L’exposition de Judith Klein à Budapest
« Les voyages forment la jeunesse » dit-on en France , mais ici l’on devrait remplacer le mot jeunesse par genèse, naissance d’une peintre aimant la couleur et la travaillant, la sculptant, armée ( parfois d’un pinceau ) le plus souvent de ciseaux de toutes formes, formats et même couleurs, auxquels elle ajoute, avec maestria, cutter, mètre ruban et bien évidemment colle.
Des collages, donc ? Cela n’en n’a que l’apparence, car au final cela devient parfois représentation, d’autres abstractions. Ce qui peut dérouter c’est justement cette formulation première : « Les voyages... » Car son inventivité n’a de bornes, Judith Klein émerveille les abstractions géométriques qui par un jeu de grille se font cinétiques ou alors d’une rigueur poétique lorsque les saisons, les lunes lui servent de motifs, et puis ses travaux « géographiques » qui font – en particulier, lors de cette exposition de Budapest une féerie de couleurs que l’on rêverait pour « plan de la ville », tout y est et le plan de Budapest se fait bijoux onirique... La tentation de flâner dans ce plan est exacerbée par une constellation de minuscules étoiles dont on ne sait, vraiment, ce qu’elles peuvent désigner, se faisant énigmes, que sont-elles ? Des lieux appréciés de l’auteur, des lieux où elle a rencontré... on ne sait et on n’ose lui demander. Et puis, il y a cette explosion tant de couleurs, que d’images auxquelles s’ajoute le relief, ce sont ces œuvres sud-américaines de par sa technique, elle se saisit des peintures cubaines (par exemple), pour les projeter à la fois dans l’espace par un travail de superpositions et de mise en profondeur (l’on dirait – improprement aujourd’hui 3D, mais un 3D qui se fait 4 parfois même 5...)
L’exubérance même dans ses grandes compositions, qui dit à la fois la multitude humaine, la vie quotidienne, mais aussi, dans un coin les poubelles renversées (ou non relevées), décrivant à la perfection le coté à la fois anarchique de ces villes et convivial. Sans omettre pourtant un « spectacle » de capoeira ou les affiches de films, mais aussi la contestation avec cette croix qui semble dégringoler des escaliers du parvis d’une église...Ville que l’on ressent bruyant du peuple métissé et fier de l’être, deux grands motifs, dans lesquels l’œil ne sait plus où se poser entourés, de plus petits ( chose relative bien sûr) qui disent le calme de fenêtres closes par la chaleur et vides de gens, de simples maisons mais tant collées les unes aux autres qu’elles disent l’étouffement – à ce propos, il faut aussi regarder la composition se trouvant – quelque peu cachée, hors exposition – au standard du réceptionniste, très intéressant aussi pour son jeu de piste fait de morceaux de corde qui « à la Klimt » s’enroulent pour mieux se disperser.
Enfin, un ensemble de six « petites » compositions qui n’en font qu’une et qui se fait tel un clin d’œil à la « Sécession », à l’empire Austro-Hongrois, l’or y flambe (oriflamme modernisé des temps anciens) au côté desquels l’on peut voir trois tableaux (en longueur) qui disent – encore – une autre abstraction.
L’exposition de Judith Klein à la Maison de la Presse se doit être vue car elle interpelle bon part de l’histoire de l’art tout en faisant toujours « un pas de côté » ne serait-ce que par une technique qu’elle maîtrise à merveille... qui rend toute chose très graphique, et belle.
Jean-Jacques Cavalier
Adresse : Maison de la Presse Hongroise, (MÚOSZ) 1064 Budapest, Vörösmarty u 47/A
Tous les jours sf samedi et dimanche de 9h a 19h jusqu'au 27 mars
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