La réussite de l’aménagement concerté

La réussite de l’aménagement concerté

L’urbanisme à Budapest

 

Architecte et parfait francophone, László Bajnai, directeur de la société d’aménagement urbain, «Városfejlesztés», est surtout un des acteurs de l’aménagement budapestois. En participant à la gestion de la SEM IX (Société d’Economie Mixte d’aménagement urbaindu 9ème arrondissement), il a contribué à créer un nouveau cadre juridique pour faciliter l’aménagement d’un quartier central au coeur de la capitale hongroise. Il nous livre aussi ses impressions sur l’aménagement de la métropole hongroise.

 

JFB : Pouvez-vous nous expliquer les raisons pour lesquelles la SEM IX a été créée ?

László Bajnai : La SEM IX a été créée en 1992 par la municipalité du IXème arrondissement de Budapest, la Caisse des Dépôts et OTP, comme outil de réhabilitation urbaine de la partie centrale du IXème arrondissement. L’objectif était de faire de cet ancien quartier ouvrier, de 73 hectares de 20000 habitants, au bâti dégradé, une Zone d’Aménagement Concertée (ZAC) permettant d’impulser une dynamique de renouvellement urbain. Rénover ce quartier signifiait démolir, reconstruire, rénover les infrastructures, réaliser des espaces verts, préparer des terrains pour leur futur commercialisation.

Grâce à une collaboration active avec la SCET, filiale centrale d’aménagement urbain de la CDC et les meilleurs experts hongrois, la SEM IX a obtenu rapidement des résultats positifs sur le terrain et une adaptation réussie d’outils français à l’environnement juridique hongrois.

Ce projet est toujours en cours même s’il est déjà bien avancé. Le temps de l’urbanisme est parfois long et l’aménagement de ce quartier s’est fait pas à pas. Aujourd’hui, une des dernières étapes de l’aménagement de ce quartier est le projet de réhabilitation sociale (logements, espaces verts) d’un montant de 5 milliards de forints, en phase de préparation (avec un financement européen déja approuvé par le gouvernement de 2,9 milliards de Ft). La situation du logement est critique à Budapest : les communes ont revendu souvent à des prix modiques leur parc immobilier après le changement de régime et les nouveaux propriétaires n’ont pas les moyens de réhabiliter ces propriétés. Le gouvernement d’Orbán prévoit de répondre à la question du logement à travers le plan Széchenyi.

JFB : Quel contexte politique a permis la création de cet outil d’urbanisme opérationnel ?

L.B. : A la fin des années 80, au moment de la chute du régime communiste, les pouvoirs politiques n’ont pas défini de philosophie opérationnelle pour maîtriser la transformation du tissu urbain. L’urbanisme réglementaire s’est donc maintenu mais dans un contexte libéralisé : les élus avaient tendance à croire qu’en modifiant leur plan d’occupation des sols, ils pourraient attirer plus facilement les acteurs privés de l’aménagement et la ville s’offrirait ainsi un nouveau visage. Cependant, il a fallu se rendre à l’évidence : l’administration joue un rôle fondamental dans l’aménagement des villes. On ne peut confier cet aménagement aux seuls acteurs privés sous peine d’obtenir un aménagement disparate, incohérent.

L’état d’esprit au début de cette opération d’urbanisme, tant de la part des politiques que des aménageurs, s’inspirait des modèles d’aménagement urbain étrangers, en particulier français. Il faut dire que le code de l’urbanisme en Hongrie ne prévoit nullement la mise en oeuvre de ce type d’outils juridiques et financiers d’aménagement concerté. La SEM a d’ailleurs été créée sur la base du droit civil. Elle réalise des programme d’aménagement urbain, approuvés par la collectivité locale et pour le compte de celle-ci, sur la base d’une convention de planification et de réalisation conclue entre les deux parties. La réalisation de cette convention repose également sur les règles de droit civil. Dès lors, la SEM IX est, au même titre qu’une SEM française, une structure juridique dont la municipalité reste l’actionnaire majoritaire et le décideur prioritaire.

