Les relations UE-Chine : vers un rapprochement géopolitique ?
Qu’est-ce qui lie la Chine, un pays en voie de developpement d’un milliard d’habitants à l’histoire millénaire -dont le régime communiste est l’un des rares à avoir survécu à la chute de l’Union soviétique-, et l’Union européenne, une organisation régionale regroupant 27 pays parmi les plus riches du monde et dont le PIB est sept fois supérieur à celui de la Chine ? Une volonté commune de se rapprocher économiquement et politiquement depuis plus de trente ans. Voici, en résumé, quelques points clefs d’une étude passionante sur les relations entre la Chine et l’Union européenne (UE) réalisée par Benoît Aufrère pour le site www.diploweb.com.
Des relations avant tout économiques et commerciales
De 1975 à 1989, les relations entre les deux partenaires sont avant tout économique et commerciales. La Chine voit dans le marché européen, la meilleure opportunité pour développer sa propre économie. Il exist en effet une grande complémentarité économique entre les deux entités. La CEE fournit des technologies et des produits de haute technologie tandis que la Chine met à disposition sa main d’œuvre pour exporter des produits manufacturés à bas prix et en grande quantité vers l’Europe, marché de consommation à forte potentialités. Le developpement des relations commerciales avec la Chine permet aussi d’ouvrir l’immense marché chinois aux entreprises européennes. L’étendu des besoins de Chinois en ressources, en biens et services attire les investisseurs qui voient dans la Chine l’émergence d’un nouvel eldorado. Ainsi, la Chine est devenue le deuxième partenaire de la CEE après les Etat-unis.
Les relations politiques et diplomatiques restent cependant en retrait tout au long de cette période, ce n’est d’ailleurs qu’en 1988 que la CEE installe une délégation diplomatique à Pékin. Du côté chinois, on a du mal à appréhender une Europe qui manque de lisibilité politique et la Chine privilégie alors les relations bilatérales avec les nations européennes. Les événements de Tien An Men, en 1989, entraînent la suspension des contacts bilatéraux à haut niveau et l’ajournement des nouveaux projets de coopération. Par ailleurs, l’ONU décide un embargo international sur les ventes d’armes à la Chine auquel tous les pays de la CEE participent.
Le rapprochement stratégique de la Chine et de l’Europe
Il faut attendre la création de l’Union européenne (UE) avec le traité de Maastricht (1992) pour relancer le rapprochement entre la Chine et l’UE. En effet, une Europe qui s’émancipe des Etats-Unis, qui s’organise autour de projets communs et qui représente une puissance économique internationale, dotée maintenant d’une monnaie internationale en mesure de rivaliser avec le dollar, fait prendre conscience aux Chinois du caractère profond et irréversible de la construction européenne, considérée comme un modèle pour la Chine.
Ainsi, en 1998, la Chine et l’Europe concrétise un rapprochement politique en établisant un partenariat global. Dès lors, l’UE s’implique de plus en plus dans les affaires politiques concernant la Chine et, dans le cadre du partenariat, les sujets abordés portent essentiellement sur les problématiques liées au développement économiques de la Chine et les avancées politiques relatives à la démocratie et aux droits de l’homme. L’UE met en place, par exemple, un budget de plus de 7 milliions d’euros pour aider à un projet de développement rural dans la région de Panam, au Tibet.
Un pas de plus vers le rapprochement stratégique de l’UE avec la Chine est formalisé en septembre 2003 par un nouveau partenariat global.
Persistance de difficultés dans les relations sino-européennes
Malgré tout, si l’essor des relations sino-européennes est remarquable, le poids géopolitique de l’Europe communautaire en Chine reste plus faible que l’ensemble de ses concurrents dans la région. Il faut aussi constater que ces relations sont perturbées par des difficultés récurrentes qui empêchent les liens de confiance durable. En effet, la question des droits de l’homme, du Tibet, ou de l’embargo sur les armes sont toujours des pierres d’achoppement entre l’UE et la Chine. D’autres difficultés, économiques celles-là, sont celles du creusement du déficit commercial entre la Chine et l’UE ainsi que la concurrence que les produits chinois commencent à exercer sur les produits européens (rappelons la crise du textile, largement médiatisée, qui a occupé les relations sino-européennes en 2005). La politique chinoise vis-à-vis de l’Europe est parfois perçue comme trop pragmatique et opportuniste. Par ailleurs, le processus européen d’intégration politique étant gelé suite au non français et néerlandais à la Constitution européenne, la Chine émergente a tendance à reprendre des contacts bilatéraux avec les nations européennes.
Quel avenir pour les relations sino-européennes ?
Une piste intéressante est celle de l’approndissement des relations inter-régionales dans le cadre de l’ASEM (L’ « Asian-European Meeting » qui réunit l’Europe et l’ASEAN, à laquelle se joignent la Corée du sud, le Japon et la Chine) qui permet à l’Europe de répondre aux attentes de sécurité et d’aide humanitaire de la région. L’Asie est en effet source de conflits majeurs et regroupe deux tiers des personnes les plus pauvres sur terre (800 millions de personnes vivent avec moins de 1 dollar par jour). L’UE apporte 30% de l’aide totale envoyée pour développer l’Asie.
Par ailleurs, des partenariats avec d’autres pays émergents de la région comme l’Inde peuvent être envisagés pour asseoir de façon plus large l’influence de l’Europe en Asie du Sud-est.
En savoir plus
L’intégralité de l’étude de Benoît Aufrère est disponisble sur le site Internet suivant : http://www.diploweb.com, premier site géopolitique français, où se côtoient universitaires, diplomates et stratèges d'horizons divers. L’étude a été mise en ligne en septembre 2006.
Carine Palacci