Le tourisme dentaire en Hongrie
Un phénomène qui prend de l’ampleur
Le tourisme médical est un phénomène grandissant et chaque pays a désormais sa spécialité : opération du cœur en Inde, greffe du foie en Thaïlande, chirurgie mammaire au Maroc et… soins dentaires en Hongrie.
Cela fait une quinzaine d’années que les Allemands et les Autrichiens viennent se faire soigner en Hongrie, et les Anglais traversent l’Europe depuis huit ans déjà pour accéder ici à des soins de qualité et beaucoup moins onéreux que dans leur pays d’origine. En France, le phénomène n’en est qu’à ses prémisses, mais il y a fort à parier qu’il va bientôt gagner de l’ampleur.
L’état de santé des Français et le renoncement aux soins
Dans une étude publiée par l’IRDES (Institut de Recherche et Documentation en Economie de la Santé), 36 % des individus interrogés déclarent au moins une dent manquante non remplacée et 25 % un état de santé bucco-dentaire mauvais ou très mauvais. «La santé bucco-dentaire est un domaine où l’on observe de fortes inégalités sociales. Elles peuvent s’expliquer par des facteurs comportementaux (hygiène dentaire, alimentation…), mais aussi en partie par un accès aux soins plus ou moins aisé selon le niveau de revenu, l’existence d’une couverture complémentaire et le niveau de remboursement de cette dernière», mentionne cette étude, selon laquelle 9,5 % des personnes enquêtées déclarent avoir renoncé à des soins buccodentaires pour des raisons financières au cours des 12 derniers mois. Par ailleurs, selon la revue du Haut Conseil de la santé publique, l’ADSP (Actualité et Dossier en Santé publique), «les dépenses dentaires représentent 2,5 % des dépenses en ambulatoire de l’assurance maladie, et 30 à 50 % des dépenses maladie des assureurs complémentaires. Les remboursements par l’assurance maladie représentent 33 % des dépenses engagées. La répartition est de 41,7 % pour les soins, 34,2% pour la prothèse et 10,6 % pour l’orthodontie. La part de financement de l’assuré est de 50 % pour la prothèse et de 33 % en moyenne pour l’orthodontie». «La nomenclature générale des actes professionnels, devenue obsolète, ne couvre qu’une partie des actes, poursuit l’article, et ne prend pas en compte le coût réel des prothèses. De fait, la rémunération des actes a des effets pervers sur l’accès aux soins», et conduit une partie de la population à renoncer aux soins dentaires ou à envisager de se faire soigner à l’étranger, en particulier en Hongrie.
Le tourisme dentaire en Hongrie
La Hongrie bénéficie d’une solide réputation en matière de soins dentaires. Chaque année, ce sont plusieurs milliers d’Allemands, d’Autrichiens (ils seraient quelque 1400 dentistes à exercer le long de la frontière autrichienne), Suisses, Anglais ou Américains qui viennent s’y faire soigner. Outre la qualité des soins prodigués (l’école dentaire hongroise est en effet de grande qualité), ce sont surtout les prix pratiqués qui attirent en masse les patients étrangers. Les faibles charges qui pèsent sur la profession leur permettent de pratiquer des tarifs jusqu’à 60% moins chers qu’en France pour les implants, les bridges et les couronnes par exemple, en utilisant pourtant des équipements modernes (radiologie, laser et logiciels spécifiques), équivalents voire le plus souvent identiques à ceux que l’on peut trouver en Europe occidentale.
Pourtant, «il existe encore en France une vraie réticence à venir se faire soigner en Hongrie, principalement par méconnaissance et par manque d’information», explique Nicolas Pineau, directeur d’Eurodentair, société spécialisée dans le tourisme dentaire en Hongrie. «Notre objectif premier est de communiquer et d’informer sur les possibilités et la qualité des soins prodigués en Hongrie puis de faciliter et d’organiser la venue des patients afin de rendre leur séjour le plus serein et confortable possible». Les services proposés par Eurodentair sont basés sur la mise en relation avec des cliniques partenaires, toutes sélectionnées pour la qualité de leurs soins, connue et reconnue à l’échelle internationale. «Notre rôle est d’informer les patients français. En Autriche, où le phénomène est déjà ancien, la réputation des médecins et des cliniques se fait de bouche à oreille. Quant aux cliniques hongroises, elles cherchent avant tout à communiquer sur le marché hongrois».
