Le futur visage de Budapest

Le futur visage de Budapest

Quels projets architecturaux pour la capitale hongroise ?

 

Frédérique Lemerre

 Comme toute capitale du XXIe siècle qui se respecte, Budapest rêve d'accueillir des projets architecturaux d'avant-garde. Ceux de la célèbre architecte anglo-irakienne Zaha Hadid ou du Néerlandais Kas Oosterhuis contrastent avec une approche parfois très conservatrice de la préservation du patrimoine.

 

Si les projets architecturaux ambitieux ne manquent pas à Budapest, ils sont trop souvent remis en question pour que l’on s’enthousiasme trop vite sur les aménagements audacieux que nous promet la capitale hongroise.

Rappelons-nous le projet abandonné du quartier gouvernemental, des architectes Péter Janesch et Kengo Kuma, ou encore ce concours international lancé par l’entreprise Orco pour l’aménagement de plusieurs espaces à Budapest. Il avait été remporté, entre autres, par l’architecte française Manuelle Gautrand pour son projet de transformation du Divatcsarnok sur l’avenue Andrássy. Le KÖH (Office National de Protection du Patrimoine) en aura finalement décidé autrement en refusant de valider le projet, exerçant ainsi un véritable droit de veto.

Le KÖH est en effet un organisme au fonctionnement quelque peu opaque dont on entend souvent dire, dans les milieux avertis, qu’il est au-dessus des lois. Il peut ainsi faire obstacle à un projet sans même avoir à se justifier. On peut sans doute y voir l'une des raisons pour lesquelles il n’existe pas encore à ce jour d'architecture contemporaine digne de ce nom à Budapest...

Or, si Orco a dû se résoudre à abandonner le projet de Manuelle Gautrand (l'immeuble sera finalement aménagé en bureaux classiques), qu’en sera-t-il du projet Váci 190 de Hani Rashidot? Et de celui de Zaha Hadid, Szervita tér? Tous deux également commandés par ORCO.

En ce qui concerne ce dernier projet, les choses sont en bonne voie nous assure l’attaché de presse de l’une des architectes les plus en vue à l’heure actuelle – Zaha Hadid est en effet la première femme à avoir obtenu le prestigieux prix Pritzker, en 2004. Si la majeure partie de son œuvre reste théorique (ce fut le cas des vingt premières années de sa carrière), elle a notamment réalisé l'usine BMW à Leipzig, le nouveau tremplin de saut à ski d'Innsbruck, l'Opéra de Cardiff ou encore le pavillon Mobile Art de Chanel, un musée ambulant d'art contemporain. Son style se caractérise par une prédilection pour les entrelacs de lignes tendues et de courbes, les angles aigus et les plans superposés, contrairement pourtant au projet de Szervita tér, tout en rondeur et en transparence. Mais plus qu’un building, ce projet ambitionne de transformer entièrement la place en créant un environnement urbain destiné non seulement aux usagers du bâtiment (qui a vocation à accueillir des bureaux et des commerces), mais aussi aux habitants.

La proposition de Zaha Hadid consiste notamment à concevoir l'espace public en même temps que le bâtiment dont il est en quelque sorte le prolongement en contrebas, comme une zone ouverte et perméable. Si les deux espaces se complètent ainsi harmonieusement, Szervita tér offre en outre la possibilité de voir se côtoyer avec justesse des architectures de différentes époques. Ce projet cherche à mêler tradition et modernité, en préservant un paysage urbain existant, tout en créant quelque chose de nouveau et d'innovant.

C'est dans le même esprit qu'un autre projet ambitieux devrait voir le jour le long du Danube, dans le parc Nehru. Il s'agit du CET-Közraktárak de l'architecte Néerlandais Kas Oosterhuis (ONL), dont la construction est prévue pour 2010.

Il s'agit d'un projet dit de PPP (Public Private Partnership). La mairie de Budapest, propriétaire du terrain et des deux anciens entrepôts qui s'y trouvent, a lancé un appel d'offres pour la réhabilitation de ce complexe. Appel d'offres remporté par Porto Invest. – une compagnie off shore établie à Malte –, à laquelle la mairie cède donc le terrain pour une durée de 25 ans en contrepartie de la construction du CET, projet estimé à 8 milliards de HUF.

Lieu à vocation culturelle (avec notamment une salle de spectacle) et commercial, le CET a la forme d'une bulle, qui reliera les deux bâtiments en brique existants et se prolongera bien au-delà pour créer un seul et même volume, comme une baleine échouée sur les bords du Danube (CET signifie Central European Time, mais fait aussi référence au cétacé dont il rappelle la forme). Le revêtement, qui fonctionne comme une peau recouvrant la structure du bâtiment, enveloppe un espace construit sur plusieurs niveaux. Elle enveloppe tout d'abord les toitures des bâtiments existants, adoptant les mêmes angles notamment, avant de se déployer dans l'espace, tout en rondeur. Cette "peau" est comme tendue sur la structure porteuse, construite en acier et recouverte de vitraux et de surfaces en aluminium (qui ne sont pas sans rappeler des écailles).

Les réalisations de Kas Oosterhuis, chantre de l'architecture dite "non standard", ont notamment ceci d'original qu'il utilise des technologies de pointe avec en particulier la fabrication via CNC (Computer Numerical Control), capable de produire 1000 pièces différentes pour un coût équivalent à 1000 pièces identiques. Cette technologie sera ainsi utilisée pour la réalisation de l'enveloppe du CET, dont chaque élément de la structure est unique. Le bureau d'architectes ONL vient de remporter le BIM (Building Information Modeling) Experience Awards (en octobre 2008) pour la conception de ce projet. Ce sera en outre un chantier unique car le montage de la structure va se réaliser sans échafaudage, la forme servant de base à sa propre élévation.

 

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