La malbouffe mal vue

La malbouffe mal vue

La «taxe hamburger»

Le gouvernement hongrois s’apprête à taxer la «junk food», c’est-à-dire la nourriture jugée mauvaise sur le plan diététique. Cependant le secteur de l’agroalimentaire craint que ces mesures nuisent à ses intérêts.

«La santé des individus est un capital aussi important qu’un logement, une voiture ou l’argent placé sur un compte en banque. Dès lors, celui qui gaspille ce capital en adoptant un mode de vie irresponsable doit contribuer plus fortement aux dépenses d’intérêt général pour la protection de la santé» - a déclaré le premier ministre, Viktor Orbán dans un discours au Parlement le 14 février. Toutefois, il n’a pas évoqué lors de ce discours les conséquences pratiques de ce type de mesures. Le Secrétaire d’État du Ministère de l’Économie Nationale, Zoltán Cséfalvy, a donné plus d’informations sur la chaîne Hír TV : afin de lutter contre l’obésité, le gouvernement hongrois projette de taxer la nourriture mauvaise sur le plan diététique, comme les hamburgers. Selon lui, le revenu des taxes ainsi perçues enrichirait la caisse d’assurance maladie. Il n’a toutefois pas précisé quels produits seront directement touchés par la mesure, à partir de quelle date et à quel niveau de taxation.

L’idée de taxer la junk food a été évoquée pour la première fois pendant l’été 2010 par l’Association stratégique pour les hôpitaux hongrois (Stratégiai Szövetség a Magyar Kórházakért Egyesület). D’après cette dernière, il faudrait taxer les produits alimentaires dont le contenu en sucre, en sel ou en graisse dépasse la limite conseillée par l’Institut d’Alimentation Hongrois, ainsi que les boissons sucrées comme le Coca-Cola. En Hongrie, comme dans plusieurs État membres de l’UE, l’obésité est un problème de plus en plus préoccupant. Les statistiques européens pour 2010 montrent qu’en Hongrie, 15 adultes/100 et 20 enfants/100 sont obèses.

L’Association Nationale de Transformation Agroalimentaire (Élelmiszerfeldolgozók Országos Szövetsége) dénonce cette proposition car la nouvelle taxe pourrait affaiblir la compétitivité des entreprises hongroises sur le marché européen, alors que la Hongrie est un pays où les impôts sont déjà parmi les plus élevés. Cette taxe provoquera une augmentation des prix et, par conséquent, des licenciements dans ce secteur déjà en difficulté. «La consommation de n’importe quel produit peut être considéré comme malsaine si elle n’est pas modérée. Même les recherches médicales et scientifiques ainsi que les différentes organisations de santé de l’Union européenne ne trouvent pas de consensus sur ce sujet : il n’existe pas de distinction claire entre produits sains et malsains” – a expliqué la directrice de l’Association Nationale de Transformation Agroalimentaire, Györgyné Folláth, dans une émission de MR1 Kossuth Rádió. Selon Csaba Csontos, le directeur en charge des relations extérieures pour Nestlé, force est de constater que ce sont les régimes alimentaires et modes de consommation qui sont malsains, mais pas la nourriture elle-même, car dans ce cas-là elle ne serait pas distribuée sur le marché. Le changement de mode de vie n’est pas qu’une question de coût des aliments».

En France, il y a deux ans, un projet de taxe similaire avait été débattu avant d’être abandonné. La question d’une éventuelle taxation de la "malbouffe" a également fait l’objet d’un débat au Danemark, et l’année dernière en Roumanie. Elle a été jugée inutile par les industriels de l’alimentaire qui pensent que l’instauration d’une nouvelle taxe aurait pour seule conséquence de pousser les gens vers l’achat d’autres produits bon marché (…) encore moins sains et fabriqués dans des conditions d’hygiène critiques. «Les Roumains mangent mal parce qu’ils sont pauvres» - a déclaré le président du syndicat de l’industrie alimentaire.

 Judit Zeisler

Catégorie