La Hongrie voulue par le Fidesz
Disposant de la majorité des deux tiers au Parlement, le gouvernement Fidesz-KDNP entend profiter du large pouvoir que les électeurs lui ont conféré. Plusieurs personnalités proches du Fidesz viennent ainsi d’être nommées à la tête de certaines institutions indépendantes et le gouvernement a également l’intention de modifier plusieurs lois de grande envergure.
A l’exception de la banque centrale (MNB), des changements de dirigeants sont récemment intervenus à la tête de presque toutes les institutions indépendantes en Hongrie. Concernant certaines organisations, comme le Bureau national des statistiques (KSH), l’Autorité de contrôle des institutions financières (PSZÁF), la Banque hongroise de développement (MFB) ou encore le Bureau hongrois de l’énergie, ces changements ont eu lieu car leurs présidents, élus sous les gouvernements précédents, ont choisi de remettre leur démission. Cela n’a pas été le cas d’un autre responsable, le président de l’APEH, la direction générale des impôts, que le gouvernement accuse d’avoir profité de sa position pour suspendre le recouvrement de la dette de la compagnie aérienne Malév. Il a donc été limogé, tout comme le préfet de police de Budapest et celui de la police nationale, ou encore le dirigeant de l’Agence hongroise pour le développement (NFÜ), agence chargée de l’octroi des fonds européens.
Le directeur de la Cour des comptes vient également d’être remplacé, le mandat de son ex-président, Árpád Kovács, étant arrivé à terme l’année dernière. Mais, faute de consensus entre les fractions parlementaires, son successeur n’avait pas été élu jusqu’au mois de juin. Son nouveau dirigeant, László Domokos, est député Fidesz depuis 1998. En principe, la législation hongroise interdit de nommer à la tête de la Cour des comptes des personnalités politiques ayant rempli de hautes fonctions au sein d’un parti, ce qui n’est pas le cas de Domokos. Pour l’opposition et la plupart des analystes, il s’agit donc d’un choix qui va à l’encontre de l’indépendance de cette institution.
Des critiques similaires ont vu le jour concernant l’élection de Pál Schmitt au poste du Président de la République (lire article page 2). De même, Transparency International a récemment critiqué le gouvernement pour avoir modifié la loi sur la désignation des juges de la Cour constitutionnelle. Jusqu’ici, chaque groupe parlementaire pouvait déléguer un membre au comité qui décidait de la nomination de ces juges. Désormais, selon la nouvelle réglementation, les partis y délégueront des membres en fonction de la taille de leur groupe parlementaire. Cela donnera la possibilité aux partis gouvernementaux de faire élire des juges proches du gouvernement.
Le Fidesz justifie d’ailleurs cette vague de changements dans le fonctionnement des institutions par le fait que les électeurs lui ont assuré la majorité des deux tiers. De son point de vue, c’est en quelque sorte pour le rendre capable de changer les pratiques en cours durant ces 20 dernières années que la population hongroise l’a élu haut la main. Selon ses responsables, le Fidesz ne souhaitent pas mettre fin à l’indépendance des institutions, mais seulement s’assurer que les dirigeants de celles-ci ne chercheront pas à “asphyxier” le gouvernement.
Les partis d’opposition n’ont cependant pas manqué de critiquer le cabinet Orbán pour toutes ces mesures. C’est sans doute le parti LMP qui a organisé l’action la plus spectaculaire: il a ainsi protesté contre les changements apportés à la loi électorale à travers une campagne intitulée “Neuf jours pour la démocratie”. Le slogan fait référence au nouveau délai de neuf jours, contre 35 jusqu’ici, dont les partis disposeront pour recueillir des bulletins de recommandation afin de pouvoir se présenter aux élections (ce nouveau système favorise les grands partis qui n’auront pas de peine à mobiliser leurs électeurs). Devant le Parlement, ils ont non seulement tiré une sonnette d’alarme pour sensibiliser l’opinion de l’approche d’un nouveau régime “orange” (couleur du Fidesz) mais aussi couvert d’un voile orange une pancarte où l’on pouvait lire “démocratie”, “participation des citoyens” ou encore “contrôle civil”. Le parti socialiste (MSZP) a quant à lui fait savoir qu’il avait envoyé une lettre au chef du groupe socialiste au Parlement européen afin de l’informer sur la situation.
Sur la scène internationale, les critiques ont concerné principalement la nouvelle loi sur les médias, qui donnerait la possibilité aux individus d’obliger les journaux à corriger les propos allant à leur encontre. Jusqu’ici, seules les informations erronées devaient être corrigés et certains spécialistes craignent que ce changement ne mette en péril la liberté d’opinion des journalistes. Selon la Fédération européenne des journalistes, cette nouvelle loi n’est pas conforme aux normes européennes et s’inspire des pratiques du régime communiste. Même son de cloche auprès de l’Institut international de la presse, une organisation luttant depuis 60 ans pour la liberté de la presse, qui a exigé du Fidesz l’abandon de ce projet de loi. Le 28 juin dernier, le gouvernement a ainsi repoussé le vote sur les modifications concernant la loi sur les médias à la mi-juillet.
Anna Bajusz