La sinistrose s’installe
Les conséquences sociales de la crise en Hongrie
De la crise de l’industrie automobile à la baisse de la consommation des ménages, la crise financière a eu de nombreux effets sur l’économie partout dans le monde. Les conséquences sociales, semble-t-il, n’en seront pas moins importantes et la Hongrie n’y échappera probablement pas.
Les fonctionnaires d’Etat se mobilisent d’ores et déjà contre le gel annoncé de leurs salaires mais, effet domino oblige, ils ne seront sans doute pas les seuls à connaître des difficultés.
Ferenc Gyurcsány a récemment annoncé qu’afin de diminuer les dépenses budgétaires, et probablement en contrepartie de l’encadrement de crédit que le Fonds Monétaire International (FMI) a ouvert pour la Hongrie, le gouvernement a gelé les salaires de la fonction publique et les treizièmes mois ne seront pas versés à la fin de l’année 2008. Le Comité de grève unifié des fonctionnaires (Egységes Közszolgálati Sztrájkbizottság) a par conséquent décidé d’organiser une manifestation le 29 novembre prochain. Les fonctionnaires demandent au gouvernement une répartition plus juste des resserrements budgétaires sur tous les acteurs économiques et envisagent une grève dans la fonction publique pour le 12 janvier 2009. Une question délicate pour le gouvernement qui n’a guère d’autres moyens pour diminuer ses frais à court terme. Il y a au total 600 000 à 700 000 fonctionnaires en Hongrie, un nombre bien supérieur aux exigences réelles du pays, selon de nombreux experts, et qui représente un fardeau trop important pour le budget.
L’autre dossier éternel casse-tête pour le Premier ministre est celui des retraites: jamais depuis son installation, Ferenc Gyurcsány ne les a diminuées, les retraités constituant une part non négligeable de l’électorat du Parti socialiste. C’est donc un pas symbolique de la part du gouvernement d’avoir décidé de ne pas augmenter les retraites en 2009, et d’avoir fixé le plafond du treizième mois à 80 000 HUF.
La classe moyenne, quant à elle, ne sera pas épargnée par la crise non plus. Selon János Köllô, chercheur à l’Institut économique de l’Académie hongroise des sciences, ce serait précisément ses membres qui pourraient perdre leur emploi à cause de la crise actuelle. Il faut donc compter avec un chômage très différent de ce que la Hongrie a connu jusqu’ici et face auquel les moyens employés devront également être différents. Il faudra, selon lui, prolonger la durée légitime des allocations-chômage et, en même temps, augmenter les sommes dues afin d’éviter que les demandeurs d’emploi issus de la classe moyenne ne se déclassent. C’est autant dans l’intérêt social du pays qu’une question de rationalité économique: le budget hongrois reste très dépendant de l’impôt sur le revenu, le déclassement d’un grand nombre de contribuables serait donc désavantageux du point de vue financier aussi. D’autant plus que les municipalités se serrent d’ores et dejà la ceinture. Elles envisagent déjà une diminution importante des taxes qu’elles auraient dû percevoir en 2009. Là encore, cette diminution est due au ralentissement général de l’économie qui va sans doute se traduire par le recul des investissements et qui pourra engendrer la perte de travail pour beaucoup de citoyens, donc moins d’impôts payés pour leur commune. Or, les marges de manoeuvres des municipalités sont limitées: il ne leur reste que la possibilité de fermer des institutions ou de licencier des employés. Dans la majorité des écoles et jardins d’enfants il y a déjà une pénurie de professeurs, que les éventuels licenciements ne feraient qu’aggraver…Le vrai défi pour la Hongrie face à cette crise sera d’empêcher le déclassement de la population active, d’aider de façon adaptée ceux qui seront dans le besoin, tout en essayant de maintenir les prestations sociales à un niveau acceptable. L’écart entre les couches sociales en Hongrie ne fait que se creuser depuis le changement de régime et si le gouvernement ne trouve pas les bons moyens pour lutter contre les conséquences sociales de la crise, cette tendance pourrait vite s’amplifier.
Anna Bajusz
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