Le pari de l'efficacité
Le gouvernement d'experts de Gordon Bajnai
Le nouveau gouvernement de Gordon Bajnai a prêté serment devant le Parlement le 20 avril dernier. C’est le premier gouvernement hongrois qui réunit non seulement des hommes politiques mais également des experts, puisque sept ministres sur quinze n’appartiennent à aucun parti politique. La mission courte mais très difficile de ces spécialistes consistera à sortir le pays de la récession en 2009.
Faut-il former un gouvernement de technocrates? Le débat n’est pas nouveau en Hongrie. Depuis la fin des années 1990 politilogues et so-ciologues constatent que la majorité de la population n’est pas satisfaite du travail des gouvernements successifs. Cela se manifeste bien dans l’attitude des électeurs: jusqu’aux législatives, ils ont toujours voté leur confiance aux partis qui formaient l’opposition. Par conséquent, depuis le changement de régime, les gouvernements de droite et de gauche alternaient en Hongrie, à l’exception du cabinet Gyurcsány qui a pu poursuivre sa tâche en 2006 mais qui ne bénéficiait pas d’assez de soutien pour rester en place jusqu’aux prochaines législatives. En général, les citoyens hongrois ont une vision plutôt négative des partis politiques, qu’ils considèrent comme corrompus. Plus une institution est hors de la sphère d’influence des partis, plus elle est populaire et appréciée par les électeurs dans les sondages. (Par exemple la Cour constitutionnelle et la Cour des comptes sont souvent les plus appréciées dans ces enquêtes d'opinion). L’idée d’un gouvernement qui serait neutre envers les partis politiques semble donc légitime dans ces conditions.
Cette année, suite à la démission de F. Gyurcsány, la question s’est posée de manière un peu différente. L’idée d’un gouvernement d’experts a refait surface dans une atmosphère politique caractérisée par le manque de confiance général envers le gouvernement sortant.
En formant un gouvernement technocrate, les partis de l’ex-coalition voulaient assurer aux nouveaux ministres la plus grande légitimité possible et une capacité de réaction rapide, une option nécessaire en ces temps de crise. Un gouvernement d’experts devrait également bénéficier d’une plus grande crédibilité aux yeux des investisseurs étrangers, qui se sont détournés du pays ces derniers temps.
Gordon Bajnai a confié les portefeuilles clés à des experts qui ne sont stigmatisés ni par les erreurs de certains partis ni par les mauvaises expériences du passé. La tâche sans doute la plus importante attend Péter Oszkó, le nouveau ministre des finances. En effet, le gouvernement envisage désormais une récession de l’ordre de 5,5 à 6% en 2009 et le nouveau ministre des finances doit donc trouver des recettes supplémentaires pour le budget. Il a d'ores et déjà annoncé que le taux de la TVA passerait de 20 à 25% mais qu’un taux préférentiel de 18% serait introduit pour le pain, les produits laitiers et l’énergie. Ces nouvelles recettes budgétaires permettront d’alléger le fardeau fiscal des employeurs: les cotisations patronales diminueront de 5% sur les salaires les plus bas en 2009 et sur tous les salaires en 2010. C’est ainsi que le gouvernement essaie de protéger les emplois précaires à court terme. Si cette augmentation de la TVA et les autres mesures d’austérité portent leurs fruits, les taux de l’impôt sur le revenu seront également diminués en 2010.
Quelles sont les premières réactions depuis l’arrivée au pouvoir de ce cabinet composé pour moitié d’experts? Les débats autour des réformes des impôts ont mis l’accent sur les conditions auxquelles tout membre de ce gouvernement doit se tenir. Le parti SzDSz, qui a toujours rejeté l’idée d’une hausse de la TVA, l’a finalement acceptée afin d’assu-rer une certaine liberté d’action au gouvernement. Comme Gábor Fodor, chef du parti, l’a fait savoir, la stratégie du parti libéral consiste à soutenir ce nouveau gouvernement tant qu’il le juge apte à gérer la crise économique. Leur soutien n’est donc pas sans condition, même si l’autre possibilité, celle des élections anticipées, n’est pas trop avantageuse pour le SzDSz. Quant au Fidesz, il refuse de coopérer avec «l'ancien-nouveau gouvernement» que le chef du parti, Viktor Orbán, a défini comme un cabinet composé à 80% des proches du Premier Ministre sortant Ferenc Gyurcsány. La grande légitimité et le soutien politique que Gordon Bajnai espérait se sont donc avérés assez illusoires, mais tant que le parti libéral ne s’opposera pas à ses mesures, le gouvernement aura la possibilité de mettre en place son programme d’austérité. Quant à l’opinion des investisseurs étrangers, elle n’a guère changé, mais nombre d’experts s’attendent à un retour de la confiance dans la région si le gouvernement Bajnai et le nouveau gouvernement tchèque, qui réunira également des experts, réussit à prendre le dessus sur la crise économique.
Anna Bajusz