JFB : La SEM IX a-t-elle servi de modèle d’aménagement en Hongrie?

L.B. : Bien entendu, car les résultats ont été positifs d’un point de vue financier et juridique, mais aussi en terme d’efficacité. D’ailleurs, d’autres SEM ont vu le jour. Avec mon cabinet, nous avons en effet créé en 1999, sur le même modèle que la SEM IX, la première SEM en province, dans la ville de Zalaegerszeg, près de la frontière autrichienne et du lac Balaton, avec la participation d’OTP et d’une antenne régionale de la MFB (Banque hongroise pour le développement). Une autre SEM a vu le jour a Mosonmagyaróvár en 2001 sur les mêmes bases. Elles ont eu pour mérite la planification d’opérations d’aménagement d’envergure grâce au regroupement et à la concertation de plusieurs investisseurs.

JFB : Comment se sont concrétisés les actions de la SEM 9 ?

L.B. : A priori, c’était une opération d’aménagement urbain classique. A l‘issue de l’opération nous avons libéré des terrains à construire en vue de leur commercialisation. Ces recettes ont pu ensuite être réinjectées dans le financement de l’opération. En 2002 - 2003, la Hongrie a été éligible au dernier programme PHARE de l’Union Européenne dont pouvaient bénéficier les études de protection de l’environnement. Grâce à la visibilité et la précision de notre travail dans les trois SEM citées (montage juridique, technique, financier), il a été possible d’intégrer l’opération de réhabilitation du 9ème arrondissement dans ce programme PHARE.

Ces aides européennes ont joué un rôle important, mais ont généré des comportements pas toujours positifs aussi: certaines collectivités territoriales se sont intéressées à l’aménagement de leur territoire uniquement pour percevoir ces aides. De fait, les efforts de concertation entre les investisseurs se sont affaiblis.

JFB : Comment fonctionne l’urbanisme à Budapest ?

L.B. : La ville de Budapest définit un plan-cadre, une réglementation cadre, puis chaque arrondissement prépare ses plans réglementaires en conformité avec les documents-cadre de Budapest. Les arrondissements sont très autonomes et ont de réels pouvoirs pour décider. Un architecte en chef est nommé dans chaque arrondissement pour assister les élus à mettre en oeuvre leurs compétences en aménagement urbain.

JFB : Comment percevez-vous les efforts d’aménagement de la ville de Budapest ?

L.B. : Il y a eu des initiatives très intéressantes de développement de la capitale hongroise. Ce fut le cas au début des années 90, quand une partie importante du 11ème arrondissement a été réaménagé en vue de l’Exposition Universelle prévue en 1996. Ce grand projet urbain a finalement échoué a cause du parti socialiste. L’Etat a toutefois tiré profit de cette expérience pour construire à cet emplacement, entre les ponts Petôfi et Lágymányosi, un pôle universitaire.

Plusieurs réalisations ont permis de restructurer la ville, créer des liaisons entre les quartiers et avec les communes voisines, faciliter les accès au centre tout en fluidifiant le traffic routier : l’amélioration des grands axes comme le grand boulevard Hungaria, notamment avec l’aménagement d’espaces verts (projets Budapest szívét, c’est-à-dire coeur de Budapest, en cours depuis près de 5 ans), du pont Lágymányosi, la construction d’autoroutes périphériques toujours en cours (MO).

Pour ce qui concerne le renouvellement des quartiers, l’exemple de la SEM IX est unique à Budapest. Pour le reste de la ville, il s’agit plus tot d’interventions privées, dans certains cas avec un partenariat public - privé, c’est le cas de l’aménagement de l’avenue Váci dans le 13ème arrondissement mais également de celui du Palais des Arts (MUPA) dans le 9ème arrondissement qui constitue une vraie réussite en terme de projet immobilier PPP.

Il faut espérer désormais que les projets de type ZAC/SEM d’aménagement puissent se poursuivre, impulsés par le gouvernement à travers une vraie stratégie d’aménagement.

Gwenaëlle Thomas

 

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