Le Songe d’une Nuit d’été à Budapest: une féerie!
S’il est un compositeur dont on n’a cesse de louer la jeunesse, c’est bien Mozart. Ainsi, par exemple, avec ces concertos pour violon qu’il nous offrit, à peine âgé de 19 ans. Ceci dit, sans minimiser son talent et sans remetttre en cause son génie précoce, admettons qu’il ne fut pas le seul, loin de là! Tel Schubert qui nous laissa Le Roi des Aulnes, à 17 ans. Mais aussi Mendelssohn dont la merveilleuse ouverture du Songe d’une Nuit d’été, fut écrite, alors qu’il avait à peine 17 ans (*).
Telles furent précisément les oeuvres mises au programme d’un concert donné ce samedi 31 janvier au Palais des Arts de Budapest: le 5ème concerto pour violon en la majeur de Mozart et le Songe d’une Nuit d’été, le tout précédé par l’ouverture de la Flûte enchantée. Avec une affiche alléchante, dont rien moins que Pinchas Zukerman en soliste accompagnant l’Orchestre du Festival de Budapest dirigé par Iván Fischer. Pas étonnant, donc, que les trois représentations fussent données à guichet fermé.
Bien que ce fût dans le concerto de Mozart qu’était attendu le clou de cette matinée, c’est en fait Le Songe d’une Nuit d’été qui en constitua le temps fort. Non que que l’interprétation du concerto fût décevante, bien loin de là: un violon à la sonorité délicieusement claire et pure. Et Pinchas Zukerman évitant les pièges de la virtuosité pour distiller sa partition dans sa plus pure simplicité. Un orchestre à la sonorité chaude et somptueuse (contrastant précisément avec le son apuré du violon). Mais ce fut bien beau. Un temps fort qui devait suivre, non pas, donc, que l’interprétation du concerto fût en retrait, mais tout bonnement parce que le Songe de Mendelssohn nous fut servi de façon superbe! Jamais je ne l’avais entendu de la sorte!
A mettre à l’actif de ce succès, outre l’orchestre, sa chaleur et son brio: les deux solistes, la soprane allemande Anna Lucia Richter et la mezzo slovène Barbara Kozejl, toutes deux excellentes; mais aussi et surtout ce merveilleux choeur de jeunes filles Pro Musica, venu de Nyíregyháza.
Comme à son habitude, Iván Fischer agrémenta la matinée par de ces trouvailles originales dont il a le secret. Tout d’abord par la disposition des artistes. Les jeunes chanteuses du choeur, non pas regroupées au fond de la scène, comme alignées sur un perchoir de basse-cour, mais dispersées au milieu des instrumentistes. Des instrumentistes eux-mêmes répartis en petits groupes, tels les pupitres de violons disposés en deux groupes à la gauche et à la droite du chef, comme pour produire un effet stéréo (idem pour les cimbales). Au milieu de tout cela, un chef tout en verve, dansant littéralement sur son podium, mais sans jamais cabotiner. Iván Fischer qui nous réserva par ailleurs quelques petites surprises en aménageant (très) légèrement la partition, non sans une petite pointe d’humour. Une partition qu’il nous commenta brièvement entre les parties.
Et c’est au moment des bis que le chef nous réserva la plus belle et sympathique surprise. Tout d’abord en se mettant à l’écart pour inviter le chef du choeur à diriger lui-même son ensemble a capella. Puis en nous offrant un choeur composé par la soeur de Mendelssohn, Fany, pour lequel les membres de l’orchestre délaissèrent leurs instruments pour se joindre aux jeunes filles de la chorale et chanter tous ensemble à l’unisson. Vous imaginez le succès!
Une matinée au cour de laquelle on ne s’ennuya pas! Certains n’hésitent plus à classer l’orchestre du Festival de Budapest (BFZ- Budapesti Fesztivál zenekar) parmi les 10 meilleures formations du monde. Bien que je n’aime guère ce genre de classement, je le crois volontiers.
Iván Fischer qui va bientôt nous régaler – mi mars - dans cette même salle avec une version concert de la Flûte enchantée.
Pierre Waline
(*): certes complétée 17 ans plus tard seulement pour constituer l’oeuvre telle que nous la connaissons aujourd’hui. Mais tout de même...il n’avait encore que 34 ans... (A propos „jeunesse”, qui sait que Schubert vécut à peine 32 ans et Pergolese... 26 ans ?!)