Le secteur bancaire en état de choc
Le plan de protection du foyer
Depuis deux semaines, le débat public se concentre autour du «Plan de protection du foyer»(Otthonvédelmi Akcióterv). Le Parlement a voté la nouvelle loi qui permet aux débiteurs en devises de rembourser leur dette à un taux désormais fixé à 180 forints pour 1 franc suisse.
A cause de taux d’intérêts en forint élevés et de l’abandon par l’Etat des crédits subventionnés, les crédits en devises (surtout en franc suisse) se sont fortement développés à partir de 2004. Mais après la crise économique de 2008 et la hausse du franc suisse cet été (en août, 1 franc suisse était presque équivalent à 1 euro), les débiteurs en devises se retrouvent dans une situation difficile. Aujourd’hui, l’endettement s’élève à 5 mille milliards de forints (15 milliards d’Euros) et la proportion des mauvais payeurs est de 15%. Le gouvernement a déjà introduit plusieurs mesures pour aider les débiteurs : interdiction d’offrir de nouveaux crédits en devises, possibilité de geler pendant 3 ans le montant de leur mensualité à un niveau de taux de change franc suisse/forint à 180 HUF. Avec la nouvelle mesure, les débiteurs ont maintenant la possibilité de rembourser leurs crédits selon un taux fixe.
Choc à la Bourse
Le 9 septembre, János Lázár, le président du FIDESZ au Parlement, a exposé la nouvelle idée de son groupe pour résoudre les problèmes des débiteurs. Il a proposé que le remboursement des crédits en devises se fasse selon un taux fixe, les banques prenant à leur charge tous les frais et la perte de change. Il a de même suggéré que les banques soient contraintes de refinancer les clients ne disposant pas de l’épargne nécessaire pour un nouveau crédit en forint. Une telle mesure peut causer la perte de milliards d’Euros pour les banques qui perdent 30% du montant de chaque crédit remboursé. Cela peut provoquer le krach du secteur bancaire. Suite à cette déclaration, le marché boursier a vivement réagi, les actions d’OTP et de FHB (deux banques hongroises cotées en bourse) ont fortement baissé et leur cotation a été provisoirement suspendue.
Suite au lobbying des banques et de la Banque Centrale de Hongrie, le gouvernement a reconnu et identifié ces risques. Le 12 septembre, lors de la présentation au Parlement des nouvelles mesures de son programme, Viktor Orbán, le premier ministre hongrois, a partiellement modifié la proposition initiale. Ainsi, le projet de loi déposé au Parlement par Antal Rogán, membre du groupe parlementaire de FIDESZ, n’oblige plus les banques à refinancer leurs clients par des emprunts en Forint, et ne concerne que les clients qui ont emprunté des francs suisses à un taux inférieur à 180 HUF par franc suisse.
La loi est passée…
Le 19 septembre, le Parlement a adopté le projet de loi à une très large majorité (277 pour, 9 contre, 30 abstentions). Voici les points essentiels de la loi :
- Le débiteur en devises peut rembourser sa dette restante selon un taux fixe ( 1 franc suisse = 180 forints, 1 euro = 250 forints et 1 yen = 2 forints), et ce, uniquement si le taux de change initial du crédit est inférieur à celui fixé par la nouvelle loi ;
- Pour cela, le débiteur doit faire une demande par écrit à la banque concernée avant le 31 décembre 2011 ;
- Si le débiteur a les ressources suffisantes pour rembourser le crédit avec le nouveau taux de change, la banque est obligée d’accepter sa demande ; par contre, elle n’est plus obligée de proposer un crédit en forint pour remplacer le crédit en devises;
- A compter de la date de sa demande, le débiteur dispose de 60 jours pour rembourser la totalité de son crédit (selon le nouveau taux de change fixé par la loi) ; et s’il avait contracté un prêt relai pour rembourser son crédit en devises, le débiteur doit également le rembourser dans les mêmes délais.
- Les banques ne peuvent pas facturer les frais occasionnés par cette demande ;
- La loi s’applique uniquement aux débiteurs dont la banque n’a pas dénoncé le contrat avant le 30 juin 2011 ;
- La loi prend fin le 1er avril 2012.
- Selon ces critères et d’après les estimations des experts, de 15 à 40 % des débiteurs pourraient rembourser leur crédit.
Les échos
La mesure a été largement entendue dans le pays et en Europe aussi. Les échos sont négatifs et sceptiques. Dans la communication du gouvernement et du FIDESZ, cette proposition répond à un double objectif : faire porter la perte par les banques et diminuer le taux d’endettement en devises du pays. En réalité, cette possibilité n’est ouverte qu’au petit cercle de débiteurs qui ont une épargne suffisante pour rembourser. Elle ne règle pas la difficulté de tous les autres qui ne peuvent toujours pas rembourser leur crédit en devises. Pour eux, la situation ne cesse d’empirer, le forint continuant de se dégrader.
Les banques vont subir une perte de 160 à 500 milliards de forints (plus de 1,5 milliards d’Euros), qui, avec l’impôt de crise, va rendre tout le secteur bancaire déficitaire. György Matolcsy, le ministre de l’Economie nationale, a précisé qu’il n’était pas possible de diminuer l’impôt de crise pour soulager les banques.
Par ailleurs, certaines banques peuvent aussi choisir de lancer rapidement sur le marché un crédit en forint pour le remboursement des crédits en devises, afin de gagner des parts de marché.
Les autorités financières internationales et la profession se sont élevées contre cette mesure. Tout de suite après la déclaration, Maria Fekter, la ministre des Finances autrichienne, a manifesté ses craintes sur cette mesure, et Giani Papa, le directeur de Centre et Ouest-Europe à la Bank Austria (alliée au groupe UniCredit) a annoncé le blocage de l’extension de sa banque en Hongrie. L’Association des banques (Bankszövetség) a annoncé un recours auprès de la Cour Constitutionnelle et des juridictions européennes. Elle a demandé à Pál Schmitt, le Président de la République, de ne pas signer la loi avant l’avis de la Cour Constitutionnelle. Mais ce dernier a signé le texte le 26 septembre. Le MSZP (Parti Socialiste Hongroise) a consulté la Cour Européenne. Si celle-ci déclare la loi illégitime, la perte supportée jusqu’à présent par les banques devra être remboursée par l’Etat. Et la réponse d’Orbán aux critiques? «Il y aura un deuxième et un troisième plan dans le tiroir si la Cour interdit la loi.»
Rita Szabó