Le compromis du modèle d’assurance santé en Hongrie

Le compromis du modèle d’assurance santé en Hongrie

 

Le 1er juillet 2007, les partenaires de la coalition ont pris la décision de supprimer la Caisse d’Assurance Santé Nationale (l'OEP) qui fonctionnait depuis 116 ans déjà, et ont élaboré un nouveau modèle d’assurance maladie. Tout le monde consent que les réformes de la santé publique en Hongrie sont nécessaires. La transformation du régime d’assurance intrigue cependant non seulement l’opposition, mais aussi de nombreux autres participants de la sphère publique.

Avec la création de l’OEP, le modèle d’assurance bismarckien a été remplacé par une assurance concernant la totalité de la société et couvrant chaque citoyen. En même temps, la question se pose de savoir si l’OEP est un vrai système d’assurance. L’expression « caisse d’assurance santé » est basée, au sens originel, sur l’égalité des risques des membres, c’est-à-dire que les contribuables sont libres de décider s’ils sollicitent les services proposés par ce régime d’assurance ou non. En Hongrie, l’appartenance à l’OEP est en revanche obligatoire pour chaque citoyen hongrois, ce qui signifie qu’en 2006, la couverture des frais médicaux de la population (soit 10,1 millions de personnes) aurait dû être assurée par les 3,7 millions de contribuables.

Jusque-là, dans le domaine de la santé publique, le rôle principal appartenait à l’Etat tant au niveau de l’assurance qu’à celui du financement et des services. Chaque année, l’Etat se voit contraint de compléter le budget de la caisse d’assurance et les sommes sont de plus en plus considérables – le Fonds d’Assurance Santé géré par l’OEP ayant un budget annuel de 1100 milliards de HUF. A long terme, cette politique n’est plus tenable, non seulement parce que la santé publique est un des domaines les plus pesants du point de vue du déficit budgétaire, mais aussi parce que le financement du déficit de l’OEP ne favorise pas pour autant l’efficacité de son fonctionnement.

Nous ne devons toutefois pas oublier que le régime de l’OEP et de la sécurité sociale est, en principe, un système d’assurance santé solidaire et équitable. Tout en étant réaliste, nous devons en même temps avouer que les principes de la solidarité et de l’équité ne se font valoir qu’en théorie surtout. La « tradition » de glisser des enveloppes au personnel et les différences évidentes parmi les services médicaux offerts dans certaines régions du pays montrent très clairement que les différences des soins existent même au sein d’un tel régime de sécurité sociale sans toutefois prendre une forme institutionnelle.

Les réformes du régime d’assurance santé ont été entamées suite à l’accord du 1er juillet 2007 entre le Parti socialiste hongrois (MSzP) et le Parti libéral (SzDSz). Dans un premier temps, il n’y aura aucun changement dans le régime de la sécurité sociale car l’OEP sera remplacé par cinq à huit caisses d’assurance santé obligatoires. Les citoyens ayant droit aux soins, pendant une période donnée, sont libres de choisir parmi elles, et s’ils ne le font pas, ils seront enregistrés auprès de la caisse régionale. C’est-à-dire que chaque ayant droit reste assuré et que les traitements seront toujours garantis au plus grand nombre. En même temps, suite à la proposition du Parti libéral, l’enregistrement régional suivra une période de concours entre les caisses différentes. Dans les termes de ce compromis, la participation des investisseurs et des caisses d’assurances privées ne peut pas dépasser les 49% au sein de ce modèle d’assurance santé. Ce régime devra entrer en vigueur dès 2009, après la disparition de l’OEP, prévue pour 2008.

Il y a cependant quelques problèmes qui peuvent enfreindre la qualité des services et le principe de l’équité. Ainsi la formule de base (comprenant les services offerts) n’est pas définie, ce qui permet aux dirigeants de chacune des caisses de la réduire dans la plus grande mesure possible. Ce rétrécissement sera d’ailleurs inévitable, car les caisses devront servir les intérêts des co-propriétaires privés, et donc réaliser des bénéfices. La limitation de l’accès aux services, c’est-à-dire l’allongement des files d’attentes, peut également mener à une diminution des frais. Ce compromis ne mettra cependant pas fin à la pratique du «pourboire» et continuera ainsi à favoriser les couches sociales les plus aisées. Or, même si l’Etat ne renonce pas à la gestion des hôpitaux, leur marge de manœuvre augmentera suite à leur reconversion en sociétés commerciales. Ce processus est déjà en cours dans nombre d’hôpitaux, toutefois les assemblées municipales ayant une majorité de conseillers Fidesz votent à chaque fois contre les propositions de reconversion. Les manques de ce modèle, qui concernent avant tout le principe d’équité, ne tarderont pas à apparaître au niveau régional également, parce que les caisses régionales n’auront pas intérêt à investir dans le développement, à court terme au moins. Or, les sommes importantes censées éventuellement couvrir l’augmentation des effectifs devraient être compensées par la diminution des frais dans un autre secteur, ce qui est impossible à réaliser.

Le fait que les citoyens soient libres de choisir la caisse d’assurance à laquelle ils cotisent peut mener à un phénomène de sélection: une situation où la partie bien portante – et représentant le moins de risques – de la population peut se permettre de contracter une assurance, tandis que les malades – représentant plus de risques – se voient en marge de ce système avec leur enregistrement automatique. Il est également inquiétant que certaines caisses d’assurance bénéficieront éventuellement d’une liberté absolue au niveau des contrats concernant les services, par conséquent le niveau et la qualité du traitement de la même maladie pourront être différents en fonction de l’assuré.

Les aspects énumérés ci-dessus restent à mieux peser, et le Fidesz se fait le relais de l’opinion publique quant à cette réforme. La contradiction entre le principe de l’efficacité et de celui de l’équité n’est pas le produit du hasard : tandis que ce dernier subira inévitablement des pertes, il n’y a rien qui puisse garantir l’efficacité du fonctionnement du nouveau régime. Le Parti libéral voit l’efficacité assurée par la participation du secteur privé, il reste cependant à savoir si cela sous-entend seulement une réduction des dépenses ou bien l’amélioration des services offerts aux patients aussi. Le régime à introduire en Hongrie est unique mais, comme le montre aussi l’exemple slovaque, aucun nouveau modèle de financement ne peut être mis en vigueur sans difficultés.

Les résultats de l’introduction de ce nouveau régime, basé sur le compromis, sont donc encore incertains : un grand échec est tout aussi possible qu’un énorme succès. Une seule chose est sûre : le Fidesz a promis qu’en cas de victoire aux élections de 2010, la réforme de la santé publique sera annulée dans sa totalité.

Pál Plánicka

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