La mystérieuse vente de l’Institut de Ballet

La mystérieuse vente de l’Institut de Ballet

L’institut de Ballet hongrois, magnifique bâtiment du centre-ville, connaît un sort misérable depuis plusieurs années. Entre affaires de corruption présumée et dégradation continuelle de l’édifice, laissé à l’abandon depuis 13 ans, le palais Drechsler devrait pourtant bientôt être fixé sur son sort.

Le palais Drechsler, magnifique bâtiment qui se trouve face à l’Opéra sur la célèbre avenue Andrássy, a été conçu par deux architectes très connus du XIXe siècle, Ödön Lechner et Gyula Pártos, et construit en seulement trois ans entre 1883 et 1886. Il porte le nom de Béla Dreschler qui avait acheté le grand café situé au rez-de-chaussée du bâtiment en 1896.

En 1997, la mairie du VIe arrondissement de Budapest avait vendu cet établissement pour la somme de 220 millions de HUF, soit 20.000 HUF du mètre carré (!), à une compagnie immobilière dénommée Andrássy 25 Ingatlanhasznosító Kft. Le maire du VIe arrondissement de l’époque, György Borsány, avait auparavant demandé à la société immobilière Trivest d’estimer la valeur du parc immobilier public de l’arrondissement. Trivest avait alors estimé la valeur de l’Institut de Ballet à 554 millions de HUF. György Borsány avait ensuite fondé sa propre société immobilière, la susnommée Andrássy 25 Ingatlanhasznosító Kft, qui avait acquis le palais Drechsler pour un prix nettement inférieur aux estimations, avant de la revendre, au même prix, à deux investisseurs immobiliers israéliens.

1998 marque l’arrivée au pouvoir du Fidesz, qui dispose alors d’une majorité au sein du conseil municipal de l’arrondissement et qui demande alors aux nouveaux propriétaires de verser 220 millions supplémentaires. Ces derniers, soit la société Control Centers, acceptent alors de payer cette somme sans rechigner et ce bien que la vente ait été conclue l’année précédente et qu'ils aient en outre dû verser 1,33 milliards de HUF pour indemniser les habitants délogés. Pourquoi une telle “générosité”? La réponse est simple: la société Control Centers avait déjà cédé l'immeuble à une chaîne d’hôtellerie portugaise pour la bagatelle de 30 millions d’euros, soit un peu plus de 7,5 milliards de HUF.

Le groupe portugais Aquapura Hotels envisageait de transformer le palais Drechsler en hôtel de luxe. Pourtant, au fil des mois, la société a peu à peu laissé le bâtiment se dégrader, et ce pour des raisons encore inconnues. Mais en janvier 2010, la cour de justice du VIe arrondissement a décidé de liquider la société d’hôtellerie portugaise, portant le nom de Aquapura Hotels Villas & Spa Budapest Kft. en Hongrie.

Selon les premiers calculs, la mairie du VIe arrondissement aurait perdu environ 6 milliards de HUF dans l’affaire. Mais le plus grave est que l’édifice se trouve aujourd’hui dans un état lamentable et, selon de nombreux témoins, qu’aux cours des dernières semaines, des camions ont emporté, qui sait où, des briques provenant des murs de l’établissement. La protection nationale des monuments historiques a pourtant fait un pas important en condamnant, il y a quelques semaines, le groupe portugais Aquapura Hotels à verser 30 millions de HUF d’amende pour avoir contribué à la dégradation graduelle de l’édifice sans intervenir. Des experts en architecture ont examiné la façade arrière de l’immeuble qui a commencé à s’effondrer et des organisations civiles ont porté plainte pour démontage et démolition d’immeuble public. Elles ont récemment organisé une manifestation pour sauver l’édifice et ont fait circuler une pétition dans laquelle elles réclament l’établissement d’une loi qui permettrait d’obliger les propriétaires à restaurer l’Institut en restant fidèle à son architecture originelle.

Ce n’est malheureusement pas la première fois qu’un officier de la fonction publique abuse de son pouvoir, notamment des informations, souvent secrètes, dont il dispose. Il suffit de penser à l’affaire de György Hunvald (ancien maire du VIIe arrt.) qui, outre des détournements de fonds, a été reconnu coupables d’avoir assisté et souvent même organisé la vente de plusieurs villas historiques situées dans l’arrondissement dont il était maire, et ce à un prix bien en dessous de leur valeur.

Bálint Seres

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