La littérature ukrainienne

La littérature ukrainienne

Un ange m’ayant soufflé qu’il serait bon que j’écrive un article sur un auteur ukrainien, je saisis aussitôt mon téléphone pour demander l’avis d’un spécialiste. Sa réponse fut immédiate : « Si tu devais choisir UN auteur français, qui choisirais-tu ? ». De fait, il me semble plus opportun de vous proposer de choisir vous-même.

 

La littérature ukrainienne a longtemps été uniquement religieuse, la plupart des spécialistes estiment donc que la première œuvre conforme à nos canons littéraires est celle d’Ivan Kotljarevs’kyj en 1798, l’Enéide, un poème de huit mille vers qui, tout en réunissant un grand nombre d’éléments culturels, plante les premières racines d’un nouveau nationalisme qui se définira par sa volonté de ne pas être russe sans se mettre le Tsar, puis les Soviétiques, à dos.

Dans un genre plus accessible, l’œuvre de Gogol vous tend les bras chez Garnier-Flammarion (par exemple). Gogol puise dans ses racines ukrainiennes le goût de l’absurde et du mystère, un classique qu’il est bien agréable de redécouvrir, particulièrement en cette saison, vous n’avez qu’à commencer avec Tarass Boulba, c’est très plaisant.

A partir de Catherine II, il a été assez difficile pour les Ukrainiens de se différencier de la grande sœur Russie. En plus, pour les étrangers, comme tous les pays de langue slave étaient sous domination russe, les différences comptaient peu. Mon propos n’ayant pour but que de vous pousser à vous rendre dans une librairie, je ne vous détaillerai ni les auteurs ni les œuvres qui ont fait la valeur de cette culture si vive malgré l’oppression. Si cet article suit le tracé chronologique d’une Histoire de la littérature et évoque (de très très loin, maître !) les schémas introductifs de David Lodge, ce n’est que pour mieux vous diriger vers la lecture.

Je vous citerai néanmoins deux œuvres modernes écrites par des exilés ukrainiens au vingtième siècle : Le jardin de Gethsémani d’Ivan Bahrjanyi, une dénonciation des conditions de vie sous la férule du Goulag avec des descriptions criantes et Le prince jaune (PIUF, Montréal) de Vasyl’ Barka qui décrit les fameuses famines orchestrées par Staline dans les années 1932 et 1933 que les Ukrainiens voudraient voir reconnues comme génocide.

Ce sujet est encore brûlant d’actualité et peut donc intéresser ceux qui puisent plus de détente dans l’Histoire que dans la fiction.

La fin du vingtième siècle marque le renouveau d’une littérature ukrainienne moderne. C’est au sein de cette génération que se trouve mon véritable conseil de lecture. Andreï Kourkov, le père du Pingouin et du Caméléon, des romans qui nous plongent dans l’Ukraine postsoviétique et ses paradoxes, par le biais d’une écriture emprunte d’un humour plein d’humanité malgré la dureté de certaines situations. Un écrivain qui n’est d’ailleurs pas très différent du Russe Alexandre Ikonnikov et de ses Nouvelles du bourbier (dans la collection Points comme les deux précédents), nouvelles que je recommande à ceux qui savent rire de choses qui font souvent pleurer. Ces deux auteurs malgré leurs différences culturelles et le fait qu’ils soient, tous deux, de véritables porte-parole de leur peuple respectif écrivent des histoires parallèles. Le postsoviétisme est un creuset qui restera commun à de nombreux écrivains, dur à vivre, mais agréable à lire.

Xavier Glangeaud

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