Le livre en fête à Budapest...
non, le livre est encore bien vivant sur les rives du Danube!
Décidément, le printemps et l’été siéent tout particulèrement à Budapest: soleil assuré, terrasses bondées, défilé ininterrompu de touristes et jolies filles sur le Corso. Bref, le Nirvẫna. Au prix d’une forte chaleur, certes, mais tempérée par une légère bise bienvenue, véhiculée par le Danube. Et puis, c’est l’époque des animations diverses dont Budapest regorge: marchés d’artisans, fêtes de la palinka, goulache-parties, festivals de musique, etc.
De toutes ces manifestations, l’une mérite plus particulièrement d’être citée. La Semaine du Livre. Organisée depuis 1929 sur une idée née deux ans plus tôt de l’Assemblée des Éditeurs et Libraires, cette manifestation en est aujourd’hui à sa 86ème édition. A laquelle s’est jointe voici peu une Semaine du Livre d’enfants. Organisée également dans plusieurs villes de province, c’est, à Budapest, sur la belle place centrale Vörösmarty qu’elle se tient (*).
150 stands, plus de 300 nouveautés, bref pas de quoi s’ennuyer. Mais, ce qui - au-delà des centaines, voire milliers d’ouvrages que l’on peu y consulter - en fait tout le charme est son caractère festif et convivial. Une véritable fête où se côtoient dans une atmosphère bon enfant grand public, écrivains, éditeurs, artistes, et musiciens. Car, outre l’exposition en soi, les animations se relaient non stop sur deux scènes alternant débats publics, tables rondes, interviews et ensembles musicaux. Mais le plus touchant est d’y retrouver tous ces écrivains sagement assis devant les stands pour y dédicacer leurs ouvrages. Et pas n’importe qui, mais une belle brochette avec les plus illustres d’entre eux, qui se prêtent bien volontiers au jeu, prenant même plaisir à échanger quelques paroles avec leurs visiteurs.
Et puis cette foule calme, paisible qui défile lentement le long des stands. Ici pas de distinction sociale: tous milieux et tous âges confondus. En cette époque où l’on se pose parfois des questions face à l’emprise d’internet et des médias audio visuels, voilà qui rassure. Car, indiscutablement, cette Semaine du Livre remporte à chaque édition un large succès et je donne à parier que la fréquentation ne va pas baisser cette année.
Certes, il ne s’agit pas ici de descendre en flammes internet dont nous avons tous besoin et sommes largement tributaires. Mais j’avoue qu’au-delà de son contenu, le livre en tant qu’objet me demeure indispensable. Un rapport physique irrationnel et inexplicable, mais dont je ne saurais me passer. Le tenir entre ses mains, en sentir l’odeur, en tourner les pages. Voire le choyer et en panser les plaies. Le savoir à ses côtés sur la table de chevet. Et puis, pouvoir le feuilleter à l’envi en le rouvrant au hasard ici ou là sur tel chapitre, tel passage. Un plaisir qui ne fait que renforcer ce lien privilégié, intime, que l’on ressent avec son auteur, ses héros.
Un sentiment qui en fait beaucoup sourire et suscitera des railleries, mais dont je sais néanmoins qu’il est partagé par la majorité, telle cette foule si sympathique avenante, ouverte et curieuse, croisée entre les stands.
Non, grâce à Dieu, le livre n’est pas mort et ce n’est pas encore demain que l’on chantera son requiem !
Pierre Waline
(*): „86. Ünnepi Könyvhét és 14. Gyermekkönyvnapok”, 4-6 juin
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