Le Maroc et la Francophonie : une culture riche et poétique
Au cours du 18ème Festival de la Francophonie, l’Institut Français et l’Ambassade du Maroc ont invité Hassan El Ouazzani, poète, écrivain, professeur, et directeur du livre, des bibliothèques et des archives au Ministère de la Culture à Rabat, afin de présenter la culture et la francophonie au Maroc. À cette occasion, le poète a présenté avec aisance et en arabe son recueil de poèmes Les Rêves de McLuhan, publié aux éditions de l’Harmattan en 2017 et traduit en français par Abderrahman Tenkoul.
Lors de cette soirée, la poétesse d’expression française, Safae Sijilmassi Idrissi, auteure de deux recueils de poésies dont le dernier Ma vie, un Voyage est paru récemment aux éditions la Croisée des chemins, fut également invitée dans le but d’interpréter consécutivement la version française des poèmes d’El Ouazzani.
Ambassadeurs, diplomates, membres du ministère hongrois et quelques journalistes, ont ainsi assisté à la représentation poétique et charismatique de ces deux poètes sous un fond musical marocain.
Également commissaire du Salon International de l'Edition et du Livre de Casablanca de 2018, Hassan El Ouazzani a répondu à quelques-unes de nos questions concernant cette manifestation culturelle qui précédait notre soirée.
JFB : Vous avez inauguré le Salon du livre à Casablanca avant de venir à Budapest, quel était le leitmotiv de cette année ?
H. El Ouazzani : Le salon est un espace de dialogue libre, qui se reflète notamment par le nombre d’activités enregistrées lors du Salon. Nous avons dépassé les 800 rencontres pendant ces 10 jours avec la participation de 1600 auteurs. Évidemment, cela rejoint le côté commercial du Salon. Par rapport à l’an dernier, on compte une évolution de 52% pour le nombre de visiteurs. Mais à part le côté commercial, la Salon du livre de Casablanca c’est vraiment un espace de dialogue libre autour de thématiques culturelles, parfois politiques : c’est ce qui fait le point fort du Salon de Casablanca.
JFB : Professeur, directeur, écrivain, poète, vous semblez regrouper de nombreuses facettes.
H. E. O. : Oui, mais cela reste mon métier. Mon travail en tant que directeur et professeur de l’école des sciences de l’information qui forme les bibliothécaires, et mes poésies se complètent. Je vis autour du livre, ma vie se passe autour du livre. C’est pourquoi, pour moi, il est évident que mes activités diverses et variées se regroupent et se complètent autour de ce domaine culturel.
JFB : Nous sommes aujourd’hui réunis lors de cette soirée à l’Institut Français pour célébrer le mois de la Francophonie, est-ce que lors de ce salon ce thème était-il présent ?
H. E. O 12.0pt;line-height:150%" lang="FR" xml:lang="FR">. : Le Salon est une plateforme internationale. Le côté francophone reste en effet un point fort de ce Salon à travers des activités qui s’articulent autour de la thématique de la francophonie, notamment à travers les livres publiés en français qui représentent un grand nombre de ces activités.
JFB : Avez-vous déjà eu l’occasion de venir en Hongrie auparavant ou est-ce que c’est la première fois ?
H. E. O. : Personnellement, c’est la première fois. Mais il y a des relations culturelles entre les deux pays que l’on doit améliorer davantage à travers la traduction simultanée et la traduction des œuvres littéraires marocaines vers le hongrois. On doit renforcer cette relation également par les visites des écrivains. Un chantier est à lancer dans ce but afin de faire encore plus d’échanges culturels entre les deux pays.
Richesses culturelles, spécialités du Maroc, et projets passés et à venir, étaient ainsi au rendez-vous lors de cette soirée littéraire et poétique marocaine.
Pour vous donner un aperçu de cette culture littéraire, voici « Les Rêves de McLuhan » et « Les femmes du métro », deux poèmes tirés du recueil Les Rêves de McLuhan de Hassan El Ouazzani, traduit de l’arabe par Abderrahman Tenkoul, et « Douce méditerranée » et « Konya », poésies présente dans le nouveau recueil de Safae Sijilmasssi Idrissi, Ma Vie, un Voyage.
Propos recueillis par Éva Vámos et Eva Boutin
Les rêves de McLuhan
Je suis un peu plus petit que les chutes du Niagara
Aussi mes mains n’atteignant-elles pas le soleil.
S’il en était autrement
Je l’aurais pris entre mes doigts
Afin de le jeter au loin
Jusqu’à ce que le mois d’Août passe
Ou jusqu’à ce que l’automne poigne.
Je le lâcherai alors d’entre mes doigts
Pour que je me délecte un peu des saisons.
Que la pluie tombe intensément sur le désert de Nevada
Ou que je prenne un bain de soleil en Alaska.
La main
Qui avait retenu le soleil
N’était pas la mienne
Mes rêves sont plus petits encore.
Aussi n’ai-je pas perçu le bel âge s’en allant vers sa vieillesse.
Ni l’enfant ayant manqué de jouer dans le patio de son enfance.
Je ne me suis pas enquis des anges arpentant mes pas
Et je me suis dirigé vers l’enfer.
Je n’ai pas eu conscience de la vie me regardant par-dessus mon épaule
Et j’ai fraternisé avec les morts.
Je ne me suis pas enquis des aveugles m’indiquant
La voie menant au paradis
Et j’ai perdu le chemin
Vers moi-même.
