Les doigts de fée de Magdolna Vékás

Les doigts de fée de Magdolna Vékás

Au cœur de Budapest, la Maison de la photographie Mai Manó présente, jusqu’au 20 février prochain, une rétrospective de 30 ans de travaux photographiques de Magdolna Vékás. Une exposition de plus me direz-vous ! Oui, mais celle-ci a l’intérêt de nous familiariser avec des techniques anciennes qui supposent des supports et des effets que nous n’avons pas ou plus l’habitude de voir, à contre-courant de la photo digitale et de l’instantané.

Image retirée.

Dans les années 90’, Magdolna Vékás, qui a étudié la photographie et a déjà travaillé une dizaine d’années en tant que photographe professionnelle, décide d’appliquer des techniques photographiques inventées au milieu du XIXe siècle. Ainsi s’adonne-t-elle sur papier comme sur tissu à la cyanotypie (ou « blueprint ») mise au point en 1842 par un savant anglais, John William Herschel. Cette approche est facilement reconnaissable dans l’exposition de l’artiste du fait du coloris bleu cyan des clichés et du papier fait main, plus épais, sur lequel ils sont imprimés. Ceux-ci diffèrent en effet des photos en noir et blanc des années 80, empreintes d’une certaine tristesse ou plutôt caractérisées par l’idée du «passage», d’un espace vide, voire abandonné (ruelle de village, pont, escaliers, usine), ou d’un moment de vie fugitif (traces de l’homme dans la neige, ou la boue, feuilles jonchant une allée). On peut remarquer cependant que le motif de la fenêtre est récurrent dans son parcours, comme pour nous inviter à regarder, regarder autrement et peut-être franchir quelque chose en nous.

Mais ce n’est pas tout : l’artiste joue avec d’autres techniques de fixage de la photo comme la kallitypie ou encore le papier albuminé. Cela suppose de sa part un travail méticuleux préalable sur le papier qui servira d’écrin au négatif. Magdolna Vékás tient précisément à prendre son temps et à bien faire les choses. Il faut manipuler des composants chimiques, les appliquer selon un certain ordre, attendre, laver. Il faut ensuite laisser faire la lumière qui donnera à la photo la teinte recherchée. Dans le cas de la kallitypie, les clichés sont comme argentés puisque la feuille de papier est préalablement sensibilisée avec une solution contenant un sel ferrique et du nitrate d’argent. Dans celui du papier albuminé, l’effet obtenu est satiné et précis, la tonalité brune. Retenons par exemple la photo d’un feuillage (Birch Forest) de 1998 qui, par le traitement de la cyanotypie, offre au regard une texture particulièrement belle. Retenons aussi Egg Variations de 2002, cliché original sur papier albuminé, et enfin la série «argentée» de 2001, Artificial Light.

L’artiste nous donne à voir non pas le goût du passé, mais celui du temps que nous ne voyons plus.

A noter que la librairie de la Maison Mai Manó expose aussi les photos de son album récemment publié, Sans paroles.

Milena Le Comte Popovic

Mai Manó Ház, Nagymezô u. 20. Ouvert du lundi au vendredi de 14h à 19h, et le week-end de 11h à 19h.

 

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