Le rayonnement de la France en Hongrie

Le rayonnement de la France en Hongrie

René Roudaut, Ambassadeur de France en Hongrie

Le 14 juillet est une date propice pour faire le point sur l'année écoulée, sur l'activité des français en Hongrie. Ce premier semestre a également été marqué par la présidence hongroise de l'Union européenne. M. René Roudaut, Ambassadeur de France en Hongrie, a accepté de répondre à nos questions.

 

JFB : La présidence hongroise de l’UE touche à sa fin, comment qualifieriez-vous cette présidence ? Quelles sont ses réussites, ses échecs ?

René Roudaut : Il s'agit d'une présidence globalement réussie en tenant compte du fait qu'elle s'est déroulée à un moment particulier: crise économique, catastrophe nucléaire au Japon, vent de révolte dans les pays arabes, épidémie E.coli. En outre, cette présidence tournante a fonctionné sur les règles du traité de Lisbonne, avec un rôle amoindri de la présidence tournante. La présidence a continué d'établir l'ordre du jour du Conseil européen, qui reste toutefois contraint à 80%. On peut noter plusieurs réussites: l'élargissement de l'UE à la Croatie, les avancées sur le paquet de six textes législatifs sur la gouvernance financière et économique, les priorités hongroises (intégration des Roms et stratégie Danube). Comme échec, on retient le sommet du partenariat oriental, qui aurait dû se tenir en mai et a été reporté sous la présidence polonaise.

Quelques sujets également n'ont pas pu être traités sous l'égide de la présidence, par exemple la gestion des crises régionales (Méditerranée et Moyen Orient). On peut regretter enfin une communication hésitante et une absence d'anticipation, en début de présidence, avec la promulgation de la loi sur les médias.

 

JFB : Comment avec vos équipes de l’Ambassade avez-vous participé au bon déroulement de cette présidence ?

R. R. : La partie logistique est certainement la plus visible mais évidemment pas la plus importante. On compte en effet une quinzaine de visites de ministres français, environ 90 visites de commissaires européens et 250 réunions techniques lors de cette présidence. Le rôle de l'ambassade est d'effectuer des synthèses des positions en cours sur les affaires étrangères, mais aussi sur les sujets économiques. On peut dire que la communication entre Laurent Wauquiez et Enikô Gyôri, nos secrétaires d'Etat respectifs aux Affaires étrangères, fut excellente. Il faut ajouter que la présidence de l'UE, ce n'est pas seulement un semestre de travail intense, mais une bonne année de préparation des équipes du ministère des Affaires étrangères, ainsi qu'une coordination en amont avec les autres pays du trio.

 

JFB : Comment se concrétisent les actions de l'ambassade française en Hongrie ? Quels constats pouvez-vous faire sur l’activité française dans ce pays ?

R. R. : Il faut souligner deux volets importants dans l'activité de l'ambassadeur et de ses services: tout d'abord représenter son pays dans le pays d'accueil et défendre les intérêts français, et ensuite représenter les positions hongroises sur des sujets d'intérêt commun. La présidence hongroise a été une occasion particulière pour nous d'expliquer et de relayer les positions hongroises dans un calendrier parfois laborieux.

Concernant mes missions, la priorité a été mise sur la coordination des positions franco-hongroises sur les dossiers européens, mais aussi sur l'accompagnement des entreprises et investisseurs français. Au cours de ces deux dernières années, j'ai dû défendre en effet les intérêts économiques français dans différents litiges qui opposaient des sociétés françaises à l'Etat hongrois. En décembre 2010, deux médiateurs, un Français et un Hongrois, ont été nommés afin de mettre à plat l'ensemble des dossiers, de participer aux réflexions de la communauté d'affaires sur les sujets économiques, fiscaux. Ils servent de relai avec le gouvernement hongrois et les principaux partenaires de l'UE. Je participe également à un groupe informel d'une douzaine d'ambassadeurs qui interrogent les autorités hongroises de manière conjointe.

 

JFB : Comment participez-vous au rayonnement culturel et linguistique français en Hongrie ?

