La liberté des médias en Europe

La liberté des médias en Europe

Les premiers jours de présidence hongroise ont été animés par les critiques venant de toute l’Europe suscitées par la loi controversée sur les média. Mais qu’en est-il de la liberté de la presse dans les autres pays de l’UE ?

Viktor Orbán a réagi de manière expéditive face aux remarques des autres pays de l'Union Européenne : «Il n’appartient pas aux Français ou aux Allemands de juger de la conformité d’une législation nationale avec les règles de l’UE, mais à la Commission européenne» a-t-il déclaré.

La question de la liberté de la presse, aussi fondamentale qu’elle soit, fait aujourd’hui débat dans plusieurs pays de l’UE.

Le classement 2010 de Reporters sans frontières révèle effectivement des réalités inquiétantes quant à la liberté de la presse dans l’UE. Certains pays comme la Grèce, la Bulgarie, la Roumanie et l’Italie se situent très bas dans le classement. La France fait partie des pays qui ne connaissent pas de progression, malgré les recommandations de cette organisation internationale.

L’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH) pose toutefois la liberté d’opinion comme un droit fondamental qui s’impose à tous les Etats membres.

Et pourtant, certains pays entravent cette liberté de la presse et portent atteinte régulièrement à l’indépendance des médias.

Viktor Orbán n’a pas manqué de rappeler la situation ambiguë de la France :«Je ne me souviens pas que la Hongrie ait jamais critiqué la loi française sur les médias (...). Et je n’ai jamais dit qu’il s’agissait d’une loi antidémocratique», a-t-il souligné.

Le principe français est de garantir la liberté de la presse et de veiller à l’indépendance des médias en assurant la diversité des courants d’opinion et le pluralisme de l’information. La nouvelle procédure de mars 2009 donne cependant le pouvoir au chef de l'État de nommer lui-même les présidents de France Télévisions, Radio France et de la société chargée de l’audiovisuel extérieur. Ce mode de nomination et de révocation a été très critiqué par l’opposition entrainant, selon elle, une régression du service audiovisuel public. Le Président de la République s'accorde de ce fait un droit de regard sur les chaînes publiques, qui pourrait à tout moment déraper vers une censure.

L'Irlande a subi également de vives critiques avec sa loi sur la diffamation, entrée en vigueur le 1er janvier 2010. Cette dernière devait initialement réactualiser le droit de la presse irlandaise. Or elle condamne le blasphème dans la presse par une amende pouvant aller jusqu'à 25.000 €. La définition de ce principe aux contours flous laisse une certaine liberté d'interprétation aux juges. La loi s'applique à toutes les religions, pas seulement au catholicisme dominant en Irlande. Le gouvernement avait défendu la mesure comme étant nécessaire pour protéger la diversité croissante des confessions religieuses.

L'Italie non plus ne peut être érigée en modèle concernant la liberté de sa presse, loin de là ! Il suffit d'observer le CV de Sylvio Berlusconi pour prendre en compte l'ampleur du problème dans ce pays : le chef du gouvernement est propriétaire de trois des sept chaînes hertziennes italiennes, sa position politique lui confère un pouvoir de tutelle sur les trois chaînes de télévision publique RAI. Il possède également un quotidien, un hebdomadaire ainsi que la principale maison d’édition italienne, Mondadori.

Il a intenté plusieurs poursuites ces dernières années contre La Repubblica et L’Unita, deux journaux dont la sensibilité est à gauche. L'Italie de Silvio Berlusconi a aussi connu en 2010 une polémique sur la "loi bâillon" visant à limiter la durée des écoutes téléphoniques dans les enquêtes judiciaires et à en interdire la publication avant les premières phases des procès. Silvio Berlusconi a été soupçonné de vouloir freiner les enquêtes sur la corruption et d’en dissimuler le contenu à l’opinion publique.

Plus près de la Hongrie, en Slovaquie, une loi de 2008 a autorisé un droit de réponse à toute personne qui se sent insultée. Ce droit de réponse doit être publié au même endroit que l’article incriminé, que les faits qui figurent dans l'article soient corrects ou non. Le refus de publication est sanctionné par une amende de 1 660 à 4 980 euros.

En Roumanie, en 2010, le conseil suprême de défense a décidé que les campagnes de presse qui critiqueront les institutions publiques seront considérées comme une menace pour la sécurité nationale, au même titre que le terrorisme et la corruption.

Pour autant, ces exemples d'atteinte à la liberté de la presse ne doivent pas servir à masquer les dérives démocratiques de la Hongrie. Ils posent surtout la question de la mise en œuvre des sanctions dans ce type de contexte de la part des institutions européennes.

Gwenaëlle Thomas

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