Á l´affiche à Budapest : Francis Veber et Monsieur Pignon, sauce paprika

Á l´affiche à Budapest : Francis Veber et Monsieur Pignon, sauce paprika

 

„Le placard” au théâtre Thália

Les amateurs de cinéma connaissent vraisemblablement la trilogie de Francis Veber sur les aventures et mésaventures de Monsieur Pignon. Ou du moins en ont-ils eu écho.  Dont „Le placard” avec Daniel Auteuil, Gérard Depardieu et Thierry Lhermitte. Pas un chef d´œuvre, mais un gentil divertissement. Le scénario en gros : menacé de licenciement, le malchanceux Pignon, plaqué par sa femme et boudé par son fils, se trouve au bord du suicide. Mais un ami le remonte et lui suggère une idée qui le sauvera : se faire passer pour homosexuel, rendant du coup son patron - fabricant de préservatifs - suspect de discrimination en cas de renvoi. Traduit en hongrois et adapté à la scène, le Placard est actuellement à l´affiche du théâtre Thália sous le titre „Soyez un homme, Monsieur Pignon !” („Legyen férfi, Monsieur Pignon !”)

Ce n´est pas que nous soyons des fanatiques inconditionnels de Veber, mais nous étions curieux de voir ce que cela donnerait à la scène.  Avec a priori l´avantage de nous en offrir une trame plus resserrée, moins dispersée qu´à l´écran. Sans compter que s´y produisent certains de nos acteurs préférés, de plus, sur une scène réputée de qualité (1).

Une fois n´est pas coutume, c´est l´auteur du texte hongrois, Kornél Hamvai, que nous citerons en premier. Bien plus qu´une simple traduction, il a su admirablement rendre tout le sel de l´original en le truffant de répliques truculentes qui sonnaient fort bien en hongrois, provoquant immanquablement les rires du public.  

Parmi les acteurs, la palme revient à Győző Szabó dans le rôle du chef du personnel Santini, la caricature du macho dans toute sa splendeur. Il a su merveilleusement nous rendre, sous ses dehors virils et bourrus, un personnage finalement pas méchant pour un sou, voire attachant. D´un bout à l´autre en verve, haut en couleurs et truculent à souhait. Assumant merveilleusement sa transition d´homophobe invétéré en ce personnage sensible et sentimental - voire soupçonné à son tour de tendances homophiles -, qu´il deviendra sur la fin. (Au départ farouchement opposé à la réintégration de Pignon, Santni se voit en effet contraint par son directeur, sous peine de renvoi, de choyer Pignon devenu le protégé de l´entreprise. Un Pignon qu´il finira à la longue par prendre à son tour en affection...) Parfaitement campé également, le personnage central de François Pignon, idéalement interprété par Csaba Pindroch. Discret, réservé, voire maladivement timide, lui aussi évoluera au fil de la pièce pour prendre peu à peu de l´assurance et se retrouver totalement décomplexé sur la fin. Un acteur que nous ne connaissions pas et qui a visiblement du talent. Très connu, par contre, Tibor Szervét s´est vu ici attribuer un rôle, sinon secondaire, du moins insuffisamment propre à faire pleinement valoir tous les talents que nous lui connaissons : celui du voisin et ami Belone qui, tout au long de la pièce, accompagnera Pignon de ses précieux conseils. Un rôle, ceci dit, fort bien tenu. Comme furent également fort bien tenus les quatre autres rôles, notamment Gabi Gubás dans celui de la charmante et peu farouche Mabelle (chef de Pignon au Service comptable de l´entreprise).

Côté décors et mise-en-scène : simplicité, l´arrière de la scène représentant le bureau et l´avant-scène l´intérieur de Pignon, tour à tour mis en avant par l´éclairage selon les besoins de l´action. Chaque scène étant séparée par un bref intermède musical. Scènes courtes alternant sur un rythme rapide, de sorte qu´à aucun moment, l´action ne paraissait traîner.

En définitive une charmante pièce à notre sens supérieure au film. Sans toutefois prétendre à concurrencer les grands classiques que sont Boing Boing, Oscar ou La puce à l´oreille, également à l´affiche du théâtre. Mais qui nous aura fait passer une soirée bien agréable, grâce à une troupe de haute volée qui y a visiblement pris elle-même un malicieux plaisir.

Pierre Waline

(1) : à noter que „le Placard” fut également adapté au théâtre en France. Avant de se faire connaître du grand public par le film, Francis Veber s´était déjà essayé au théâtre, notamment avec „Le dîner de cons” qui avait connu un grand succès à la scène avant de triompher à l´écran.

 

 

 

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