne s’arrête pas à ce seul roman, même si c’est avec ce dernier qu’il gagna ses lettres de noblesse. Székely s’est d’abord fait connaître avec un petit roman délectable, très drôle même s’il traite de sujets sérieux, et plutôt court : Les Infortunes de Svoboda. Svoboda, en Slovaquie, c'est monsieur Dupont en France... Mais Svoboda en tchèque, signifie "liberté".
Monsieur Svoboda est le porteur de la petite gare du village. Il dort dans la salle d'attente, il y a fait sa vie. On assiste à sa vie touchante et drôle, celle d’un homme quelconque jusqu’à ce que les troupes allemandes envahissent son village et qu’il se retrouve injustement accusé d’attentat contre Hitler : Svoboda va alors entrer en résistance, sans doute dépassé par les évènements. Car Svoboda est certes le simplet du village, mais un idiot qui voit et surtout, qui est le seul à oser dire la vérité. Il est également le seul à revenir content de son séjour en camp de concentration Jusqu’au jour où il apprendra que le Trésor du Reich a confisqué ses trois cent dix-huit sokols, toutes ses économies : il déposera alors une plainte contre Hitler en personne ! Dans Les Infortunes de Svoboda János Székely réussit à transfigurer l'époque hitlérienne dans une histoire rocambolesque, tendre, satirique et tragique d'un personnage naïf abusé par les turpitudes de l'Histoire. Un livre qui a pu être comparé à Inconnu à cette adresse, de Kressmann Taylor.
Les infortunes de Svoboda, collection 10/18, 174 pages. János Székely
L’Enfant du Danube, collection 10/18, 800 pages, János Székely