L’Accord... unilatéral
La rupture de la gauche avec le SzDSz semble être consommée depuis le départ de cette dernière de la coalition gouvernementale courant mai. Son récent rejet du document intitulé L’Accord, proposé par le Premier ministre, Ferenc Gyurcsány, et sa volonté de mettre en place un gouvernement d’experts semblent entériner le divorce entre les deux frères ennemis.
Le débat budgétaire et le vote au Parlement sont à présent sans enjeux. Et même si l’on pouvait s’y attendre, ce n’est pas le refus de la signature de L’Accord qui est la véritable raison de cette rupture désormais définitive entre les deux partis. Face à János Kóka, le libéral "pur et dur", l’élection de Gábor Fodor à la tête du SzDSz avait pourtant été saluée avec enthousiasme dans les rangs du MSZP. Le parti au pouvoir espérait ainsi pouvoir ressouder la coalition rompue en mai dernier. Les libéraux attendaient quant à eux depuis le mois de juin un plan d’action comme condition au soutien qu’ils pourraient apporter de nouveau au gouvernement, désormais minoritaire à l’Assemblée.
Or, L’Accord «n’est pas un programme de survie pour le pays, mais un programme de survie pour Ferenc Gyurcsány», dénonce le nouveau président du SzDSz. Ce programme ne met pas fin à l’étatisme qui règne en Hongrie, bien au contraire. Il table sur des réflexes de paternalisme social, ne diminue pas sensiblement les impôts et ne parle pas des réformes du système d’aide sociale. De surcroît, une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de la vie publique hongroise en la personne du Premier ministre lui-même, considéré comme l’empêcheur principal du rétablissement de la confiance des citoyens. Ainsi, l’évincement de ce dernier est-il désormais un objectif déclaré.
Les thèmes développés dans L’Accord auraient toutefois pu à eux seuls déchaîner les foudres des libéraux. Si le texte évoque en effet que la baisse des impôts est inévitable pour augmenter la compétitivité, il préconise cependant de conserver le niveau actuel d’intervention de l’Etat pour que la sécurité sociale ne diminue pas. Or, la réalisation simultanée de ces deux objectifs n’est pas une tâche facile... Après la période douloureuse des ajustements (2006-2007), il n’est désormais plus possible d’amputer davantage le budget de l’Etat. D’un côté le nombre de fonctionnaires et leur salaire réel ont sensiblement diminué depuis 2006, et de l’autre les retraites restent un sujet tabou car les retraités représentent la base des électeurs du MSZP. Il n’y a donc ni la volonté ni la possibilité politique pour une réorganisation du système des subventions ou d’une réforme de l’Etat. De plus, l’environnement international est devenu dramatiquement défavorable ces derniers temps à la Hongrie, dont l’économie, comme celles des autres pays européens, est en net ralentissement, limitant ainsi les possibilités de baisse des impôts. Il est clair que ce texte est basé sur des réalités économiques et politique fortes. Néanmoins, au lieu de limiter les dépenses de l’Etat, il envisage de compenser la baisse des impôts sur plusieurs années par le blanchissement de l’économie grise et noire (grâce à des sanctions plus efficaces) et par une prise de conscience individuelle (une baisse des impôts en contrepartie d’une réelle «coopération» des citoyens à l’effort collectif). Ceci est indiscutablement une stratégie risquée qui nécessite un dévouement large. Or, l’environnement économique difficile est accompagné d’un manque de confiance général. Selon ce document, le Premier ministre ne renie visiblement pas les bases de la coopération entre la gauche et le parti libéral. Il fait même un pas vers le SzDSz puisque les principaux objectifs et efforts économiques présentés ont une inspiration libérale. De plus, la politique fiscale reste rigoureuse et la réalisation d’un niveau de déficit budgétaire public (tel que défini par l’UE) demeure un objectif prioritaire.
Mais les libéraux ont raison de dire que L’Accord ne cherche pas de solutions à long terme pour des problèmes aigus de la société. Il prend certes en considération certains des plus importants, qui deviennent aujourd’hui l’objet de débats publics : le taux d’emploi étonnamment bas, l’importance de l’économie noire et grise, les retraites et systèmes d’allocations relativement généreux qui découragent certains citoyens d’entreprendre la recherche d’un emploi. Ces constats sont également clairs pour les libéraux. Ils sont aussi conscients qu’il est impossible de distribuer sans compter les avantages sociaux car l’UE suit de près la réalisation du niveau de déficit budgétaire.
Mais comment le SzDSz peut-il penser qu’il est possible d’entamer les principales réformes qu’il préconise dans un environnement social et politique où des concessions de moindre importance (si ce n’est sur le plan symbolique, comme les frais journaliers à l’hôpital, les frais de visites médicales ou les frais de scolarité…) ont été refusées par la majorité des votants lors d’un référendum en mars dernier ? Même si L’Accord n’est pas un programme cohérent et courageux, il est au moins un pas vers un consensus social plus large qui manquait jusque-là.
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