La route de briques vertes

La route de briques vertes

Peu après le jour de la Saint-Valentin, le 17 Février 2013, sur l’A38, accosté à proximité des plus grandes universités hongroises, un nouveau parti politique est né. Le PM, Párbeszéd Magyarországért, apparu non sans signes précurseurs sur la scène, entend, comme son nom l'indique, engager le dialogue sur la Hongrie, pour la Hongrie. Dans la traduction de Gábor Eröss, directeur de l'atelier « politiques sociales » du PM et chercheur à l'Académie hongroise des sciences (MTA), leur nom se traduirait en français: La Gauche Verte.

 

 

Nouveau ? Gauche ? Vert ? Ces trois mots (valeurs) sautent aux yeux sur ton blog drerossgabor.blog.hu. Pourrais-tu nous expliquer leur signification ?  Le PM est-il vraiment un nouvel acteur sur la scène politique?

Absolument. La politique du LMP (le parti vert dont les fondateurs du PM sont issus, “On peut faire la politique autrement”) est caractérisée par la surcompensation : « nous ne sommes pas de gauche ; et nous le prouverons ». Nous, nous sommes libres de tout complexe.

Le PM serait-il un parti de gauche ? Qu'est-ce que la gauche, ou la nouvelle gauche, qui figure dans votre déclaration, sur votre site internet (parbeszedmagyar­oroszagert.hu) signifie ?

Il y a une signification née en France, à la fin des années 60. La Nouvelle gauche, se disait des soixante-huitards, une gauche radicale, mais opposée aux communistes. Les partis verts en sont issus.

L’orientation nouvelle gauche du PM signifie une distinction du Parti hongrois socialiste, qui a gouverné 12 ans sur 23 depuis 1990.

D'autre part il nous définit aussi dans notre relation avec le « Együtt 2014 » (Ensemble 2014) qui se présente comme une force centriste.

Nous avons signé un contrat d’alliance avec eux en vue des élections législatives, mais notre orientation nouvelle-gauche nous en distingue.

Qu'est-ce qui donne sa teinte verte au PM ?

A part des principes bien connus comme le développement durable ou la protection de l’environnement, les mouvements verts, et nous avec eux, se focalisent sur la transparence, la lutte contre la corruption,  le pacifisme ou le principe de non-violence, mais aussi le féminisme ou l’égalité de droits pour les femmes.

Féminisme ou égalité de droits pour les femmes?

Il y a bien des groupes féministes qui rejoignaient les mouvements verts en Europe de l'Ouest, mais en termes de politiques publiques c'est bien l’égalité de droits pour les femmes, un autre principe très important est la démocratie participative.

A quel point est-elle présente en Hongrie?

Elle est justement en train d'être affaiblie systématiquement par Fidesz.

Un point de départ pour une démocratie participative pourrait être le système municipal, mais il y a bien des méthodes pour promouvoir la participation des citoyens, par exemple le budget participatif. Tout cela est encore une utopie en Hongrie, mais ce n'en est pas moins un des piliers idéologiques des mouvements verts, issus de la société civile.

Enfin, les verts sont tiers-mondistes, mais moins en Europe centrale que dans les anciens pays colonisateurs, comme la France ou la Grande Bretagne.

Est-ce que cela pourrait s’exprimer en une attention particulière envers les Hongrois hors des frontières ?

Le tiers-mondisme non, mais l'attitude responsable envers les minorités et les immigrants fait bien partie des principes verts. En Hongrie, il y un nombre d’immigrés limité (NDLR : 3% environ) . Il y a par contre la minorité Rom ou Tsigane dont les problèmes restent graves.

Un bourgeon sur la branche gauche du parti vert.

Quelles étaient les raisons de la création du PM ? La rupture avec LMP était-elle inévitable ?

Oui, finalement c’était plutôt inévitable.

Le débat interne s'est envenimé en octobre, au moment où Gordon Bajnai, ex-premier ministre technocrate soutenu par les partis de gauche entre 2009-2010, s'est posé en leader de l'opposition en lançant son mouvement « Ensemble 2014 ». Partager la scène avec les acteurs politiques  “des vingt dernières années” a été finalement considéré non souhaitable par la majorité du LMP – malgré tout le mal que Fidesz a pu faire depuis trois ans.

Et György Balavány, le journaliste qui était avant quand même plutôt populaire à droite qu'à gauche ?

C'était justement un de nos arguments. Pourquoi ne pas se présenter sur le podium si même “un” Balavany le fait. De même lors du congrès décisif de LMP, en novembre, une courte majorité a voté pour refuser même de négocier une possible alliance électorale avec « Ensemble 2014 ».

Le 23 Octobre 2012, à l'occasion de la manifestation du Milla la création de « Ensemble 2014 ») a donc été annoncée. Quels étaient vos arguments pour  coopérer avec eux ?

Nous avions 3 arguments pour dire oui à la coopération.

Premièrement, actuellement la Hongrie n'est pas seulement victime d'un gouvernement simplement mauvais, mais d’un gouvernement qui détruit l’économie, la société, et même la démocratie. C'est une situation de crise aiguë, il faut donner une réponse adéquate.

Il faut donc ouvrir un dialogue avec des forces politiques dont nous ne partageons les convictions qu’en partie.

Deuxièmement, il fallait réagir au changement des lois électorales.

A présent, c’est un système majoritaire à un tour, avec une petite dose de proportionnelle négligeable. C’est à qui obtient la majorité relative lors du seul et unique tour.

Pour éviter l'éparpillement des voix, la seule solution reste d'avoir un seul candidat commun de l’opposition démocratique  dans chaque circonscription.