Les cliniques dentaires en Hongrie
Attila Kámán, stomatologue et chirurgien dentiste, est aussi le directeur de Centre Implants, l’une des plus grandes cliniques dentaires de Budapest. Celle-ci, ouverte depuis 4 ans à Budapest, compte beaucoup d’étrangers parmi sa clientèle: en moyenne 30% d’Anglais et 30% d’autres nationalités (Allemands, Français, Hollandais et Suédois notamment). Quant à la clinique Pasarét, elle accueille quelque 70% de patients étrangers. «Ces derniers mois, ce sont les Français et les Belges qui arrivent en tête dans notre clinique, explique le Dr. Csaba Székely, spécialiste en chirurgie dentale et en implantologie et directeur de la clinique, suivis des Anglais et des Irlandais, puis des Américains, des Allemands et des Suisses». En ce qui concerne les Français et les Belges, de plus en plus attirés par des soins dentaires en Hongrie, le Dr. Székely explique ce phénomène récent par les prix pratiqués d’une part, mais aussi par les délais d’attente : jusqu’à trois mois en France contre cinq jours en Hongrie pour certains traitements. «De plus, pour des traitements comme les implants, nous fournissons des dents provisoires, ce qui n’est pas le cas partout». «Pourtant, reconnaît-il, les Français et les Belges méconnaissent encore le travail fait en Hongrie, alors qu’en Angleterre et en Irlande, il arrive que des dentistes recommandent à leurs patients de venir se faire soigner ici, en particulier pour les implants. C’est déjà entré dans les mœurs et peut-être y a t il moins de spécialistes pour cela». Le Dr. Székely précise par ailleurs que sa clinique utilise une nouvelle génération d’implants reconnus à l’échelle internationale : «A la fin du traitement, nous remettons au patient un “pass“ compréhensible dans le monde entier pour renseigner sur la nature et la marque des implants utilisés. C’est en revanche plus compliqué pour les patients autrichiens par exemple, car les implants utilisés en Autriche ne sont pas utilisés ailleurs».
Tistes hongrois reconnus ont bénéficié d’une expérience à l’étranger. Ainsi le Dr. Székely a-t-il travaillé pendant 10 ans en Autriche avant de revenir vivre en Hongrie et de fonder sa propre clinique en 2005. De même, «tous ceux qui travaillent actuellement dans [la clinique Centre Implant] ont travaillé de nombreuses années à la frontière autrichienne, explique le Dr. Kámán, et disposent, pour certains d’entre eux, de diplômes étrangers». Et lorsqu’on l’interroge sur la concurrence des autres pays de l’Est de l’Europe, il souligne que, selon lui, la vraie concurrence se trouve d’avantage en Hongrie qu’en Roumanie car ces derniers n’en sont qu’à leurs débuts et ne bénéficient pas de la longue expérience de la Hongrie dans ce domaine. «Nos tarifs sont peut être 10 ou 20% plus chers qu’en Pologne et 30% plus chers qu’en Roumanie, mais nous proposons une qualité de soins meilleure, avec la même technologie de pointe qu’en France ou en Allemagne par exemple». Par ailleurs, confie-t-il, les méfiances de certains patients étrangers encore réticents à se faire soigner en Hongrie ne sont pas fondées car l’expérience des médecins hongrois est souvent bien plus importante qu’en occident. Ainsi, alors que le taux d’échecs et de complications apparues suite à des soins dentaires se situe entre 3 et 5% en Europe (moyenne tolérée par la profession), le taux d'échecs de sa clinique ne dépasse pas les 2%.
De quoi donner le sourire aux patients étrangers.
Frédérique Lemerre
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