Le Vietnam vu par Aladár Farkas

Le Vietnam vu par Aladár Farkas

Les Sculptures de Farkas à Corvinus

 

Aladár Farkas était un artiste passionné. Son bronze Le printemps du Vietnam montrant une femme pleine de grâce fut un symbole d’espoir au milieu de la guerre du Vietnam. Sa série de sculptures dédiée à cette guerre a inspiré le célèbre photographe Lucien Hervé qui s’est rendu à l’atelier de l’artiste et a fait renaître les oeuvres du sculpteur.

 

L’exposition nous fait revivre une époque révolue dans un pays devenu légendaire. Les visiteurs y associent leur vécu en temps de guerre ou plus récemment en temps de paix. Cela fait penser aux livres (et films inspirés de son oeuvre) de Marguerite Duras dont la naissance en Indochine eut un fort impact sur sa carrière d’écrivain. Impact fort aussi pour Robert Capa, un autre grand photographe d’origine hongroise, dont les toutes dernières photos furent prises dans ce pays puisqu’il trouva la mort sur un champs de mine pendant la guerre d’Indochine.

Les sculptures d’Aladár Farkas évoquent l’autre guerre qui succéda à celle d’Indochine, celle contre les américains, une guerre longue, qui a coûté tant de vies, tant de sacrifices. Ses sculptures montrent l’héroisme des combattants et aussi la vie quotidienne de l’époque. C’était la première guerre télévisée à la quelle s’est opposée une partie de la communauté américaine et internationale : artistes, écrivains, musiciens et un puissant mouvement d’étudiants aux Etats-Unis et dans d’autres pays. Norman Morisson, figure emblématique – qui s’est immolé par le feu pour protester contre cette guerre injuste – est immortalisé également dans plusieurs statues d’Aladár Farkas. Plus loin, on remarque une scène de la guerre au quotidien avec cette figure de femme pliée pour récolter le riz ( les hommes se cachent et luttent dans les forêts) ; à la porté de sa main il y a des fusils. Farkas a toujours porté un regard humaniste sur la souffrance du monde, c’est ce qui l’a conduit à réaliser cette série dédiée au Vietnam – raconte Luca Farkas , sa fille, en évoquant l’année 1965 où alors qu’il écoutait les informations à la radio, il a commencé à chercher des photos, des documents sur la guerre. C’est à partir de centaines de photos que dans son atelier de Budapest il façonne des portraits, des figures de vietnamiens. Il y réussit tellement bien que les visiteurs du pays énumèrent les différentes régions du Vietnam dont doivent être originaires les combattants qui passent sur le pont. Il était en révolte devant les désastres de la guerre – on aperçoit une femme frêle à l’ombre des bombes au napalm puis sous le nuage nucléaire, un paysan qui laboure avec son buffle. Certaines poses sont très expressives et défient la vieille tradition plasticienne pour exalter la lutte – c’est ce qu’a expliqué le critique d’art Balázs Feledy. Il y de l’inédit : des dessins faits par Farkas lors de son voyage au Vietnam, exposés pour la première fois en Hongrie. Avant de quitter les lieux, nous passons par le grand hall d’entrée du bâtiment historique de Corvinus où trône la statue de Marx réalisée par Aladár Farkas: les étudiants touchent ses pieds, le gauche, puis le droit –ce qui leur garantit le succès dans leurs examens. L’oeuvre est entrée dans l’imaginaire collectif.

Éva Vámos

 

Nouveau bâtiment de l’Université Corvinus – 1099 , Közraktár utca 4-6

Jusqu’au 15 Octobre, du lundi au vendredi de 9h-19h, le samedi de 9h à 12h

Présentation de l’oeuvre :

lundi 10 octobre à 18h

 

 

Vietnam-Hongrie, une longue amitié

Témoignage de l'Ambassadeur du Vietnam en Hongrie

De retour de vacances au Vietnam et gardant encore en mémoire les paysages enchanteurs, la culture riche de ce pays, un heureux hasard me conduisit sur les traces d’Aladár Farkas. C'est dans un lieu d'exposition atypique, une salle de lecture pour étudiants à L'Université Corvinus, que surgit sa série de statuettes sur la guerre du Vietnam. C'est là aussi, que j'ai rencontré Ngo Duy Ngo, Ambassadeur du Vietnam en Hongrie. Nous avons observé ces petits personnages en bronze tellement expressifs, courbés par la douleur, par le poids de leurs armes, de cette guerre si longue contre les américains. Ngo Duy Ngo, dernier d'une famille de 7 enfants a ainsi vu tous ses frères et soeurs partir au combat - jeunes ou vieux, personne n'était épargné – un de ses frères n'est jamais revenu. Il se rappelle de ces soldats maigres, chargés de ravitaillements - portant jusqu'à 40kg sur le dos- courbés, épuisés, devant marcher de longues journées dans la jungle. Beaucoup d'entre eux d'ailleurs sont morts de maladies tropicales. L'Ambassadeur s'est arrêté sur cette statuette représentant une femme et ses deux enfants derrière un grillage ; son titre : village stratégique. Il s'est souvenu de ces villages fortifiés où les américains regroupaient les paysans pour les séparer des insurgés communistes. La sculpture du pont est impressionnante, avec une succession de combattants épuisés et déterminés. Pour l'Ambassadeur du Vietnam, cette série de statuette symbolise la longue amitié qui unit les deux pays. Les vietnamiens ont d'ailleurs fêté en 2010 leurs 60 ans de présence en Hongrie. De nombreux échanges ont eu lieu dans les années 60 et 70 : à cette époque, plus de 4000 vietnamiens ont étudié dans les Universités hongroises et sont revenus diplomés au Vietnam pour occuper des postes stratégiques (ministres pour certains). Entre le 20 août et le 2 septembre, dates de fête nationale pour les deux pays, les vietnamiens qui ont étudié en Hongrie se réunissent chaque année à Hanoi pour préparer des plats hongrois et célébrer à travers plusieurs manifestations la Hongrie. Les échanges culturels et artistiques ont longtemps été au coeur des relations hungaro-vietnamiennes. Grâce à son oeuvre sur la guerre du Vietnam réalisée sur la base de photos transmises par l'Ambassade du Vietnam, Aladár Farkas fut invité en 1967 par le président Ho Chi Minh. La fille de l'artiste, Luca Farkas, garde précieusement la photo de son père avec celui que les vietnamiens appellent l'oncle Ho et sa dédicace « c'est du bon travail plein de l'esprit internationaliste ». Ngo Duy Ngo a insisté sur l'importance de la mémoire et c'est aussi ce qu'offre cette exposition, un rappel de ce qu'a pu représenter pour le Vietnam cette guerre interminable qui succédait à celle d'Indochine contre les français. Pour lui, le Vietnam est maintenant tourné vers l'avenir, vers la reconstruction dans ses relations avec les autres pays, et notamment ceux comme la France ou les Etats-Unis contre qui il a lutté. Après 1989 et le changement de régime politique en Hongrie, le Vietnam a conforté sa présence en Hongrie, à travers notamment des échanges économiques et politiques croissants.

Gwenaëlle Thomas

 

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