«Lex MOL»

«Lex MOL»

 

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La tournure critique prise par le duel entre OMVet MOL a contraint l'Etat hongrois d'intervenir en faveur de la plus grosse entreprise nationale. Ainsi, par le biais de la lex MOL, votée à une majorité renforcée et qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2008, le gouvernement souhaite mettre un obstacle aux tentatives d'appropriation des parts actuellement détenues par des investisseurs stratégiques hongrois.

Pourquoi OMV, détenu à 32% par l’Etat autrichien, convoite tant MOL ? Probablement parce que OMV elle-même n’est qu’un tout petit poisson sur le marché énergétique peuplé d’entreprises gigantesques telles que Royal Dutch Shell, Exxon, Conoco-Phillips, Total Fina Elf, ENI ou encore Gazprom. Ainsi, le boom de l’industrie pétrolière conduit-il à une contrainte de développement plus forte que jamais, contexte dans lequel les situations d'OPA hostiles peuvent se produire à tout moment.

OMV songe depuis longtemps à prendre la direction de MOL, raison pour laquelle la société hongroise a dû demander de l’aide au gouvernement pour empêcher cette tentative d'achat. Résultat : la lex MOL qui, désormais, assurera à l’Etat de limiter la marge de manœuvre des entreprises étrangères cherchant à s’emparer des sociétés hongroises fournissant de l’énergie, de l’eau, etc. aux consommateurs locaux.

L’affaire a ainsi fini par intéresser le monde politique. Fin juin, OMV a augmenté sa participation dans MOL, passant de 10 à 18,6%, à la suite de quoi Ferenc Gyurcsány a déclaré que « le fait qu’une entreprise nationale étrangère lance, sans aucun avertissement préalable, une campagne d’achat d’actions contre une société hongroise, ne pouvait être considéré comme un geste amical». Bien que l’Etat hongrois ne fasse plus partie des propriétaires de MOL, il fait tout son possible «pour que cette campagne hostile n’aboutisse pas». L’argument majeur contre cette tentative de monopolisation réside dans le fait que l’Etat autrichien dispose d’une part décisive dans OMV, et la possibilité qu’un Etat puisse ainsi, même indirectement, avoir une influence sur la situation économique hongroise n’est pas souhaitable.

Par l’instauration de la lex MOL, les tentatives de rachat hostiles deviennent presque impossibles à la Bourse hongroise. Or, cela ne touche pas que les entreprises les plus importantes d’un point de vue stratégique, mais aussi, en fonction de l’interprétation de la loi, n’importe quelle société qui y est représentée.

Il faut cependant avouer que même avant l’intervention gouvernementale, l’alliance OMV–MOL avait très peu de chances de se réaliser. Fin septembre déjà, OMV avait fait une proposition d’achat discrète. Cette manœuvre avait certainement pour objectif d’exercer une pression sur les actionnaires de MOL et par conséquent sur sa direction. Et elle n’est pas restée sans retentissements… Les fonds de placement anglo-saxons qui disposent d'une très petite part dans MOL, ainsi qu'un groupe de promoteurs de Dubaï, qui possède 20% des actions de la société, ont indirectement épaulé OMV et ont salué la possible fusion qui, selon eux, entraînerait une augmentation des rendements et permettrait de résister plus efficacement aux menaces de monopole extérieures.

Le gouvernement a ainsi clairement exprimé sa position à travers cette mesure préventive, conforme à la réglementation communautaire en vigueur, puisque le nouveau géant gazier et pétrolier que souhaite créer le groupe autrichien créerait une situation de monopole sur le marché de l'énergie, inacceptable pour Bruxelles.

Le réveil du protectionnisme économique est toutefois révélateur d'un nouvel état de fait, à savoir que l'idée même d’Etat-nation soit réapparu, et que cette idée viole, en théorie, le principe de base de l’UE concernant la libre circulation des capitaux. L’acceptation de la lex MOL est dans ce sens un pas décisif et il est significatif qu'elle ait recueilli la majorité renforcée, ce qui signifie que le Fidesz l’a également soutenue. Il faut dire que le protectionnisme économique du plus grand parti d'opposition est une évidence...

L’affaire n’a cependant pas manqué de piquant, huit députés du Parti Socialiste (MSzP) ayant voté contre, et, ce, alors que la discipline de vote est traditionnellement très forte au sein de ce parti. Lajos Bokros, ancien ministre des finances, est clair à ce propos : selon lui, la lex MOL montre bien que l’Etat est prisonnier de certains groupes d’intérêt et que dans cette affaire, il protège les intérêts particuliers d’une minorité. Il qualifie ainsi « d'oligarchies économiques » les directions de l'OTP (Caisse d’Epargne Nationale) et de MOL, ce qui n'est pas tout à fait faux... La crème de l’élite économique a en effet toujours su se placer, y compris à l’époque du changement de régime, et elle a réussi à garder ses positions et son pouvoir indépendamment des changements politiques. La lex MOL en est peut-être la dernière preuve en date.

Pál Planicka

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