La Slovaquie : un modèle à suivre ?
L’économie slovaque est en passe de réussir sa transition économique. Si les embûches ne manquent pas et qu’il reste un certain nombre de problèmes à résoudre, notamment en terme de chômage, l’intégration européenne joue à plein, et le pays devrait adopter l’euro en 2009. Analyse du «modèle slovaque».
Les observateurs économiques n’en finissent pas de s’étonner : la Slovaquie, née de la scission de la fédération tchécoslovaque en 1993, posséderait l’une des économies européennes les plus honorables du moment. Entrée dans l’Union européenne (UE) le 1er mai 2004, Bratislava a en effet pris à bras le corps sa transition économique. Cette stratégie volontariste paye puisque le pays a reçu l’agrément du Conseil des ministres de l’économie et des finances (ECOFIN) en 2005, et qu’il a commencé sa route vers l’euro en adoptant, il y a un an, le mécanisme de taux de change européen (MCE II) qui stabilise la couronne slovaque à plus ou moins 15% de fluctuation face à l’euro.
Les problèmes de structure d’une économie en transition
Sans pour autant relativiser les louanges des analystes, il faut reconnaître que la Slovaquie a encore du chemin à faire avant de se stabiliser dans une situation économique confortable. En 2002, le taux de pauvreté de la population était encore de 21%, et le taux de chômage est l’un des plus élevés de l’UE, à plus de 11% en 2007, pour une moyenne communautaire de 7%. Autre donnée pénible pour la population slovaque, le taux d’inflation, aux alentours de 3%, même s’il semble être maîtrisé, reste lourd à porter.
L’économie se réforme pourtant peu à peu, et le changement de paysage économique se fait sentir. Alors que l’agriculture est loin d’être l’atout slovaque, les services sont entrés nettement dans la distribution sectorielle du pays, même si l’industrie reste très présente (chimie, automobile, mécanique, sidérurgie, énergie, textile, informatique, etc.). La balance commerciale est faiblement déficitaire (3% des exportations environ en 2006), et il est important, si Bratislava souhaite soutenir la croissance et enclencher un cycle solide de développement national, de réduire cet écart, voire mieux, de suffisamment favoriser les exportations pour qu’elles dépassent les importations.
Pourtant, dans l’ensemble et malgré ces difficultés, la population slovaque reste étonnamment optimiste, se disant satisfaite de ses conditions de vie à 60% en ce début 2008, selon une étude de la Banque mondiale, révélant ainsi une confiance dans le processus de réforme et d’intégration européenne.
Des atouts indéniables qui révèlent un dynamisme européen
Le parallèle est fort limité vu les dimensions géoéconomiques des deux Etats, mais les chiffres méritent la comparaison : la croissance slovaque est à la hauteur de la croissance chinoise. Alors que les Etats d’Europe occidentale peinent à favoriser le sacro-saint indicateur de santé économique, Bratislava peut quant à elle se targuer de 9% de croissance annuelle. Il est clair que le cocktail des réformes structurelles, maîtrise des indicateurs et efforts de la population, joue à plein. Les exportations augmentent ainsi de 23,8% (augmentation de richesses), les importations de 9,2% (révélateur de la demande interne), et les investissements de 6,7%.
Et la Slovaquie joue également en terme commercial à plein l’intégration européenne, ses premiers clients étant l’Allemagne, la République tchèque, l’Italie, la Pologne, l’Autriche, la Hongrie, la France et les Pays-Bas. En ce qui concerne les importations, Allemagne et République tchèque restent aux premières places, la Russie et la Hongrie suivant. Le positionnement centre-européen de la Slovaquie n’y est évidemment pas pour rien. Et même la géologie aide le pays puisque la Slovaquie jouit, sur les chiffres de 2004, de six mois d’avance de réserves en pétrole et de deux ans et demi de réserves en gaz par rapport à sa consommation, ce qui limite sa dépendance vis-à-vis de la Russie.
La Hongrie peut-elle profiter du « modèle slovaque » ?
L’écart entre la Hongrie et la Slovaquie semble donc être assez net. En cette période post-référendaire, il est intéressant d’observer que ce qui est considéré comme la principale raison du succès de l’économie slovaque est le contrôle du déficit budgétaire (2,5% en 2007 d’après le Premier ministre slovaque Robert Fico), une dette qui n’explose pas (43,6% du PIB en 2006), et la maîtrise de l’inflation (7,6% en 2004, 4,5% en 2006).
Mais il est vrai que si la croissance hongroise représente la moitié de la croissance slovaque (environ 4% pour la Hongrie, 9 pour la Slovaquie), les structures sont différentes. Le taux de chômage est par exemple moindre en Hongrie : 6,7% en 2007 contre 11% en Slovaquie. Et si la population active est plus importante, ce n’est pas le cas, rapporté à l’ensemble de la population. Relativement donc, les salariés doivent supporter plus de personnes (1 actif pour 1,4 non actif en Hongrie, 1/1 en Slovaquie).
Il s’avérerait donc intéressant pour la Hongrie d’engager une réduction de la pression fiscale sur les actifs afin - ne serait-ce qu’à l’échelon national - d’enclencher un cercle fiscal vertueux et de parer ainsi à l’économie grise. Par ailleurs, la Slovaquie maintient une politique active en termes social, éducatif, de santé et d’infrastructures, ce qui est à même d’attirer les investissements directs étrangers (IDE) et d’inciter la population à assumer les charges fiscales.
Autre exemple intéressant de la Slovaquie dans sa marche vers l’euro : les taux d’intérêt sont stables pour la couronne slovaque (4,1%), en diminution forcée et progressive pour le forint hongrois (de 6,8% en 2005 à 5,5% en 2007), un double bénéfice puisque la stabilité ainsi qu’un taux plus bas favorisent les IDE.
Péter Kovács