R. R. : Ceci est effectivement une des compétences de notre ambassade. Le rayonnement culturel et linguistique français en Hongrie se fait grâce à la présence de l'Institut français, des 5 Alliances françaises, du lycée français Gustave Eiffel, des 12 filières françaises dans des lycées hongrois, de la coopération universitaire. A ce titre, avec le directeur de l'Institut français, François Laquièze, nous avons décidé de sanctuariser la politique des bourses, qui constitue un levier essentiel de notre action dans ce pays. Depuis 1990, environ 3000 étudiants hongrois ont ainsi reçu des bourses de l'Etat français. En outre, l'Institut français, après avoir remporté un appel d'offre, a fourni des formations dans notre langue pendant la présidence européenne à environ 700 fonctionnaires hongrois. Notons enfin que dans les orientations de l'Institut français, l'accent est mis sur la participation aux débats intellectuels (séminaires, conférences) et il a été amené à établir une programmation en liaison avec l'académie hongroise.

 

JFB : Quels sont vos souhaits pour la communauté française en Hongrie ?

R. R. : Tout d'abord, que la qualité de l'animation, aussi bien professionnelle (CCIFH – Chambre de Commerce et d’Industrie franco-hongroise, CCEFH - Conseillers du Commerce extérieur français de Hongrie, et DEFH – Dirigeants et Entrepreneurs français en Hongrie) qu'extra-professionnelle (Budapest Accueil), se poursuive dans le même état d'esprit, que cette communauté se maintienne en nombre malgré la période de difficultés économiques. Je souhaite aussi que le lycée français continue d'être promu au sein de cette communauté, mais aussi auprès des Hongrois, en raison de l'excellente offre qualité-prix qu'il propose. Je souhaite enfin que le rayonnement de la France, de manière générale, se renforce.

 

JFB : L'année 2012 sera marquée par l'élection des députés des Français à l'étranger, comment ces élections s'organisent-elles?

R. R. : Le consulat français est chargé de la préparation des listes électorales. Le bureau de vote a été choisi: il s'agira de l'Institut français. Je ne peux qu'inciter tous nos compatriotes à s'inscrire dès maintenant sur les listes électorales et à participer à ce vote.

 

JFB : Pensez-vous que votre connaissance du Breton vous facilite l'apprentissage d'autres langues, parfois complexes, comme le Hongrois?

R. R. : J'ai effectivement pratiqué le bilinguisme dès mon enfance, avec le Français et le Breton. Même si le Breton est une langue régionale, et donc peu étendue, l'apprentissage de ces deux langues donne une agilité intellectuelle et facilite ensuite l'accès à d'autres langues. Un mot sur la langue hongroise s'impose. Je me suis immédiatement rendu compte en arrivant il y a quatre ans que la langue – si mystérieuse et incompréhensible au premier abord – était une des clés de la compréhension de la Hongrie et de l'âme hongroise. Je m'y suis mis avec ardeur, aidé il est vrai par une professeure de premier plan. Sans prétendre être bilingue, j'ai la satisfaction de suivre aujourd'hui les nouvelles à la radio, de comprendre les conversations ordinaires et, privilège absolu, de partir de vrais fous-rires en lisant pendant mon cours de Hongrois la nouvelle “A rossz tanuló” (“Le mauvais élève”) de Frigyes Karinthy.

 

JFB : Pouvez-vous nous faire part de vos impressions générales et personnelles sur votre séjour en Hongrie?

R. R. : En quatre années de présence en Hongrie, je suis loin d'avoir épuisé les charmes du pays et compris toutes les clés de lecture de son passé et de son présent. Une chose est sûre cependant : une approche purement cérébrale de la Hongrie et des Hongrois ne permet pas une véritable compréhension de la situation. Il y faut du coeur, de l'affect et de l'empathie pour comprendre les réactions et les perceptions hongroises dans leur environnement géographique et leur contexte historique, d'autant que les Hongrois eux-mêmes réagissent souvent, me semble-t-il, avec une sorte d'hyper-sensibilité.



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Gwenaelle Thomas

 

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