Aussi
Mes rêves étaient-t-ils ternes
Comme leurs protagonistes.
Ils se lèvent discrètement de mon sommeil afin de tisser d’autres vies.
Ils construisent des nids et les remplissent de petits-fils.
Ils marchent dans les manifestations des ouvriers
Ils portent les leaders sur leurs épaules
Ils jouent au tiercé.
Et scandent l’hymne national
Certains d’entre eux vont en prison
D’autres parmi eux éjectent la révolution par la fenêtre
Certains d’entre eux entrent au paradis
Et d’autres en enfer.
Lorsque
Je me réveille
Ils revendiquent le rêve personnel
De leur sommeil se lèvent d’autres protagonistes
Avec d’autres rêves
Ternes
Et très denses
Pareils à la barbe
De Karl Marx.
Recueil « Les Rêves de McLuhan », Hassan El Ouazzani
Traduit de l’arabe par Abderrahman Tenkoul
Les femmes du métro
Ici
Précisément
Sous terre
Le métro passe sa vie
Ses amis seuls
Le saluent
A chaque passage
Puis s’en vont hâtivement à leurs affaires.
Dans ses entrailles
S’enchevêtrent des récits et des défaites éphémères.
Une femme allant à un rendez-vous galant
A l’autre bout de la ville.
Une femme
Lisant le journal du métro
Et lançant discrètement des regards
A elle-même.
Une femme
Ayant un rendez-vous avec un patron de travail
Et des rêves différés.
Une femme
Ayant raté sa station
Pensant au rendez-vous qu’elle a manqué
Et aux rendez-vous de la vie qu’elle avait perdus.
Une femme
Ayant la cinquantaine
S’amusant avec ses doigts
Et fixant profondément
La nuit à travers la vitre
A la recherche d’un point de lumière.
Une femme
Lisant le livre de l’horoscope
A la recherche d’une humeur meilleure
A travers le signe du Verseau.
Une femme
Finissant son maquillage
S’illusionnant
D’avoir un rendez-vous d’amour
Avec quelqu’un.
Une femme
Lisant le roman « Onze minutes »
Et imaginant
A une fin heureuse
Avec un amant virtuel
A l’aéroport d’Orly.
Une femme
Ne lisant
Et ne faisant rien.
Elle réfléchit seulement
A l’arrivée
De la station à venir.
Une femme
N’ayant l’intention de descendre
A aucune station.
Une femme
Contemplant la carte de métro
Et se distrait à compter les stations.
Une femme
Regardant un homme
A son insu
Qui regarde
Discrètement une autre femme
Une femme
Cherchant dans les pages du mariage son numéro de téléphone
Et rêvant d’un compagnon
Qui partagerait avec elle
Le reste du temps
Qu’elle a perdu
A trop chercher dans les pages
Du mariage.
Une femme
Qui surfit de la couverture
Du roman Anna Karénine
Que tient la main d’un homme
Pensant
A une fin meilleure pour le récit
Et à une certaine justification de l’adultère.
Une femme
Qui ne s’enquiert de personne
Espérant si seulement
Que le métro
L’emmenait à la fin du monde
Là où il n’y a personne
Recueil « Les Rêves de McLuhan », Hassan El Ouazzani
Traduit de l’arabe par Abderrahman Tenkoul
Douce méditerranée
Un souffle léger vous réveille
Un petit matin d’été
Un sourire d’arc-en-ciel
Un tendre parfum
Fleur d’oranger,
Jasmin
Douceur Méditerranée…
Quelques rayons de soleil
Rendent grâce à toute beauté
Regards
Tantôt miel,
Tantôt azurés…
Et le soir tombant
Des senteurs de romarin
Vous bercent dans les bras de Morphée
Sous les étoiles
D’une douce Méditerranée
Recueil « Ma Vie un Voyage », Safae Sijilmassi Idrissi
Konya
Étrange
Comme dans un rêve,
Je reviens à Konya
Sur les pas du Soleil
Je reviens chercher une paix intérieure
Croisée il y a tout juste douze mois,
Lors d’un fabuleux Sema
Ici à Konya.
Je reviens trouver
Tout simplement
Mon « Moi » chez « Toi ».
Oh Rûmi !
Toi, le poète
Le fin érudit,
Tu surgis dans ma vie
Telle une philosophie
Tes mots me touchent au plus profond de moi…
Oh toi Rûmi !
Qui a prêché l’Amour,
Avec un grand « A ».
Toi qui as fait de la tolérance
Une douce poésie
Et qu’à travers les âges l’on chante
Encore aujourd’hui.
Oh toi Rûmi,
Prends ma main !
Et guides mon chemin,
Mes pensées,
Mes peurs et mes peines,
Quelques fois insensées !
Insensée est la vie,
Lorsque la foi et l’humanité
Ne vont plus de paire…
Je voudrais tant t’accompagner
Dans ce voyage insolite.
Je serai ta disciple
Je tournerai les pages de ma vie,
A la recherche de l’essence
De l’existence…
Oh toi, Rûmi !
Prince, fin poète,
Mille mercis.
Tes paroles chantées,
Enchantent encore les esprits
L‘espace d’un instant
Où le temps s’arrête…
Le Sema commence
Et mon esprit vagabonde
Au rythme des battements de ma foi
Qui est là
Recueil « Ma Vie un Voyage », Safae Sijilmassi Idrissi
- 29 vues