La démocratie assassinée

La démocratie assassinée

Il y a cinq ans, le 12 mars 2003, le Premier ministre serbe, Zoran Djindjic, était abattu. Outre la tragédie vécue par sa famille, cela a été, et demeure «l’une des plus grandes tragédies qui soit arrivée à la Serbie», affirme Srdjan Kerim, président de l’Assemblée générale de l’O.N.U. Les conséquences en sont encore très vivaces : la Serbie d’aujourd’hui aurait un autre visage et serait déjà bien plus engagée sur le chemin de l’Europe. Des hommages officiels lui sont rendus ces jours-ci à Belgrade.

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Un intellectuel et un homme d’action

Docteur en philosophie formé en Allemagne, d'origine serbe de Bosnie, Zoran Djindjic commence sa carrière politique dès la fin des années 1980, avec l'instauration du pluripartisme en Serbie. Il s'engage dans les rangs du nouveau Parti démocratique (DS) alors dirigé par Vojislav Kostunica. En 1993, il remplace la direction originelle du DS, dont il fait une machine de guerre électorale, en imposant un nouveau style politique. Il est ambitieux et surtout s’oppose au régime de Slobodan Milosevic. Les conflits de personne et l'opposition idéologique entre l'aile modernisatrice menée par Zoran Djindjic et les courants nationa-listes ne cesseront de miner l'unité de l'opposition serbe. Mais, les bombardements de l'OTAN contre la Yougoslavie, au printemps 1999, modifient la donne. Djindjic, qui s'était réfugié au Monténégro durant les bombardements, soutient la candidature de Vojislav Kostunica aux élections présidentielles fédérales yougoslaves de septembre 2000. Ce dernier l’emporte sur Slobodan Milosevic. En vérité, Djindjic est omniprésent : il organise en sous-main l'insurrection populaire du 5 octobre 2000. Le 23 décembre 2000, l'opposition remporte les élections législatives, et Zoran Djindjic devient Premier ministre de Serbie. Une "cohabitation" très conflictuelle commence alors entre Kostunica et Djindjic. Djindjic dirige alors un gouvernement partagé en deux parties, économique et politique. Il impose une vision claire des réformes nécessaires relatives à l'intégration de la Serbie dans l'Union européenne et à l'économie, mais il doit porter le fardeau du régime de Milosevic et de Kostunica. De plus, il est favorable à une coopération avec le Tribunal international de La Haye, alors que Vojislav Kostunica défend la souveraineté des institutions judiciaires du pays. Il «envoie» ainsi Milosevic à la Haye. Quelques mois avant son assassinat, Zoran Djindjic avait décidé d'amorcer une réforme de fond de la police et du système judiciaire, et avait évoqué ouvertement une partition de la province du Kosovo, ce qui a sans doute précipité l'élimination du maître du jeu de la scène politique serbe.

Un testament

«Voilà cinq ans que la Serbie se décompose et disparaît, car victime de la politique qui a tué Zoran Djindjic. Nous devons ramener la société sur le chemin symbolisé par Djindjic, dont l'idée était supérieure à l'individu et aux partis politiques», a déclaré Cedomir Jovanovic, président du parti libéral-démocrate, après avoir déposé une gerbe de fleurs en compagnie de sa veuve, sur le lieu de l'assassinat.

Aleksandar Le Comte Bogavac

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