La vie de château?

La vie de château?

Polémiques autour du patrimoine hongrois

L'avenir de 10 des 90 châteaux propriétés de l'Etat hongrois est actuellement en question. Une entreprise française souhaite se voir confier leur gestion afin de développer un vaste programme hôtelier. Mais des voix s'élèvent pour dénoncer une vaste affaire de corruption.

En juin dernier, Miklós Tátrai, alors directeur de l'entreprise publique chargée de la gestion des propriétés immobilières d'Etat, Magyar Nemzeti Vagyonkezelô Zrt. (MNV), et depuis lors renvoyé de ses fonctions (lire revue de presse p.2), aurait demandé au Ministre des Affaires culturelles et de l'éducation, Istvan Hiller, de modifier le statut de 10 châteaux sur les 90 en propriété de l'Etat hongrois afin, selon le magazine Heti Válasz, que la société CCEC puisse légalement accéder à la gestion de ces biens.

L'entreprise française CCEC (Compagnie des Châteaux d'Europe Centrale) est à l’origine d’un vaste programme de développement d'une chaîne d'hôtels 5 étoiles dans plusieurs châteaux à travers toute l'Europe Centrale. Leur objectif: développer une formule de “Relais châteaux” en s'appuyant sur des demeures, actuellement en propriété publique. CCEC, qui n'a pas souhaité répondre à nos questions, souhaite ainsi réunir plusieurs pays dans ce programme afin de lever les fonds nécessaires à un projet d'une telle envergure, de fixer un niveau de qualité homogène et de promouvoir de façon globale cette offre touristique.

Le magazine Heti Válasz, qui souligne que CCEC n'a à l'heure actuelle qu'un seul château en gérance à côté de Plzen, en République Tchèque, s'étonne en outre de compter József Gölöncsér, anciennement attaché commercial de l’ambassade de Hongrie en France dans les années 1980 et 1990 puis membre du conseil d'administration de MNV (sous les gouvernements Medgyessy puis Gyurcsány), où il était chargé de la gestion des châteaux, parmi les cadres de l'entreprise CCEC.

Le Mûemlékek Nemzeti Gondnoksaga (MNG), autorité publique qui gère, pour le compte du Ministère de la culture et de l’éducation, les monuments historiques en Hongrie, a déclaré dans un communiqué de presse: «C'est un scandale que l'on veuille développer ces châteaux pour des projets destinés à l'élite et que soient, pour cela, utilisés des fonds publics, alors que le MNG pourrait également y avoir recours. De plus, cela revient plus cher de transformer ces châteaux en hôtels plutôt que d'y développer des objectifs culturels».

Or des démarches dans ce sens ont effectivement été menées en vue de réhabiliter ces monuments historiques puisque 4 milliards de HUF sont sur le point d’être obtenus auprès de Bruxelles dans le cas de trois châteaux. Ainsi, à propos de l'avenir du château de Füzérradvány, un consortium de plusieurs autorités locales de la région de Zemplén s'est réuni et participe au concours européen.

Pourtant, Miklós Tátrai (MNV) avait demandé à István Hiller de suspendre le processus de demande de fonds européens pour ces châteaux, selon Heti Válasz pour que CCEC puisse quant à eux en bénéficier. István Hiller n'avait alors pas donné son accord pour cesser les démar-ches auprès de Bruxelles et avait réclamé un rapport détaillé du traitement des propositions nationales par le MNV.

En outre, en décembre 2008, Miklós Tátrai aurait fait part au Ministre des finances de l'époque, János Veres, de cette proposition de changement de statut pour 10 châteaux afin que ce projet soit classé prioritaire quelques mois plus tard et que, toujours selon Heti Válasz, CCEC puisse légalement accéder à leur gestion. Interrogé le 9 juillet dernier à ce propos, János Veres a toutefois démenti la supposition selon laquelle une affaire de cette ampleur aurait pu être traitée sans appel d’offre.

Le député Fidesz et maire de Tatabánya, János Bencsik, réagissant à cette affaire, parle quant à lui de «Panama immobilier», associant les démarches de CCEC visant ces châteaux, parmi lesquels ceux de Dég, de Soponya, de Lovasberény et de Iszkaszentgyörgy, à l'affaire King City (vaste projet de complexe hôtelier, comprenant notamment un Casino et des parcours de golf à proximité d'une réserve ornithologique au bord du lac de Velence) qui se trouve dans la même région.

Une affaire bien délicate, à suivre...

Frédérique Lemerre

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