L’homosexualité, nouvelle pomme de discorde nationale

L’homosexualité, nouvelle pomme de discorde nationale

 

Après le coming out du Secrétaire d'État Gábor Szetey (MSzP) et les violences en marge de la Gay Pride de Budapest, l’homosexualité est devenu l’un des sujets les plus passionnés du moment. En effet, la Hongrie fait face à deux tendances opposées. Les défenseurs invétérés de la cause gay se confrontent à des mouvements réactionnaires dont les discours et méthodes sont pour le moins virulents.

 

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Considérée par le magazine gay Têtu, comme un pays relativement libéral dans le respect de l’homosexualité, la Hongrie voit émerger au sein de sa société une opposition homophobe organisée, politisée et très déterminée. C’est là; la résultante de plusieurs évolutions croisées.

La progression des droits des homosexuels depuis plusieurs décennies a déclenché conséquemment l’apparition de personnes publiques ou de groupes politiques qui revendiquent haut et surtout fort leur homophobie. En d’autres termes, l’homophilie déclenche dans sa progression une forme d’homophobie, réaction de rejet. Mais ce phénomène sociétal est également appuyé par les récents développements politiques du pays.

Après les manifestations anti-Gyurcsány, la droite réactionnaire et l’extrême droite, bien que composées de publics très hétéroclites, des traditionalistes catholiques aux motards en passant par les royalistes et les skinheads, se sont forgés une identité d’action. La boîte de Pandore étant désormais ouverte, le mouvement homosexuel est une cible toute désignée. On en a eu la démonstration avec les exactions perpétrées contre des manifestants de la Gay Pride.

C’est d’ailleurs une évolution qui ne touche pas que la Hongrie, puisqu’en Russie le phénomène homophobe est relativement courant. Celui-ci court dans plusieurs pays post-socialistes, puisque certains pays voisins sont dirigés par des mouvements ouvertement homophobes comme en Slovaquie (Parti National Slovaque, SNS) ou en Pologne (Ligue des Familles Polonaises, mouvement Autodéfense).

Bien que la Hongrie rurale et conservatrice soit opposée de longue date à l’ouverture d’un processus d’égalitarisation entre hétérosexuels et homosexuels, le débat s’accélère – pour ne pas dire bouillonne – depuis quelques années.

La dépénalisation de l’homosexualité est intervenue très tôt, dès 1961, mais c’est principalement à partir des années 1990 que l’on assiste à une évolution libérale notable. Un “partenariat“ pour couples du même sexe a été ainsi instauré en 1996, reconnaissant le concubinage et acordant aux couples un certain nombre d'avantages légaux avant même que la Cour Constitutionnelle ne reconnaisse officiellement l’orientation sexuelle des citoyens comme cause de discrimination à combattre (2000) et que la majorité sexuelle des homosexuels soit abaissée à celle des hétérosexuels, passant ainsi de 18 à 14 ans (2002).

En conséquence à ces réformes, la communauté gay hongroise est sortie de l’ombre. L’International Lesbian and Gay Association (ILGA) est reçue en 2004 par Kinga Göncz, Ministre pour l’Egalité des Chances, afin d’améliorer la condition des homosexuels dans le pays. Cette initiative, soutenue par la présidence hollandaise de l’Union Européenne, a été suivie de peu par l’évocation du mariage homosexuel par le gouvernement de l’époque, projet défendu par les libéraux du SzDSz.

Mais déjà la réaction s’est fait entendre : en avril 2005, Zsolt Semjén, leader du parti chrétien-démocrate KDNP, fustige les homosexuels qu’il qualifie de « vieux barbus » prêts à initier sexuellement un « fils adolescent », associant en outre l'avortement et l'euthanasie à ses propos, évoquant une « moralité […] éternelle » qu’il estime être ainsi bafouée, tout en invoquant l'enseignement de feu Jean-Paul II. Une déclaration qui provoque alors une vive réaction et 250 personnalités demandent alors sa démission. Le mois suivant, Klara Ungar, ancienne députée, et alors membre du Bureau politique du SzDSz, fait son coming out, première déclaration publique d’homosexualité de la classe politique.

Cette année, peu avant la Gay Pride, c’est au tour du Secrétaire d'Etat MSzP, Gábor Szetey, d’affirmer publiquement son homosexualité lors d'un festival de cinéma gay. A brûle-pourpoint, il lance : « Donc : Je suis Gábor Szetey. Je suis Européen et Hongrois. Je crois en Dieu, en l’amour, en la liberté, et en l’égalité. Je suis Secrétaire d’Etat aux Ressources Humaines du Gouvernement de la République Hongroise. Economiste, directeur RH, je suis partenaire, ami, parfois rival. Et homosexuel. Comme vous. Comme des centaines de milliers de personnes dans ce pays qui, je l’espère, entendent ces mots. Waow. Je l’ai fait. Je l’ai dit haut et fort. »

Quelques jours après, le 7 juillet 2007, lors de la Gay Pride, des jeunes d’extrême droite viennent perturber la manifestation et envoient plusieurs participants à l'hôpital. Malgré les violences, les jets de pierre, les saluts nazis, des écriteaux amalgamant juifs et homosexuels, et plus tard la publication sur Internet de photos et de vidéos des participants, seulement huit arrestations seront dénombrées. La Police est critiquée pour ne pas être intervenue plus rapidement et efficacement par les associations gays. Gábor Demszky, Maire SzDSz de Budapest, lancera « Dans ce genre d'occasions, je me sens juif, rom et gay ».

Le sujet va certainement continuer à animer les passions de la société hongroise, puisque un certain nombre de sujets restent à traiter, comme le mariage homosexuel, l’adoption par un couple de même sexe, et toutes formes de discrimination. Reste à voir si les violences vont dissuader ou conforter le gouvernement dans sa volonté de faire progresser les droits des homosexuels. Si on fait l’analogie avec les violentes manifestations réclamant la démission du Premier Ministre Ferenc Gyurcsány, il y a fort à parier que la violence n’est pas vraiment une manière efficace de faire plier le Gouvernement de la République Hongroise.

Quand à l’impact psychosociologique de ces réformes, certains ne les ont pas attendues pour accepter l’homosexualité de leurs proches. La mère de Gábor Szetey lui disait déjà il y a dix ans : « je me fiche de savoir quelle route tu choisis, comment et avec qui, je veux juste ton bonheur. »

Péter Kovács

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