Le nucléaire, une énergie d’avenir
La sécurité énergétique est un des dossiers prioritaires de la présidence hongroise. Gérard Cognet, Conseiller nucléaire auprès de l’ambassade de France et Délégué du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) pour l’Europe centrale nous éclaire sur ce sujet d'actualité et sur la politique nucléaire plus particulièrement.
JFB : selon Eurobaromètre, c’est en Hongrie que l’opinion soutient le plus le choix de la technologie nucléaire. Comment expliquez-vous ce soutien des hongrois au nucléaire ?
Gérard Cognet : Les hongrois côtoient l'énergie nucléaire depuis longtemps et surtout ils ont pris conscience au moment de la crise en 2009 que l'énergie nucléaire présentait des garanties contrairement aux énergies fossiles. La centrale nucléaire de Paks produit 43% de l'électricité du pays. Le parlement a voté massivement pour la construction d'une nouvelle centrale début 2009. Il y a un véritable consensus politique sur ce sujet.
JFB : Quelle est la place de l’énergie nucléaire face aux énergies renouvelables ?
G.C. : Si on prend en compte le processus complet du cycle énergétique, la production d’électricité ou de chaleur, en fait l’énergie utilisable, commence par la construction de l’outil de production de cette énergie : la centrale nucléaire, l’éolienne, le panneau solaire, ... Ce processus émet forcément du CO2 mais, comparativement aux énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables en émettent beaucoup moins. Elles sont donc comparables pour ce qui est de la lutte contre le changement climatique.
Pour ce qui est de la réponse aux besoins énergétiques d’un pays, ces énergies ne jouent pas le même rôle. Les énergies renouvelables sont soumises à des facteurs climatiques, aléatoires par nature, qui impliquent un stockage important si on veut les utiliser comme système énergétique de base, c'est-à-dire assurer la fourniture hors période de pointe. Or, le stockage de l’énergie est complexe et aujourd’hui le seul moyen économiquement viable, à grande échelle, est le stockage sous forme de retenue d’eau qui a des limites ; en France pratiquement tous les sites possibles sont équipés et en Hongrie, le relief est tel qu’il y a très peu de possibilités. A l’opposé, l’énergie nucléaire offre une production importante et constante qui répond très bien à la fourniture de base.
Par ailleurs, il est important pour l’utilisateur que l’énergie de base soit produite à coût faible et de manière durable, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ni de l’énergie éolienne, ni de l’énergie solaire qui sont des énergies subventionnées car elles ne sont pas rentables par elles mêmes. L’Europe a fixé comme un objectif de 20% d’énergies renouvelables en 2020, ce qui impose la mise en place de politiques incitatives vis à vis de ces énergies. Les mesures incitatives, en France par exemple, ont bien joué ce rôle, le marché a décollé, mais le coût pour la collectivité, et donc le citoyen, est énorme. Le gouvernement a donc décidé fin 2010 de réduire ces mesures incitatives.
Sur la question de la production massive, essentielle pour la production de base, les énergies renouvelables ne peuvent pas constituer une véritable alternative.
Par exemple, un réacteur nucléaire produit 1000 mégawatts alors qu’une éolienne en produit 3 à 4 (au maximum pour une installation off-shore).
JFB : L’énergie nucléaire garantit-elle la sécurité énergétique, un dossier à l’ordre du jour de la présidence hongroise de l’Union Européenne ?
G.C. : Aujourd’hui se pose le problème de la gestion des réseaux et de la régulation de la production d’électricité. En novembre 2006, une erreur de gestion du réseau électrique dans le nord de l’Allemagne, conjuguée avec une chute de la production d’origine éolienne, a entraîné une gigantesque panne d’électricité sur pratiquement toute l’Europe.
La production d’électricité via les énergies fossiles peut aussi présenter certains risques. L’Europe centrale dépend fortement de la Russie pour l’approvisionnement en gaz (80% de l’énergie hongroise). Avec la crise de janvier 2009 (fermeture de l’approvisionnement en gaz par la Russie du fait du conflit avec l’Ukraine), ces pays ont pris conscience du problème de sécurité énergétique posé par ces énergies fossiles.
Le groupe de Visegrád, groupe politico-économique réunissant la Hongrie, la République Tchèque, la Slovaquie et la Pologne, essaie aujourd’hui de définir une stratégie régionale de sécurité énergétique au niveau de l'UE. Ce sujet est également à l'ordre du jour de la «Stratégie pour le Danube» qui regroupe 14 pays.
Le dossier de la sécurité énergétique est une des priorités de la présidence hongroise de l’UE. Actuellement chaque pays a sa propre réglementation sur la question de la sûreté énergétique. Il n’existe pas d’autorité supra-nationale mais des instances de concertation et d’harmonisation existent ou, pour certains secteurs sont en train de se mettre en place, au niveau européen. Pour le secteur de l’énergie nucléaire, l’ «European Nuclear Safety Regulators Group» (ENSREG) a fait adopter récemment un texte sur l’harmonisation de la réglementation en matière de sûreté nucléaire. Il travaille actuellement à un projet de recommandations pour la gestion des déchets radioactifs.
JFB : Comment les déchets nucléaires sont-ils gérés dans l'UE ?
G.C. : La gestion de ces déchets est un sujet important dont il ne faut pas négliger les risques. C’est pour cela que la France a adopté en 2006 une loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.
Il existe 2 critères de classification des déchets nucléaires : l'activité du produit et sa durée de vie. A ces 2 critères s’ajoute le volume final qui doit aussi être pris en considération pour définir un site de stockage de déchets radioactifs.
Il existe d’autre part deux types de cycles liés à l’utilisation de l’uranium et à la gestion de ce qu’on appelle le « combustible usé » c'est-à-dire le matériau que l’on ressort du réacteur • Le cycle ouvert qui consiste à considérer ces combustibles usés comme des déchets et à les placer dans des stockages géologiques profonds (> 600 m). C’est la voie suivie par la Suède et la Finlande.
• le cycle fermé qui est basé sur le fait que ces combustibles usés contiennent encore une quantité significative de matériau qui peut produire de l’énergie nucléaire à la condition de subir un traitement pour le recycler. Cette voie est celle suivie par la France avec l’usine de La Hague mais aussi le Japon, l’Allemagne, les Pays -Bas, la Belgique et la Grande-Bretagne.
La Hongrie réfléchit actuellement à évoluer vers le cycle fermé. Dans cet esprit, elle participe conjointement avec la Slovaquie et la République Tchèque, et en partenariat avec la France, à un projet de recherche sur un réacteur de 4ème génération qui offrira le double avantage de rendre le combustible pratiquement inépuisable et de permettre la minimisation des déchets rendant leur gestion plus efficace et plus sure.
Gwenaëlle Thomas
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