L’autoroute du Soleil

Même si tous les goûts sont dans la nature et qu’il y a des gens qui préfèrent Budapest ou Sopron, une vaste majorité de personnes d’origines et d’opinions différentes s’accordent à penser que Pécs est la plus belle ville de Hongrie.

Pécs, ville européenne de la culture en 2010 n’est pourtant pas dans une situation économique florissante et ce, pour une raison bien précise : l’absence d’autoroute.

Comme il se doit, le gouvernement a décidé depuis longtemps de résoudre le problème, mais construire une autoroute est un processus long et financièrement douloureux.

Pour construire une autoroute, il faut d’abord décider du tracé. Comme le réseau hongrois fait partie d’un tout européen (comme le soulignait naguère M. Morin : on n’échappe pas à la systémique) il faut en tenir compte. Ainsi, la M6 faisant partie du couloir de circulation Helsinki V/C, Gdansk-Ploce qui relie la Baltique et l’Adriatique, les points à relier sont clairs. Entre les points principaux, il faut faire pratique et le moins cher possible. Même si les Hongrois, contrairement aux Français, n’ont pas fait de la contestation un sport national, les expropriations pour cause d’utilité publique prennent du temps. Le Parlement vient de voter celles du tronçon Szekszárd - Bóly M6 (49 km) et de la section Bóly - Pécs M60 (30 km).

Les acquisitions ont déjà commencé. Ce sera un programme de concession en partenariat et l’on connaîtra les heureux élus en juin.

M60 Bóly - Pécs, est donc une bifurcation, la M6 continuant (sur les plans) vers la Croatie.

La construction devrait commencer cet hiver et se terminer en 2010. La construction de la section entre Dunaújváros et Szekszárd commencera l’année prochaine et sera aussi prête pour mars 2010. Comme ce sera l’année des élections législatives, vous pouvez compter sur le gouvernement pour mettre la pression aux constructeurs ! A l’occasion d’une conférence de presse, János Kóka, qui est le ministre concerné du fait de son double portefeuille, a annoncé qu’en totalité Dunaújváros - Pécs coûterait 200 milliards de forints; comme les budgets de travaux publics sont toujours très optimistes on peut subodorer que ce sera probablement beaucoup plus. Ce coût prévisionnel est déjà élevé, mais les difficultés de construction sont innombrables (et l’on peut parier que certaines sont encore inconnues, le BTP est un monde plein de surprises géologiques de dernières minutes, les ingénieurs de ce secteur devraient avoir le Prozac gratuit !). Il faut construire 9 viaducs. (7 viaducs entre Szekszárd et Bóly, 2 viaducs entre Bóly et Pécs). Le premier viaduc est déjà en construction, ainsi que 12 km d’autoroute sous la responsabilité d’un consortium formé par Hídépítö et Strabag, et pour un coût de 74 milliards de forints.

Selon le projet initial il y aurait également 4 tunnels sur le tracé de la M6, mais pour réduire les frais on essaye de trouver d’autres solutions. L’ensemble du projet ayant déjà trois ans de retard, il faudrait les trouver assez vite ! Pour la section qui part de Dunaújváros les expropriations ne sont pas encore autorisées, mais la construction sera plus simple.

Comme souvent au cours de travaux publics, pour la plus grande joie de tous ceux qui ne travaillent pas sur le projet, on a trouvé des tas de choses, uniques et précieuses, au cours des travaux préparatoires. Ainsi fut découverte la tombe d’un chef de tribu “lengyeli” (c’est du néolithique en gros, plus de 7000 ans avant le ipod). Les Lengyeli, comme leur nom l’indique, sont des gens qui vivaient sur le site actuel de la commune de Lengyel et dont on a découvert l’existence au XIXe siècle. On a aujourd’hui mis la main, dans les environs de Bátaszék, sur ce qui devrait être le plus grand cimetière préhistorique connu en Europe. Bien entendu, protection du patrimoine culturel de l’Humanité oblige, on a organisé des fouilles (qui devraient durer jusqu’en septembre) et mis à jour plus d’un million de ces choses qui font pousser des cris de ravissement aux archéologues.

L’histoire de la M6, comme toutes les bonnes histoires, est donc pleine de rebondissements, espérons qu’elle se terminera bien !

Gaël Martial