Le troisième argument, c’était notre souhait de voir nos idées - justice sociale, participation, développement durable – façonner l’avenir du pays. La posture d’opposition, propre au LMP dès le début, n’aurait pas dû être absolutisée, car il s'agit quand même d'un parti politique qui, comme tout parti, a vocation à faire valoir ses principes et à participer au gouvernement du pays.

Avec sa stratégie du ni-ni, le LMP risquait – et risque – de ne plus être représenté du tout au prochain parlement. .

En même temps, les verts avaient également vocation à empêcher une restauration des pratiques des vingt dernières années, mettre la pression autant que possible sur les socialistes en cas de victoire de l’opposition, que ce soit en matière de justice sociale ou de mesures anti-corruption..

Bien que Bajnai ait été un premier ministre élus par les députés socialistes en 2009 et vienne du secteur privé, il représente à nos yeux un certain espoir d'éviter le retour à la politique des 20 dernières années et de se lancer sur une piste plus juste, plus verte, plus démocratique, plus transparente.

Le PM est-il une force politique indépendant de l’E2014?

Le PM est sur la même ligne politique, celle que la majorité du LMP a rejetée : une alliance avec la « vieille gauche » et le centre pour battre l’antidémocratique Fidesz et faire prévaloir autant que possible notre agenda de gauche verte, pour éviter tout retour au passé.

Notre contrat d'alliance avec le E2014, nous permettra de former un groupe parlementaire autonome dans la future Assemblée.

En plus, les principes que je viens de mentionner, ont été mis en valeurs dans le programme commun signé par Gordon Bajnai.

Nous négocierons ensemble sur cette base un accord a minima avec le MSZP.

Car sans eux il est impossible de remplacer le gouvernement.

Nous voulons deux listes, une pour E2014-PM et une autre pour MSZP. Mais des candidats uniques dans les circonscriptions. Comme ça les électeurs peuvent voter sur les listes en suivant leur préférences respectives.

 

Réponse intellectuelle

Pourquoi choisir le PM en province ?

Les villes de province ont  à peu près les mêmes problèmes que Budapest, il y a donc les mêmes raisons pour nous choisir. Quant aux villages et au secteur agricole : nous proposons un renforcement de la production locale, bio ou pas, et des coopératives, ainsi qu’une nouvelle gestion du territoire à la place des grandes étendues de monocultures.

Et ceux qui ne vivent pas de l’agriculture, n’ayant ni travail, ni perspective ?

L’économie sociale et solidaire offre les solutions : production locale, développent des coopératives, des services aux personnes, l’assistance à domicile…

Les jeunes des plus petits villages ont toujours des difficultés de simplement fréquenter  la bibliothèque la plus proche ou d’avoir un accès à Internet. Quelle réponse existe-t-i pour eux ?

Créer des maisons communautaires, des centres de formation communautaires, ranimer la vie culturelle locale.

Avez- vous aussi une réponse pour ceux qui se plaignent de l’insécurité et qui trouvent rassurant la présence de la Garde hongroise (Magyar Gárda) [groupes paramilitaires proches de l’extrême droite qui font des marches anti-Roms] ?

La réponse verte est la police municipale et au maximum et – là où c’est possible – la médiation.

L’intimidation de la minorité Rom ne mène nulle part.

Existe-t-il une force politique exclue du dialogue politique pour le PM ?

Le Jobbik évidemment. Là, il y a un cordon sanitaire, par contre il ne faut pas ignorer les citoyens qui ont voté pour eux. Il faut leur donner des réponses démocratiques alternatives à celles du Jobbik.

Quel serait votre message pour les jeunes diplômés qui quittent le pays et que le gouvernement actuel prétend vouloir retenir par divers moyens? Leur diriez-vous de rentrer ?

Oui, mais sans forcer. Il est bien de découvrir le monde, avoir des expériences à l’étranger, mais la Hongrie doit être un pays attractif aux yeux de jeunes, un pays où il vaut la peine de rester ou d’y revenir. Il faut renverser la direction de la migration. Dans mon enfance Bucarest (ou beaucoup de Magyars de Transylvanie s’étaient installés) était connue pour être la « deuxième plus grande ville hongroise » ; de nos jours, c’est Londres.

Avec deux petits garçons il serait encore facile de s’installer à l’étranger, si tu es mécontent des perspectives, comme par exemple la rentrée scolaire chaotique que tu critiques vivement sur ton blog. Personnellement, quelles sont tes raisons de rester en Hongrie ?

J’ai vécu cinq ans en France, deux en Allemagne, et je suis pour ce genre d’expériences, mais actuellement j’ai la chance d’avoir un emploi dans la recherche à l’Académie des sciences hongroise et j’ai aussi une vocation qui est la politique d’éducation du PM. J’ai donc de la chance, mais il ne serait pas difficile de trouver une bonne raison de partir comme celle de la situation de la rentrée justement. Là, la politique s’infiltre directement dans la vie familiale.

Pourquoi avez-vous choisi pour lieu de fondation de votre parti le bateau A38, un vieux bateau ukrainien qui ne bouge pas. Seriez-vous les intellectuels, diplômés qui restent avec leur famille ici en Hongrie ?

Ce n’était pas cher et facilement accessible en transport public. En plus il y a pas mal de concerts jazz sur A 38, qui est un endroit aimé des jeunes ; et d’ailleurs le LMP aussi y a été fondé.

Dans ce sens nous ne renions pas notre passé.

Personnellement, je n'ai pas choisi l'endroit, l’A38, mais je pourrais dire – ajoute Gábor avec un large sourire-  que c'est parce que notre but est d'atteindre les 38%.

Csilla Katona

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