Le label d’excellence du Lycée Kölcsey

Le label d’excellence du Lycée Kölcsey

Rencontre avec M. Eric Fournier, Ambassadeur de France en Hongrie

LabelFrancEducation a décerné le label d’excellence au Lycée bilingue Kölcsey pour sa réussite dans l’enseignement du français. Le plurilinguisme est l’enjeu du XXIe siècle. Informer nos lecteurs des résultats de l’enseignement du français, langue porteuse de valeurs universelles, est important pour notre Journal Francophone.

M. Eric Fournier, Ambassadeur de France en Hongrie a bien voulu nous accorder une interview après le dévoilement de la plaque d’excellence.

 

JFB : Vous venez d’inaugurer, Monsieur l’Ambassadeur, une plaque de LabelFrancEducation qui honore le travail pédagogique du corps d’enseignants du lycée Kölcsey de Budapest. Que représente cette distinction ?

Eric Fournier : Cette plaque est un symbole. Laurent Fabius qui a signé la reconnaissance de la qualité du Label Education en mars dernier, m’a donné pour mandat lorsque j’ai pris mes fonctions ici, de soutenir la francophonie et j’aurai le plaisir de présenter dans quelques jours à Paris le plan d’action de l’ambassade qui inclut un soutien à la francophonie et aux institutions qui défendent les valeurs de la francophonie. Donc cette action est tout à fait en conformité avec les instructions qui m’ont été données par le ministre.

Je sais que la formation dans ce lycée est très bonne, comme il y a dans le gouvernement hongrois et au Ministère des Affaires Etrangères en particulier des anciens élèves de ce lycée. Parmi les lycéens d’aujourd’hui il y aura peut-être une collaboratrice d’un de mes successeurs. Naturellement les élèves du lycée peuvent trouver de l’emploi de qualité à l’issue de leurs études.

JFB : Le plurilinguisme en général et le rôle de la langue française en particulier est un enjeu du XXIe siècle – comme Hervé Bourges en parle dans son dernier livre.

Eric Fournier : Je crois que la langue française n’est qu’un vecteur, elle sert de support. Il ne faut pas oublier. Aujourd’hui il y a une vitalité de la recherche philosophique, de la recherche en histoire, en géographie et en sciences politiques qui démontre qu’il y a une volonté de réformes, volonté d’épanouissement aussi dans cette langue qui est portée par des écrivains qui connaissent un succès toujours plus grand et je pense aux gens aussi célèbres que Delphine de Vigan ou Silvain Tesson, Michel Houellebecq, Modiano, prix Nobel de l’année dernière et bien d’autres qui sont tous d’extraordinaires promoteurs de la langue française mais surtout de cette idée que j’ai développée tout à l’heure dans mon discours, selon laquelle la liberté, la liberté d’expression est essentielle et consubstantielle à notre existence. Et c’est cela le message que portent les écrivains aujourd’hui, que porte la jeunesse aujourd’hui : nous parlons français pour défendre la laïcité, pour défendre la science, pour défendre la raison, l’héritage qui nous a été donné par les scientifiques de toute l’Europe, et pas seulement de France, les scientifiques de toute l’Europe qui croyaient que la science était l’avenir de l’humanité.

JFB : Vous avez évoqué le principe de la tolérance dans votre discours. Quelle est son importance dans l’éducation, dans l’enseignement de la langue française ?

Eric Fournier : La tolérance, le rôle de la tolérance est effectivement une façon de montrer que nous sommes respectueux des autres, mais que nous attendons que les autres soient respectueux de nous. La tolérance c’est réciproque. Ce que j’ai voulu dire que nous ne pouvons pas accepter que certains fanatiques, que certains fascistes – pour employer des mots très forts, mais qui ont leur sens – luttent contre notre civilisation, contre notre conception du monde. La tolérance a – elle aussi – ses limites et qui sont celles de notre liberté. Nous ne pouvons pas accepter qu’un certain nombre d’individus portent atteinte à notre conception de la liberté. C’est ça aussi cela, la langue française.

JFB : Au lendemain des attentats de Paris, vous avez parlé devant l’Institut Français, où les budapestois venaient se recueillir. Quel était votre premier sentiment en apprenant les tragiques nouvelles ?

Eric Fournier : Mon premier sentiment que l’on a beaucoup trop tardé à interdire les prêches de la haine, les prêches de l’intolérance et qu’il est vraiment temps de mettre terme à cette expression néo-fasciste que l’on voit dans certaines banlieues et certains territoires de la République où les valeurs de la laïcité, le respect de l’autre ne sont pas respectés. C’était la première expérience qui, je crois, est partagée par 99 pourcents de l’humanité d’aujourd’hui, c’est-à-dire : respectons le droit d’expression de chacun.

JFB : Avez-vous vous-même rencontré cette espèce d’intolérance lors de votre carrière avant, par exemple lorsque vous étiez en poste au Pakistan ?

Eric Fournier : Pas du tout, parce qu’à l’époque – à la fin des années 80 – où j’étais au Pakistan, il y avait une très grande tolérance à l’égard de l’autre, et il y avait une liberté d’expression beaucoup plus grande pour les chrétiens, pour les juifs, pour les chiites et sunnites. Malheureusement un certain nombre d’extrémistes ont porté atteinte à cette liberté-là, mais qui était une liberté qui prévalait à l’époque dans l’ensemble du sous-continent indien d’ailleurs où j’ai passé de nombreuses années. A New Delhi, à Islamabad ou à Téhéran, dans les pays où la liberté de pensée était beaucoup plus grande, et aujourd’hui je pense que ces pays se rendent compte qu’il est important de continuer à défendre cette liberté d’expression.

JFB : Une toute dernière question : Quelle était votre première impression lorsque vous êtes arrivé à Budapest ?

Eric Fournier : J’avais le sentiment d’être au cœur de l’Europe.

Propos recueillis par Eva Vámos et Joël Le Pavous

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