L’argent de l’Europe
«Fonds structurels, perspectives financières, aides régionales, contributeurs nets, chèque britannique …» tous ces mots du jargon communautaire nous sont familiers sans que l’on comprenne très bien ce qu’ils veulent dire précisément. Ils ont tous un point commun, ils sont liés à l’argent de l’Europe, un thème pas toujours transparent pour l’opinion publique, presque tabou. Risquons-nous à dresser un petit tableau des finances européennes. D’où vient l’argent qui rentre dans les caisses de Bruxelles ? Et où va-t-il ?
D’où vient l’argent ?
L'Union européenne (UE) ne prélève elle-même aucun impôt. Ses recettes sont composées essentiellement de ressources propres auxquelles viennent s'ajouter des recettes diverses.
A l’origine de la Communauté économique européenne (CEE), les 6 pays fondateurs (France, Allemagne, Italie, Benelux) ont aboli les droits de douane entre eux. Les caisses de la Communauté étaient donc alimentées uniquement par les droits de douanes récupérés aux frontières extérieures. La première recette du budget de l’actuelle Union européenne est donc toujours constituée par les droits de douane perçus sur les importations dans l'UE de produits en provenance de pays tiers auxquels on ajoute les taxes sur les importations de produits agricoles couverts par la politique agricole commune (environ 15% des recettes).
Au fur et à mesure que s’est élargie la CEE, l’argent des droits de douanes n’était plus suffisants. On a alors perçu un taux uniforme, dans tous les Etats membres, de leur TVA. C’est la deuxième recette du budget aujourd’hui (environ 15% des recettes).
Enfin, une contribution de chaque Etat membre a été calculée sur sa part dans le revenu national brut (RNB) communautaire (le RNB remplace, depuis 2002, le PNB ; il représente la valeur de tous les biens et services produits dans le monde entier par les entreprises de l’UE). C’est la troisième recette et la plus importante (environ 70% des recettes).
Les dépenses de l’UE ont crû fortement avec le développement des politiques communes, notamment la politique agricole commune et la politique régionale. Le budget de l’Union européenne s’élève en 2007 à environ 120 milliards d’euros. Cela ne représente pourtant que 1% du RNB de l’ensemble de l’UE. Un budget national, dans un Etat européen, représente plus de 50% du RNB de cet Etat. Dans un Etat fédéral comme les Etats-Unis, le budget fédéral est de l’ordre de 20% du RNB.
Où va l’argent ?
Quand on interroge les Européens sur les dépenses de l’UE, leurs réponses sont étonnantes et très éloignées de la réalité. Deux tiers d’entre eux, par exemple, pensent que l’essentiel des dépenses sont administratives. C’est le mythe du monstre administratif. Pourtant, elles ne représentent que 5% du budget de l’UE alors qu’elles sont de l’ordre de 40% dans une administration nationale ! L’UE compte environ 25000 fonctionnaires pour une population de 500 millions d’habitants. Par comparaison, la mairie de Paris compte 40000 agents à elle seule ! Les équipes de Bruxelles sont donc très limitées et ce n’est pas l’administration européenne qui contrôle les dépenses. Ce contrôle est délégué aux administrations nationales. L’UE ne fonctionne donc pas comme un Etat en matière de budget.
Le plus gros poste de dépense pour l’UE est la politique agricole commune (PAC), représentant pas loin de la moitié du budget. Ensuite, viennent les aides régionales (36% du budget environ). Puis ce sont les dépenses qui concernent la liberté, la sécurité, la justice et la citoyenneté (1% du budget). Et les dépenses liées à l’UE en tant qu’acteur mondial (préadhésion, voisinage européen, aide humanitaire, démocratie et droits de l’homme, politique étrangère et de sécurité commune, coopération au développement…) représentant environ 7% du budget. Enfin, les dépenses administratives (un peu plus de 5%).
La Commission européenne estime les fraudes ou irrégularités à hauteur de 1 à 2 % du budget global de l'Union européenne, tant au niveau des dépenses que des recettes.
Qui donne le plus ?
Qui touche le plus ?
Les Etats mettent souvent en avant leur contribution nette en calculant ce qu’ils versent à l’Union et ce que l’Union leur redistribue, notamment via la politique agricole et la politique régionale. Un Etat membre qui verse plus au budget de l'UE qu'il ne reçoit de l'UE par l'intermédiaire des politiques communautaires est appelé contributeur net au budget de l'UE.
