L’église fait la quête

L’église fait la quête

La relation assez particulière entre l’État hongrois et les églises présentes dans le pays soulève presque chaque année les mêmes débats. Le financement des communautés religieuses et le rôle politique que certains partis reprochent à l’Église catholique sont les mots-clés de ce conflit en cet automne 2010.

 La réunion du comité parlementaire des droits de l’homme, des affaires des minorités, des civiles et des religieux, le 22 septembre dernier, à laquelle avaient également participé les dirigeants des plus grandes églises hongroises, a été animée de vifs débats sur le financement des églises en 2010. Les leaders religieux ont notamment critiqué le gouvernement pour avoir décidé de baisser les subventions accordées aux églises, sommes traditionellement inscrites dans le budget de l’État. En vertu d’une loi datant de 1997, les contribuables hongrois peuvent choisir chaque année l’église à laquelle ils souhaitent verser 1% de leur impôt sur le revenu. L’État complète ensuite ces dons en versant un deuxième pourcentage d’impôts aux églises et subventionne également des activités concrètes des communautés religieuses, tels l’éducation, les services sociaux, la rénovation d'anciens édifices et la construction de nouveaux bâtiments religieux. En revanche, pour l’année 2010, le gouvernement a décidé de suspendre ce système de financement et, en justifiant les changements par l’austérité budgétaire qu’implique la situation économique fragile du pays, il ne verserait que 0,5% des impôts en complément des dons des citoyens. Selon les informations du quotidien Magyar Nemzet, ce changement privera les églises d’un revenu total de 2,5 milliards de HUF sur l’année. De l’avis de Gusztáv Bölcskei, chef de l’Eglise calviniste, c’est d’autant plus injuste que le nombre de citoyens voulant subventionner leur église augmente chaque année, le gouvernement devrait donc prendre en compte cette tendance et leur accorder une subvention plus élevée. Péter Erdô, chef de l’Église catholique, a quant à lui mis en avant le manque d’information auquel les églises doivent faire face: le gouvernement ne leur communique pas le nombre exact de citoyens qui leur avaient versé leur pourcentage d’impôts, ils ne peuvent donc pas juger si les sommes gouvernementales sont proportionnelles.

Malgré la tension actuelle entre le gouvernement et les dirigeants religieux, la situation des églises en Hongrie s’est beaucoup améliorée depuis le changement de régime. Les églises traditionnelles, dont les communautés avaient été dissoutes en 1950, ont été compensées pour l’étatisation de leurs établissements et leurs biens. Après plusieurs décennies d’interdiction, il est désormais possible de prendre des cours de religion dans les écoles et les églises ont eu la possibilité de reprendre les écoles qu’elles géraient avant l’arrivée au pouvoir du parti communiste en 1948. Dans le cas de l’Église catholique seule, le nombre de ses établissements dans le pays s’élève aujourd’hui à 226, contre à peine 8 en 1990.

D’autre part, l’apparition du parti chrétien-démocrate KDNP a augmenté, même si de manière peu significative, l’influence politique de certaines églises. De même, les fidèles reconnaissent de plus en plus ls idées et les valeurs chrétiennes dans les propos du parti Fidesz et la proportion des croyants reste également assez élevée dans l’électorat du parti MDF. Ces partis de droite, qui mettent en avant les traditions chrétiennes remontant à la fondation du pays il y a plus de mille ans, luttent moins pour la séparation de l’Etat et les églises. Le thème de la sécularisation est plus présente dans les idées des partis de gauche et libéral, même si le parti socialiste cherche de temps en temps à séduire les nombreux électeurs religieux. En 1997, c’était par exemple le Premier Ministre socialiste Gyula Horn qui a conclu un concordat avec le Vatican sur la relation de l’Eglise catholique et l’Etat hongrois. Cinq ans plus tard, à la veille des élections législatives, il a pourtant vilipendé l’église catholique pour sa participation dans la campagne du parti Fidesz, en soulignant qu’elle devrait plutôt laisser le choix libre à ses fidèles. Depuis ces élections de 2002, les partis de la coalition socio-libérale ne cessent de critiquer l’Église catholique qui, à leurs yeux, cherche à jouer un rôle politique qui ne lui revient pas.

Si les fidèles catholiques sont si convoités par les différents partis politiques, c’est en raison de leur nombre élevé: lors du dernier recensement de la population, organisé en 2001, 5,2 millions de citoyens se sont dits catholiques romains pour 10 millions d’habitants. Pour autant, selon les sondages, ils ne seraient qu’environ 1,5 à 2 millions à pratiquer régulièrement une religion.

Anna Bajusz

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