La démocratie s’invite au lycée Kölcsey
Alors que le Mois de la Francophonie bat son plein à travers le monde, le lycée bilingue Kölcsey Ferenc de Budapest a proposé une journée de sensibilisation à la démocratie ouverte à tous lycéens et étudiants de Hongrie. Cette première édition de Journée francophone du droit de vote avait pour thème la corruption et a permis de faire découvrir le rôle de l’OSCE auprès des participants.
En Molvanie, la situation est critique: depuis le début de la guerre civile, plus de 4000 morts sont à déplorer. Les tensions entre les deux camps qui s’affrontent, celui du président actuel Igor Kromenko et son opposant Branimir Permov, délégué général de la République auto-proclamée de Kourtansk, sont arrivées à un point de non-retour suite à l’annonce d’une loi sur la pureté de la langue molvanienne. Seul l’accord de Tiki-Tiki pourrait résoudre cette crise qui dure depuis 3 ans : le référendum, soumettant aux citoyens le choix entre un état fédéral unique ou deux états indépendants, est la seule issue pour assurer l’avenir du pays.
La démocratie en terrain nouveau
Ce scénario n’est pas le récit de guerre d’une région excentrée, mais les bases de la nouvelle session de la Journée francophone du droit de vote qui s’est déroulée au lycée Kölcsey Ferenc le 10 mars dernier. Des élèves venus de 13 établissements de Pásztó, Szeged, Budapest, Aszód ou encore Miskolc ont participé avec implication à la mission qui leur était attribuée : s’assurer du bon déroulement des élections et lutter contre la corruption, en tant que membres observateurs de l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe). La cinquième simulation sur des organisations internationales, cette journée emblématique de sensibilisation à la démocratie était organisée principalement par Stéphane Grandsire, responsable de la section bilingue :
« Il s’agit du plus grand événement scolaire de la Francophonie en Europe : il a mobilisé plus de 800 élèves. Le thème de la corruption est très actuel et faire connaître le rôle de l’OSCE auprès des élèves était important, surtout si l’on se penche sur l’exemple de l’Ukraine. Nous avons fait le choix de situer notre action dans le pays imaginaire de la Molvanie, en nous inspirant du guide de voyage parodique La Molvanie, le pays que s'il existait pas, il faudrait l'inventer. Mais l’exercice va au-delà que donner des éléments de compréhension de la démocratie. Il permet aux élèves des différents établissements participants de se rencontrer, d’échanger, de pratiquer la langue française pour ne pas simplement avoir des têtes bien pleines, mais des têtes bien faites. Des jeunes intéressés ? Non, des jeunes intéressants surtout. »
Assisté par Christelle Barbera pour la conception du site internet pour la découverte des différents enjeux autour de la Molvanie, l’OSCE et la démocratie ainsi que pour obtenir un diplôme de membre-observateur via un quiz, et Aude Paviot pour la rédaction et compilation des textes, Stéphane Grandsire se félicite surtout de la grande « confiance » qui a régné autour de ce projet. Un sentiment de confiance entre le proviseur Csaba Fazekas et son équipe educative s’est senti au cours de cet événement.
« La corruption ? Non merci ! »
De retour dans la salle Klub où s’effectuait un joli ballet d’urnes, de personnels et d’élèves venant récupérer plus de bulletins de vote, il n’était pas rare d’entendre des échos assez surréalistes : « C’est trop calme, on va refaire un peu de campagne dans le couloir » ou encore « T’as pas de corruption à faire, toi ? ». Le thème phare de cette journée n’avait pas été choisi par hasard, et permet de justifier un des rôles majeurs de l’OSCE : tant qu’il y aura de la corruption, ou des élections au déroulement non conforme, l’Observatoire remplira ses fonctions de gardien de la démocratie. Conscients des différents enjeux que cette simulation implique, les élèves qui tenaient les bureaux de vote ont pu exprimer un regard très lucide sur cette porte d’accès vers la réalité :
« Avant, je ne connaissais pas du tout l’OSCE, et je dois dire que les élections en général, je ne les suivais que de loin. Maintenant, je sais comment un vote se déroule » témoigne une élève, souriante. « C’est à la fois un jeu, mais qui ressemble à la réalité. C’est très intéressant. Et maintenant je peux dire aussi : la corruption ? Non merci ! » affirme un autre jeune homme, mitraillette factice à la main pour s’assurer qu’aucun incident n’arrive sous sa garde. Tous se sont vraiment sentis impliqués dans cet exercice, et encore plus pour les 28 élèves dont le rôle était de rédiger un rapport écrit en une heure, avant de le soutenir face à un jury.
Enseignante en français au lycée, Christelle Barbera peut témoigner du sérieux des élèves : “Ce que je retiens de cette journée, c’est à quel point les élèves étaient attentifs au respect des règles: une conscience civique en quelque sorte s’est éveillée par ce jeu.” Bluffée par la prestation orale des élèves, elle se réjouit que cet événement ait pu mobiliser autant des universités que des lycées bilingues.
Un jury professionnel pour des membres-observateurs de talent
Pour obtenir la totalité des points et espérer remporter la première place, l’exercice de compte rendu oral de 3 minutes face à un jury était sans doute l’épreuve la plus redoutée. Un jury composé d’ambassadeurs : Peter Burkhard, pour la Suisse, Eric Fournier pour la France, Isabelle Poupard pour le Canada, appuyé par Aude Paviot et Hugues Denisot, attaché de coopération éducative et coordinateur des Alliances françaises de Hongrie, face à des élèves mis en situation quasi-professionnelle pour leurs plaidoyers.
Lors du dépouillement, certains ont découvert avec surprise que leurs urnes avaient subi un bourrage de bulletins de vote. D’autres ont constaté d’autres situations non-conformes. Avec beaucoup de solennité dans la voix, chaque binôme a exposé les différents faits auxquels ils ont assisté, en s’indignant ou proposant des solutions pour que se déroulent sous de meilleurs augures les prochaines élections.
“Aujourd’hui était un des moments phares de la francophonie, un événement politique, qui permet de montrer que la francophonie est présente et vivante; et combien l’enseignement de la langue française pourra être utile dans le future des élèves.” a dit Hugues Denisot à la fin de cette journée. Pour ce qui est de M. Peter Burkard, qui a de nombreuses fois eu l’occasion d’être membre de l’OSCE à Belgrade, Bakou ou en Ukraine, cette journée s’est révélée être “un vrai succès, très dynamique et satisfaisant. En plus, les vainqueurs ont la chance de gagner un séjour en Suisse”, de quoi motiver l’expérience. L’ambassadeur de France, Eric Fournier, n’en était pas à sa première édition de Journée francophone du droit de vote, et estimait qu’il “fallait plus qu’une journée pour sensibiliser des citoyens de demain, car on passait sous silence d’autres éléments comme le rôle des médias dans les campagnes électorales, ou d’autres exemples. Cependant c’est important que de jeunes hongrois comprennent dès aujourd’hui les mécanismes de la démocratie.” Enfin, Mme Isabelle Poupard s’est estimée très “impressionnée par le sérieux, le niveau de français et de professionnalisme des participants.
Le binôme du lycée Gustave Eiffel de Budapest composé par Lea Lánchidi et Adrián Uracs est arrivé en tête du podium. Toutes les équipes se sont bien défendues, et ont pu assister à une belle leçon de démocratie.
Julie Gaubert
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