L’Épiphanie „à la hongroise” et „à la française", deux traditions foncièrement différentes

L’Épiphanie „à la hongroise” et „à la française", deux traditions foncièrement différentes

Il y a peu, nos compatriotes ont célébré le 6 janvier en tirant, comme il se doit, les rois autour de cette fameuse et si délicieuse galette. Une tradition bien ancrée, au point qu’elle se pratique tout autant sur les lieux de travail qu’entre amis ou en famille. Une coutume dont l’origine remonte aux plus anciens temps. Déjà sous les Romains, l’habitude était prise en fin d’année de célébrer Saturnus, dieu du sommeil. En cette occasion (saturnales), probablement dans l’espoir de voir le dieu préférer garder le sommeil et laisser son petit monde en paix sur les 11 mois restants, le monde romain était littéralement tombé sur la tête. C’est ainsi qu’inversant les rôles, les esclaves étaient invités à élire, pour le temps de la fête, un roi, le „saturnalicius princeps », l’élection se déroulant à l’aide de fèves.

 

Tradition reprise en partie au Moyen-Âge, mais plutôt pour y honorer les jeunes mamans venant d’accoucher. C’est en fait plus tard, lors du carnaval, qu’elle se répandit, dans un premier temps dans les cours princières et royales où l’on élisait pour un jour un roi de farce. Tradition qui commença à se répandre dans la population vers la fin du XVIIIème siècle, au point qu’elle continua à se pratiquer durant la Révolution malgré son interdiction. Une tradition au demeurant suivie non seulement en France, mais en Belgique, en Espagne et au Portugal, voire au Québec, à la Nouvelle Orléans et, sous une variante légèrement différente, en Amérique latine. (Pour ce qui nous concerne, nous autres Français, il est au passage cocasse de voir si attaché à cette tradition un peuple qui n’a pourtant pas hésité à trancher la tête de son roi... Mais bon, ne pinaillons pas!...)

Bien que destinée à célébrer la visite des trois Rois Mages auprès de l’Enfant Jésus, on pourrait davantage y voir une tradition païenne.

Rien à voir avec ce qui se passe en Hongrie ce même jour. Ici, sous le nom quasiment intraduisible de Vízkereszt (Eau baptismale), la tradition repose sur une base plus fidèle à la religion. Pour célébrer la visite des Mages, bien sûr, mais aussi le baptême du Christ.

Pour fêter donc symboliquement l’eau du baptême. Une eau (bénite) à laquelle on attribuait autrefois des vertus curatives et que l’on faisait boire aux animaux pour les préserver de la maladie tout au long de l’année. Mais les paysans s’en aspergeaient souvent eux-mêmes, voire en répandaient sur les berceaux et en versaient sur le sol devant leur maison.  A cette occasion étaient inscrites sur la façade des maisons le trois lettres G + M + B  correspondant aux noms des trois Mages. Cérémonie qui se déroulait en présence du curé.

Si aujourd’hui, la tradition n’est plus guère répandue, sinon peut-être symboliquement dans les campagnes, il n’en demeure pas moins que la fête revêt une certaine importance en Hongrie, immanquablement évoquée dans les médias.

Une association curieuse entre le baptême du Christ (alors adulte) et l’Enfant Jésus qui peut surprendre, certes, mais a peut-être sa logique. Une fête célébrée en  Hongrie et dans les pays voisins, et surtout dans le monde orthodoxe où elle revêt une importance particulière.

Galette d’un côté, eau bénite de l’autre... Pour ma part, je pendrais bien des deux. Tiens, pourquoi pas une galette arrosée d’un peu d’eau bénite ? Ce qui, du même coup, en faciliterait la digestion et ferait le bonheur des diabétiques. Qui sait?

Pierre Waline

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