Le sable chaud de Budapest
Livre
L'auteur brésilien Chico Buarque nous emmène, du Brésil à Budapest, dans les pas d'un écrivain anonyme, amoureux de la langue hongroise.
De Chico Buarque, je ne connaissais jusqu'ici qu'une chanson fleurant bon le sable chaud et dont les premières notes m'évoquaient inlassablement une boisson pétillante et une jolie paire de fesses féminines (là, je pense que j'ai captivé une grande partie de mon lectorat masculin ...). Après quelques recherches, je tombe sur le regard le plus transparent qu'il m'ait été donné de voir (et voilà comment je récupère mon lectorat féminin) et surtout sur un excellent musicien brésilien aux chansons sucrées et envoûtantes. Mais Chico Buarque ne se réduit sûrement pas à un play boy poussant la chansonnette puisque une grande partie de son oeuvre est engagée contre le régime militaire brésilien des années 70 et qu'il écrit aussi bien des pièces de théâtre que des romans.
Son troisième livre, Budapest, se partage entre Brésil et Hongrie et choisit d'aborder les questions du processus littéraire et de la mélopée d'une langue. José Costa est brésilien et nègre, il écrit les discours, les articles ou les livres d'autres. Il est marié à une femme qu'il semble aimer et dont il finit par accepter l'idée d'un enfant, qui finalement l'indiffère. Lors d'un congrès des écrivains anonymes, il fait escale à Budapest et se laisse envoûter par la langue hongroise et ses étranges sonorités, au point de rêver en hongrois de retour chez lui. Il ne cherche plus dès lors qu'à retourner à Budapest où il fait d'étranges rencontres, dont celle de Kriska, qui sera son professeur de hongrois aux méthodes plutôt tranchées. Dès lors, il sera partagé entre deux villes, deux femmes, deux histoires mais qui finalement n'en forment qu'une.
Je ne sais pas s'il vous est déjà arrivé de trouver un roman à la fois prenant et agaçant mais cela fut le cas pour moi avec ce livre. Chico Buarque a d'excellents procédés littéraires qui happent le lecteur dans le trou noir de son livre mais en même temps il me manque un peu d'âme et de profondeur pour être complètement séduite. Je pense avoir un problème de lectrice typiquement féminin, j'ai besoin d'un peu d'empathie envers les personnages du roman, malgré tous les défauts dont ils peuvent être dotés, pour me laisser totalement emporter. Et je ne ressens aucune empathie envers José Costa ... Il m'indiffère, voire il m'insupporte, mais finalement peut-être est-ce la volonté de l'auteur ?
Toutefois, ce livre me questionne, non sur la reconnaissance de l'écrivain ou sur l'appropriation d'une langue, mais sur l'obstination involontaire du narrateur à reproduire les mêmes erreurs, qu'il soit au Brésil ou en Hongrie, qu'il parle portugais ou hongrois. Cette incapacité d'échapper à ce qu'il est et de ne jamais se remettre en question est certainement ce qui m'horripile le plus mais peut susciter finalement la tendresse qui fait défaut. José Costa ne m'insupporte peut-être plus tant que ça, me dis-je un virgin mojito à la main et les premières notes d'essa moça ta differente dans les oreilles, chez moi à Budapest. Il n'y manque plus que le sable chaud ...
Juliette Monroche
Budapest de Chico Buarque, Gallimard 2005 et Folio 2006