La longue marche de Tisza Cipő
Spécial anniversaire: 1989, 20 ans après
Vingt ans après le démontage du rideau de fer, on pourrait se poser une question simple: que reste-t-il du communisme? A première vue, rien… les statues monumentales ont été rassemblées à Memento Park, les trabants ont laissé la place à des voitures venues de loin et les centres commerciaux fleurissent aux quatre coins des villes. Rien à signaler, circulez...
Pourtant, à y regarder d’un peu plus près et en baissant un peu la tête, on remarque que l’ancien monopole d’Etat des chaussures de sport de l’époque communiste fait fureur. La jeunesse hongroise n’a d’yeux que pour la marque Tisza Cipő.
Tisza Cipő c’est un panel multicolore de chaussures de sport, géneralement plus utilisées dans la rue que sur les terrains d’entraînement. Le logo n’a pas pris une ride, un grand T majuscule découpé en trois parties. Le symbole de la marque est le même depuis 1971. Tisza Cipő surfe justement sur la vague rétro qui sévit dans toute l’Europe post-socialiste. Sans parler de regrets des années du socialisme, un engouement pour l’ambiance des années passées se fait sentir.
Nagy Péter, qui a grandi pendant ces années, tente de nous éclairer: «C’est d’abord, pour les trentenaires d’aujourd’hui, la période de leur enfance ou de leur jeunesse. Une certaine nostalgie y est donc associée». Ce phénomène rétro se retrouve aussi en France avec la folie du retour des années 1980 par exemple. La seule différence c’est qu’en Hongrie la rupture entre cette période est le présent est beaucoup plus visible. Il est clair pour lui que «la lecture des années 1945 à 1989 est fragmentée. Chacun peut se souvenir d’une partie différente. Certains y voient l’oppression, d’autres personnes se remémorent les années de crises, les files d’attentes, les absurdités. D’autres encore y voient leur jeunesse».
Un rapide coup d’oeil sur les sites Internet hébergeant des vidéos et l’on comprend tout de suite l’engouement que connait la marque et surtout ses publicités des années 1970 et 1980. Ces courts films ont été visionnés plusieurs milliers de fois et des centaines de commentaires rendent compte de la véritable légende qu’est devenue “la chaussure de la Tisza”.
Le caractère national y ajoute aussi beaucoup. La marque crie haut et fort que sa production est 100 % “Made in Hungary”. L’usine et le siège sont basés à Martfú, bien évidemment sur les bords de la Tisza, non loin de la ville de Szolnok. La mauvaise nouvelle est que 85 des 102 employés ont été débauchés en mai dernier faute de pouvoir payer les salaires. Triste nouvelle pour cette usine fondée en 1939 par Bata sous le nom de Cikta Rt, puis devenue Tisza cipőgyár Nemzeti Vállalat. Dans les années 1960, la marque est un grand fournisseur de chaussures militaires, puis devient, dans les années 1970, spécialiste de la chaussures de gym tout en proposant différents modèles de claquettes et de chaussures de sport. Tisza Cipő a survécu à l’étrange mort du communisme pour se concentrer avec succès depuis 1999 sur les chaussures dites de “street”.
Depuis ce jour, avec un renouvellement constant des lignes et du design, la marque propose dans ses six magasins hongrois, dont deux dans la capitale, toute une série de produits dérivés. En plus des chaussures multicolores, il est possible de se procurer des t-shirts, des polos, des sacs et même des boucles d’oreilles. Par ailleurs, loin des premiers festivals clandestins de rock des années 70, Tisza Cipő met un bus à disposition, forcément un ancien modèle pour rester dans l’ambiance rétro, qui conduira quelques privilégiés sur les routes de Hongrie aux festivals Volt et Balaton Sound en juillet prochain. Quelque soit la météo lors des festivals, rien de grave car, comme l’annoncait le slogan du fabriquant en 1980, «quand il y a du soleil ou quand il pleut, je suis en Tisza cipő».
David Sauvignon
Plus d’informations sur Tisza Cipő : www.tiszacipo.hu
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