Le Royaume-Uni a ainsi obtenu, en 1984, une ristourne sur sa contribution au budget (le «chèque britannique»), en arguant de sa contribution nette, plus importante que celle des autres Etats. Si cette compensation était sans doute valable en 1984 car le Royaume-Uni était alors moins agricole que ses voisins et plutôt à la traîne économiquement, c’est loin d’être le cas aujourd’hui, le Royaume-Uni s’étant considérablement enrichi dans les dernières années. Pourtant, le Royaume-Uni refuse catégoriquement de négocier son «chèque».
Au travers de ces discussions, apparaît souvent un débat sur la conception de l’intégration européenne :
- une approche fédéraliste avec un budget propre pour l’Union et «une solidarité financière»,
- une approche plus nationale où chaque Etat cherche à recevoir de l’Union un montant comparable à ce qu’il verse au budget, c’est «le juste retour».
Le budget est fixé, chaque année, au terme d’une procédure associant le Parlement européen et le Conseil. Approuvées tous les 6 ans, les perspectives financières encadrent le budget. Elle fixe, année par année, domaine par domaine, les dépenses maximales de l’UE. Elles donnent lieu à d’âpres négociations entres les Etats membres. Les bénéficiaires historiques de la politique régionale (Espagne, Portugal, Grèce, Irlande) se résignent difficilement à perdre les fonds qu’ils recevaient. Les nouveaux Etats membres demandent leur «juste» part de l’aide régionale. Les plus importants contributeurs nets (Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Pays-Bas et Suède) refusent toute augmentation du budget. La France défend la politique agricole commune, laquelle consomme près de la moitié du budget. Le Royaume-Uni refuse toute mise en cause de son «chèque». Dans une Europe à 27, où les décisions budgétaires sont prises à l’unanimité, un accord sur les perspectives financières est particulièrement délicat à négocier !
Pour Sylvie Goulard, présidente du mouvement européen en France, ancienne conseillère de Romano Prodi, intervenant dans une émission de la chaîne télévisée franco-allemande Arte, l’approche comptable est trop limitée. «Lorsque l’on investit dans les régions les plus démunies des nouveaux pays, ce sont souvent nos entreprises qui décrochent les marchés.» On oublie trop souvent de le rappeler. Pour cette spécialiste des affaires européennes qui vient de publier un ouvrage de vulgarisation sur l’Europe, L’Europe pour les nuls (Editions Générales First, 2007), la France a tendance à cacher l’apport financier de l’UE. « Si le système reste opaque, les politiques peuvent continuer à affirmer que tout ce qui est bien, c’est grâce à eux, et tout ce qui est mal, c’est à cause de Bruxelles !».
Les tensions sur le budget, la question des contributions nettes, le débat sur le montant du budget, la nécessité d’une politique économique pourraient déboucher sur un examen complet du système. Il est difficilement envisageable, en effet, de devenir une puissance mondiale en y consacrant seulement 1% de sa richesse. Dans cette perspective, un impôt européen est une hypothèse parfois évoquée. Selon la présidente du mouvement européen, «les choix financiers sont des choix politiques. Pour peser dans le monde, l’Europe doit être organisée pour cela. Il nous faut une loi de finances préparée par la Commission, débattue en recettes et en dépenses par le Parlement européen. Il faut absolument démocratiser le processus de discussion budgétaire européen.»
Carine Palacci
Solidarité entre les Etats membres –
la politique de cohésion de l’Union européenne
Principes de la politique de cohésion :
- Programmation pluriannuelle : L'aide est programmée sur 7 années (2007-2013). Des évaluations ont lieu ex-ante, à mi-parcours et ex-post afin d'ajuster l'aide. Une réserve de performance (4 % des crédits pour chaque pays) est allouée à mi-parcours aux programmes les plus performants.
- Concentration : Les fonds sont concentrés sur des objectifs prioritaires limités aux régions les moins favorisées et dans certains domaines. Pour les objectifs territorialisés, les aides sont attribuées selon une carte des zones éligibles.
- Partenariat : Les actions sont menées en partenariat entre la Commission européenne et les Etats membres (autorités nationale, régionale et locale et partenaires socio-économiques). Le Comité des régions, qui représente les autorités locales et régionales, donne son avis sur la politique régionale mise en oeuvre.
- Additionnalité : Ce principe implique que les fonds européens ne remplacent pas les financements nationaux; ils ne font que les compléter : la règle est donc celle du cofinancement.
CP
Sources : Commission européenne (Politique régionale, Inforégio) ; Toute l’Europe.
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