Le Balaton: un charme irrésistible ...
(mais trompeur....)
Les Romains l’appelaient le „lac plat” (lacus pelso), appellation reprise par les Allemands et les Autrichiens (Plattensee). Son nom viendrait du vieux slave „blato” qui signifie „vase, marécage” et c’est ainsi que le nomment les Slaves du Sud („Blatno jezero”). Les Hongrois, quant à eux, le qualifient volontiers de „mer hongroise” et se plaisent à lui conférer le diminutif affectueux de „balcsi” [pron. „bâltchi”]. Une appellation de „mer hongroise” non usurpée, tant il est vrai que, moyennant un minimum d’imagination, on pourrait par moments s’y croire au bord d’une mer.
Classé „plus grand lac d’Europe”, d’extrême justesse devant le Léman (594 contre 581 km2) (1), le Balaton offre grosso modo les mêmes dimensions (75 x 14 km), avec toutefois une configuration légèrement différente due à son partage en deux bassins. Mais, plus que sa taille, c’est la qualité très particulière de son eau qui en constitue le principal attrait. Une eau douce et acaline déjà appréciée par les Romains. Le lac est peu profond (2) et offre un fond vaseux. C’est précisément cette vase, très légère, répartie en fines particules en suspension dans l’eau, qui lui confère cette douceur soyeuse et cette couleur turquoise très particulières que nous lui connaissons. De plus, cela vous porte quand vous nagez et est excellent pour la santé. Une eau offrant par ailleurs des températures idéales, sa faible profondeur en favorisant le réchauffement. Y contribue également ce climat tempéré très particulier qui caractérise sa région. Orienté d’est en ouest (3), le lac se trouve protégé des courants du nord par les collines qui bordent sa côte septentrionale, de sorte que „ouverte du côté sud, sa nappe d’eau reçoit le premier baiser du soleil, baiser qui durera jusqu’au soir.” (Gyula Illyés).
Le Balaton séduit par son site. Côté rive nord, des berges découpées en petits massifs volcaniques isolés, aux formes parfois surprenantes, jamais ennuyeuses, dont les pentes, couvertes de vignes, sont tachetées de chaumières aux murs blanchis à la chaux. Des pentes douces tapissées de vignes, déjà exploitées par les Romains. Et un bel ensoleillement ! Sa côte sud est le paradis des familles et des enfants en raison de la faible inclinaison de sa pente qui permet de s’avancer loin sans perdre pied. Sans parler de l’arrière-pays, notamment le parc national du bassin dit de Káli, qui se déploie derrière sa rive nord, où foisonnent auberges et maisons basses au toit de chaume et murs blanchis. Et, toujours sur la rive nord, le promontoire (presqu’île) de Tihany coiffé de son abbaye baroque dont la crypte remonte aux premières années de l’histoire du pays (1055), choisi pour être la sépulture des premiers rois (4).
Le paradis des estivants, nous dira-t’on ? Certes. Sauf ... quand notre cher Balcsi retombe dans ses caprices et se reprend à vous jouer ses vilains tours des mauvais jours. Il n’est pas un été - et l’actualité récente ne fait que le confirmer – où il ne réclame son lot de victimes. La raison: sa faible profondeur, précisément, qui en rend la surface tumultueuse au premier coup de vent, à l’arrivée du premier orage. Et ... endort les soupçons. Des tempêtes qui se lèvent généralement en quelques minutes et ne laissent pas aux embarcations éloignées le temps de regagner le rivage. Mais des tempêtes toujours annoncées suffisamment à l’avance par des services extrêmement vigilants et bien équipés. Le problème provient du fait que son apparence calme endort la vigilance des estivants. Au moment du dernier orage, de nombreux baigneurs restèrent dans l’eau en dépit de leurs mises en garde, au point que la foudre tomba près d’une baigneuse, réanimée de justesse ! Le Balaton n’est pas la Bretagne., certes, mais on devrait n’en être que plus méfiant !
Mais avouons que, malgré ses dangers, le lac Balaton présente un charme fou auquel il est bien difficile de résister. Encore un attrait et une originalité (toujours liée à sa faible profondeur): le spectacle de sa surface gelée en hiver. Outre la beauté du spectacle, ce phénomène offre l’occasion de pratiquer un sport inédit: le char à voile sur glace. Et, pour couronner le tout, l’attrait de ses vins (blancs secs, fruités) et de sa cuisine, notamment avec ce poisson national, le sandre, que les Hongrois savent si bien apprêter. Des spécialités que l’on dégustera dans ces auberges au toit de chaume essaimées sur les pentes de ses collines ou au bord de l’eau aux terrasses de ses nombreux restaurants. Autant de raisons pour venir goûter les charmes de cette région, probablement unique en Europe.
Pierre Waline
(1): Europe du Nord exceptée
(2): 3-4 mètres en moyenne (... contre 150 au Léman!)
(3): Est-Nord-Est/Ouest-Sud-Ouest
(4): une rive nord préservée du fait qu’elle ne fut pas occupée par les Turcs, le lac servant précisément de frontière entre les parties du pays contrôlées par l’Autriche (nord-ouest) et l’empire ottoman (est et sud, de 1526 à 1686).
Photos : Csilla Katona (2,3) et Pierre Waline (1)
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