Les deniers du culte
Le Parlement hongrois devrait discuter cet automne d’une réforme de la loi relative à la liberté de culte. Celle-ci, très libérale, encadre de façon trop souple la création de nouvelles églises dans le pays.
De tous les pays européens, c’est la Hongrie qui dispose de l’arsenal législatif le plus souple concernant la liberté de culte et où une communauté qui souhaite former sa propre église a besoin du moins de fidèles. A titre de comparaison, tandis que seulement 100 signatures sont requises en Hongrie pour fonder une église, 2000 fidèles doivent en revanche se réunir en Autriche au regard de la loi autrichienne. La réglementation hongroise, ultra-libérale, est née juste après changement de régime alors que les députés, dans l’euphorie de la transition, souhaitaient encourager la pratique religieuse après de longues décennies d’oppression. Depuis lors, plusieurs tentatives de réformes de ce système ont été tentées sans succès. En revanche le gouvernement Fidesz-KDNP, qui envisage de débattre de la modification de cette loi cet automne, a de fortes chances de faire passer cette réforme puisqu’il dispose de la majorité des deux tiers au Parlement.
Après 1990, les premiers députés du nouveau régime démocratique ne se doutaient pas que cette loi cautionnerait certaines pratiques accompagnées d’avantages économiques illégaux. Ainsi, de nombreux pots d’échappements ont-ils été importés hors taxes dans les années 1990, les cargaisons portant la mention “objets de cultes”. Par ailleurs, les différentes communautés peuvent également ordonner prêtre chacun de ses membres et ces derniers peuvent ainsi bénéficier de différents avantages, comme par exemple des billets de trains à moitié prix. L’Árkádia Fényeinek Sprituális Egyháza (Église des Lumières Spirituelles d’Arcadie), une communauté qui prend soin des esprits des morts, compte ainsi 200 prêtres, soit autant que l’ordre hongrois de Saint François, dont les prêtres doivent en revanche suivre 5 à 6 ans d’études avant d’être ordonné.
Le nombre des “petites églises” a continué d’augmenter après 1998, date à partir de laquelle les particuliers ont pu reverser 1% de leurs impôts sur le revenu à l’église de leur choix. Tandis qu’en 1998 261 communautés religieuses étaient inscrites sur les registres tenus par la Cour Supérieure de Justice, en 2009 leur nombre atteignait 371. En 1998 seulement 56 églises avaient bénéficié de ces 1% alors que, l’année dernière, ce sont 169 églises qui ont ainsi perçu plus de 7 milliards de HUF de subvention provenant de ces dons d’impôts. Ainsi, outre les trois plus grandes églises chrétiennes de Hongrie – catholique, évangéliste et calviniste, la communauté Hare Krishna, la Hit Gyülekezete (Église de la Foi, une communauté hongroise chrétienne très populaire fondée en 1979) ou encore la Scientologie ont ainsi pu bénéficer de sommes importantes émanant du budget central. De plus l’État complète ces dons en versant à son tour 1% d’impôts aux églises grâce une mesure du gouvernement Gyurcsány, bien que le gouvernement précédent ait décidé de suspendre ce système de financement en début d'année en justifiant cette décision par l’austérité budgétaire impliquée par la situation économique du pays. Il n’a ainsi versé que 0,5% des impôts en complément des dons des citoyens.
Le vice-Premier ministre actuel, le président du parti KDNP, Zsolt Semjén, avait déjà envisagé sous le premier gouvernement Orbán de changer le système de la fondation des églises. A l’époque, en tant que secrétaire d’État chargé des affaires religieuses, M. Semjén avait proposé de faire passer à 10.000 personnes le nombre minimum de membres pour fonder une église, exception faite des communautés existant en Hongrie depuis plus d’un siècle. Le premier gouvernement Fidesz avait élaboré sa proposition de loi en en tenant compte des modifications suggérées par 30 églises et avait finalement souhaité conférer à la Cour Suprême le soin d’étudier que les différents groupes se réunissaient effectivement pour des raisons religieuses. La loi aurait également défini la notion même de religion. Cependant l’opposition n’a pas voté cette amendement, que le MSZP considérait comme une attaque portée à la liberté de culte.
Le nouveau gouvernement n’a pas encore précisé quelle version pourrait être discutée en automne au Parlement, cependant Zsolt Semjén a déjà annoncé, dans une interview accordée à l’hebdomadaire Heti Válasz, qu’il ne souhaitait plus tolérer que certains ne fondent une église que dans le but de s’enrichir.
Judit Zeisler