L’espace Schengen s’agrandit
Il y a un peu moins d’un an, l'Union européenne (UE) s'était fixé pour objectif la levée, dès la fin de 2007, des contrôles aux frontières intérieures de l'UE pour les citoyens de ses nouveaux pays membres. Ce sera chose faite dès le 21 décembre pour neuf des douze nouveaux Etats membres. A cette date, la circulation sera totalement libre avec l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie, dans un « espace Schengen » élargi à 3, 6 millions de km2.
Un délai supplémentaire, d'un à deux ans, est prévu pour Chypre ainsi que pour la Bulgarie et la Roumanie. La levée des contrôles ne concerne, dans un premier temps, que les frontières maritimes et terrestres. Elle ne s'appliquera aux frontières aériennes que le 30 mars, pour des raisons pratiques liées au passage à l'heure d'été.
Les ministres européens de la justice, réunis, jeudi 8 novembre, à Bruxelles, ont estimé que ces neuf Etats présentent "un degré de préparation suffisant" et "remplacent donc les conditions préalables" à la mise en oeuvre de cette mesure. La date du 21 décembre a été choisie pour faciliter les déplacements à l'époque de Noël.
Qu’est-ce que Schengen ?
Schengen est en premier lieu le nom d’un petit village luxembourgeois, situé au point de rencontre géographique entre l’Allemagne, le Benelux et la France, où furent signés en 1985 et en 1990 l’Accord puis la Convention de Schengen. Mais Schengen, c’est surtout un acquis de l’UE avec deux caractéristiques principales qui permettent d’accroître la liberté de circulation des personnes tout en instaurant les mesures nécessaires pour maintenir et renforcer le niveau de sécurité :
• les contrôles des personnes aux frontières intérieures des États signataires y sont abolis et une définition des frontières extérieures communes y est introduite ;
• les conditions d’entrée et de franchissement des frontières extérieures ont été harmonisées, de même que la politique en matière de délivrance de visas.
Par ailleurs, la coopération policière et la coopération judiciaire sont renforcées, notamment par l’instauration de droits d’observation et de poursuites transfrontalières pour les forces de police des États appartenant à l’espace Schengen.
Enfin, l’acquis de Schengen a été accompagné par la mise en place d’un Système d’information Schengen (SIS) dans le but de fournir des informations sur certaines catégories de personnes ou d’objets. Il s’agit d’une base de données sophistiquée qui permet aux autorités nationales responsables des contrôles aux frontières et d’autres contrôles douaniers et policiers, ainsi qu’aux autorités judiciaires des États Schengen, d’échanger des données sur certaines catégories de personnes et de biens.
Jusqu’à ce nouvel élargissement, treize Etats de l’UE ont participé pleinement à l’acquis de
Schengen (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Suède) ainsi que la Norvège et l’Islande. Le Royaume-Uni n’a participé qu’à une partie de l’acquis (coopération policière et judiciaire).
Un symbole fort pour la nouvelle Europe
Trois ans et demi après l’élargissement de l’UE à dix puis douze pays, leur entrée dans l’espace Schengen était attendue comme un symbole de leur intégration. Le commissaire Franco Frattini a salué "une décision historique". Selon le ministre slovène, Dragutin Mate, dont le pays assurera la présidence de l’Union au premier semestre 2008, cette nouvelle étape permet aux citoyens des anciens pays communistes de devenir "des membres de l’Union européenne à part entière".
Si l’adhésion des nouveaux Etats membres à l’espace Schengen était acquise politiquement dès leur entrée dans l’Union, le feu vert des vingt-sept a été précédé d’un long processus d’évaluation destiné à vérifier en particulier la solidité des frontières extérieures, nécessaire contrepartie de la suppression des frontières intérieures. La première condition, satisfaite depuis le 1er septembre, était la connexion des neuf Etats au SIS. Pour gagner du temps, le système existant a été élargi avant le lancement d’un nouveau dispositif, plus perfectionné.
La seconde condition était le renforcement de la sécurité aux frontières extérieures des neuf Etats, ainsi que celui de la coopération policière et judiciaire au sein de l’Union et l’amélioration de la protection des données. Les dernières visites d’évaluation ont montré que les quelques faiblesses encore constatées dans certains pays ne devaient pas empêcher leur entrée dans l’espace Schengen. Un espace qui permettra donc, dès le 21 décembre, la libre circulation des personnes, sans contrôles, dans un espace élargi à 3,6 millions de km2.
Craintes autrichiennes
Le quotidien français Le Monde rapporte que contrairement à Bruxelles, qui estime que les neuf pays qui rejoignent l’espace Schengen sont prêts à assurer le contrôle des frontières extérieures de l’UE, le ministre autrichien de l’intérieur, Günther Platter, a jugé nécessaire de prendre des "mesures compensatoires" à la levée des contrôles, jusqu’en septembre 2008. Laurence Monnot écrit : «Le mois dernier, le peu d’enthousiasme manifesté par les Autrichiens à la perspective de l’extension de la zone Schengen avait froissé les autorités hongroises. Pourtant, comme les Slovaques, les Slovènes et les Tchèques, les Hongrois ont signé des accords bilatéraux de coopération aux frontières avec l’Autriche. Ceux-ci prévoient d’instituer des patrouilles mixtes et permettront à la police autrichienne de poursuivre des fugitifs au-delà de son territoire.». Selon l’article, les "mesures compensatoires" devraient surtout s’appliquer aux frontières de l'Est avec la Hongrie et la Slovaquie, pays voisins de l’Ukraine et des Balkans. En 2006, la Slovaquie s’était vue épinglée pour le contrôle laxiste de sa frontière orientale. Mais les experts de Bruxelles ont constaté "des progrès remarquables" cette année. En Hongrie, l’UE a contribué à la modernisation de huit postes frontaliers.
Carine Palacci