La maison en cartons 2

La maison en cartons 2

Petites Variations sur les Déménagements.

Qui dit rentrée dit bien souvent fin des grandes migrations expatriées. Car l’été est la saison de tous les changements de cap : plus au sud, plus à l’est, plus près, plus loin… Il y a ceux qui s’en vont et ceux qui s’en viennent mais c’est toujours la même aventure aléatoire qui, dans le grand monopoly des installations en terres étrangères, passe toujours par la redoutable case déménagement. En route. En route donc ! Mais il faut d’abord mener à bien une petite guerre éclair dont l’issue est toujours incertaine car :

Si l’on sait toujours quand commence un déménagement…

On ne sait jamais quand il va finir .

Un beau matin, vous voilà donc en train de montrer votre précieux « Tout ça c’est à Moi ! » à un fringant commercial qui vous promet son meilleur service Cutter d’Or et Chatterton de Soie. Au passage, il vous fait également la danse du boa constrictor « Ayez confiance; Ayez confiance…Votre maison sera mise en cartons de la meilleure des façons. Ensuite, nous la ferons partir en voyage voir de nouveaux paysages et, elle vous attendra là-bas, ailleurs, intacte et rapidement d’attaque. »

Paroles & Paroles, parce qu’en réalité ce qui importe vraiment c’est la qualité de l’équipe de gros bras qui va sévir chez vous, son état d’esprit et la quantité additionnée de neurones connectés qu’ils vont vous prêter. Car attention, ce sont eux qui maîtrisent la technologie de l’A.S.E.M ou Arme Suprême d’Enquiquinement Massif, qui consiste à éclater le commando dans tous les coins de la maison telle une nuée de sauterelles papivores afin de remplir derrière votre dos un maximum de cartons de façon totalement aléatoire. Quant à savoir comment vous allez vous y retrouver à l’arrivée, ils s’en moquent bien comme de leur premier dérouleur de papier adhésif. Sur ce sujet, tout le monde en a de drôles à raconter … quelques années après.

Et quand votre maison est enfin mise en C.A (Cartons Aléatoires), que les gros bras ont vidé les lieux, vous êtes pourtant bien loin d’en avoir fini. Vous entrez simplement dans une deuxième phase de campagne qui exige des nerfs et un sens diplomatique parfaitement aiguisés et ce, quel que soit l’état d’épuisement où vous pouvez vous trouver car :

Attention, la bataille pour les cautions est engagée.

Et votre propriétaire d’habitude beaucoup moins empressé pour des problèmes que vous avez rencontrés avec sa précieuse propriété, de vous tomber immédiatement sur le dos en vous cherchant des trous dans le mur. Et c’est une vraie conversation de marchand de tapis qui s’engage dans cet espace nu, étrangement sonore et qui vous est presque déjà complètement étranger. Et là, tous les coups sont permis. La mauvaise foi fait loi et le mieux en Hongrie croyez-moi, c’est d’avoir un bon avocat. Mais le plus drôle c’est que question propriétaire, vous êtes bien loin d’en avoir fini parce qu’immédiatement après, c’est celui de votre nouveau logis qu’il faut rassurer comme une jeune fille qui va se marier. Il est très souvent là à votre arrivée pour s’assurer que vous et vos G.B (Gros Bras) n’allez pas tout dévaster. Et vous voilà en train de faire à votre tour la danse de Kââ le Boa pour qu’il vous donne les clés du paradis et que vous puissiez surveiller vos G.B qui, pendant ce temps-là, font presque toujours n’importe quoi.

Parce que la toute dernière campagne de déballage n’est malheureusement pas qu’un simple baroud d’honneur. D’expérience, on apprend vite que c’est souvent dans les derniers moments qu’arrivent tous les accidents (coups de cutters dans les meubles ; tableaux & gravures déballés trop hâtivement et mal adossés aux murs …). Et quand le massacre est terminé, que le silence est enfin tombé, il ne vous reste plus qu’à compter les pertes et à additionner ce que cela vient de vous coûter.

Dans tous les cas, mieux vaut en faire un constat fataliste car désormais ce qui importe le plus c’est cette nouvelle vie, cette nouvelle maison, ce nouveau pays qu’il vous reste à découvrir et à apprivoiser avec un entrain et un appétit glouton. La curiosité et l’attrait pour la nouveauté sont là, intacts, comme le défi d’une vie à recommencer, la promesse d’une parenthèse enchantée à inventer.

Marie-Pia Garnier

 



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